Une histoire des Trente Glorieuses
Publication le 18 octobre 2023
210 pages
19 €
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Thème
« Il peut paraître de mauvais goût d’associer le parcours de mon père mort à un taux de croissance. Cette idée s’impose néanmoins tant ses ambitions comme ses réussites épousaient celles d’une période bien particulière. J’ai suivi ce fil pour reconstituer la trame de son passage sur terre ». Le livre est un hommage de l’auteur à Christian, décédé dans un accident de circulation en 1979. Christian est né dans la banlieue de Bordeaux en 1931 dans un milieu modeste. Il veut “s’en sortir", s’élever socialement et rejoindre une élite bourgeoise idéalisée. Il débute comme radio-électricien.
A force de cours du soir et de travail acharné, cet autodidacte gravit les échelons professionnels. Entré chez IBM en 1956, il devient cadre sup à la SEMA, alors le leader français du conseil. Chantre du travail et de la modernité, Christian “pense par graphique, croit aux machines intelligentes et aux automates de plus en plus autonomes”. Et peaufine sa culture générale à coups de Readers Digest. Bref, il personnifie les Trente Glorieuses et l’avènement de la société de consommation et de loisirs. Mais a-t-il vraiment changé de classe s’interroge l’auteur ?
Points forts
Ce livre retrace, à hauteur d’homme et mieux qu’un livre de sociologie, ce qu’ont été les Trente Glorieuses. Dans cette quête biographique, Pourquery saisit bien les marqueurs de l’époque : rationalisme qui n’excluait pas la religion, optimisme et foi dans un progrès multiforme, travail, connaissance, culture. Cette conviction aussi que tout un chacun peut se former, diriger, se cultiver. Cette possibilité enfin d’une élévation sociale qui mène du HLM de la banlieue bordelaise à la résidence chic de Saint-Cloud. Le baby boomer se replongera avec délice dans l’univers des marques d’alors vantées par la réclame qui allait devenir la publicité, la chemise infroissable, Sciences et Vie ou la caméra 16 mm.
Didier Pourquery qui poursuivra à sa manière le voyage de classe sociale de son père, sourit avec tendresse et bienveillance aux travers (petits) bourgeois de ses parents. Les visions du monde de Christian et Didier divergeront mais dans le respect mutuel des valeurs et croyances de chacun. Pas d’ostracisme, mais de la bienveillance et de l’ouverture.
A la veille de sa mort, Christian présente les symptômes de ce qu’on appelait pas encore un burn-out. A quoi bon perdre sa vie à la gagner se demandait-on déjà en 1968 ? Et Pourquery de noter avec une pointe d’amertume que l’ascension du père et du fils est trompeuse, qu’on en finit jamais avec ses marqueurs de classe. Contrairement au projet des Trente Glorieuses ?
Quelques réserves
Je ne vois pas de réserves qui méritent d’être citées. Ce livre est divertissant, surtout pour la génération des Babyboomers.
Encore un mot...
Didier Pourquery revisite avec nostalgie Les Trente Glorieuses à travers le portrait attachant et sensible de son père qui les a si bien incarnées.
Une phrase
- « Un jour d’octobre 1961, il arrive à la maison avec un “illustré” qui ne ressemble à rien d’autre : Tout l’Univers… Christian adore cette façon d’apprendre en marge de l’école, qui lui rappelle Sciences et Vie ». (p.04)
- « J’ai été éduqué par Christian dans l’idée que l’accession à cette bourgeoise économique dont le pays avait besoin ne dépend que du mérite et des postes que l’on occupe. Faux semble dire N, pour en faire partie, il faut quelque chose de plus ? Christian en a eu l’intuition en côtoyant la bourgeoisie : il faut en faire partie ou se bâtir des racines, une maison de famille pour y ranger les malles de souvenirs… Mais pour N ces efforts sont inutiles ; on reste ce que l’on est ». (p.204)
L'auteur
Didier Pourquery est un homme de presse (Libération, Le Monde, Sciences et Vie Économie, Metro). Son œuvre embrasse les genres des livres d’enquête (Chasseurs de têtes, Stock 1985), de chroniques (Les Mots de l'époque, Autrement 2014), d’essais (En finir avec l'ironie ? Éloge d'un mal français, Éditions Robert Laffont, 2018) et de roman (L’Été d’Agathe, Grasset, 2016).
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