Tant pis! Nos enfants paieront
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La France va dans le mur : effondrement de la classe moyenne, chômage de masse irréductible, baisse de la richesse par habitant et pour couronner le tout, ultime conséquence : la montée des populismes sanctionnant l'aggravation des inégalités, source d'un ressentiment profond et de peur larvée. La France (mais laquelle ?) n'a plus confiance dans ses (soi disant) élites. Avec un chômage à près de 25% pour les moins de 25 ans, il y a de quoi...
L'auteur n'est pas tendre : par exemple, concernant les retraités, les réformes qui se sont succédées d'Edouard Balladur à François Fillon, écrit-il, ont profité à ceux qui étaient déjà retraités, pas aux suivants. "La finalité n'était pas de sauver un futur système de retraite mais de sauver celle des retraites en cours".
A l'unisson des grincheux et des mécontents, François Lenglet stigmatise les incompétents, laxistes, profiteurs et , plus curieusement, plusieurs générations d'honnêtes travailleurs qui auraient, selon lui, profité d'un effet d'aubaine inconvenant pendant ce qu'il est convenu d'appeler les "30 glorieuses".
En effet, les baby boomers des années 40 et 50 vont avoir la chance d'approcher de la retraite avec un joli capital, immobilier la plupart du temps et...sans dettes. Tous les emprunts ont vu leurs intérêts gommés par l'inflation tandis que le chômage, indemnisé à -90% à l'époque -merci Giscard-, se traîne à moins de 4% !
Quel contraste avec les générations 2000, les générations sacrifiés sur l'autel de la rigueur et de la mondialisation, cette jeunesse "abandonnée, reléguée", a qui le président Hollande avait promis son aide ; infortunée jeunesse qui, selon l'expression de Louis Chauvel, économiste cité par l'auteur, "arrive dans un monde déjà possédé".
Face à la dégringolade économique de la France et à une Europe qui périclite alors qu'on en attendait tant, "La France n'a(urait) plus qu'un seul refuge, la nostalgie", avant de tomber dans la dépression, la plus grave, celle des esprits.
Points forts
1/ Le talent pédagogique
Dans la perspective de la prochaine présidentielle, la lecture (facile) de cet essai s'impose. Non pas pour découvrir des solutions miracles mais pour nous aider à avoir des idées claires sur certaines options illusoires ou supposées, telles la sortie de l'euro, le fédéralisme ou l'immigration zéro.
Les qualités pédagogiques de l'auteur sont considérables surtout d'ailleurs pour noircir le tableau, comme s' il en était besoin. Les chiffres sont bien choisis. Ils sont implacables. Le cancer, c'est le chômage bien sûr, en particulier celui des jeunes. La raison? En 15 ans, la France n'a pas créé un seul emploi marchand alors qu'ils augmentent de 10% aux US et de 7% en Allemagne. Durant cette période les Français "en plus" sont tous des inactifs, chômeurs ou retraités, ceux-ci augmentant de 30%. En tout, du fait des naissances ou de l'immigration, la France compte 5 millions d'habitants supplémentaires depuis 2001, à la charge de moins de 50% de la population !
2/ La mise en perspective
Tant d'un pays à l'autre que d'une période, ou d'un cycle, comparées à celles qui l'encadrent, ou concernant l'analyse des différentes politiques économiques, Francois Lenglet fait preuve d'une culture quasi encyclopédique et, encore une fois, à la portée de tout à chacun. Il est facile de comprendre que si les Français travaillent 600 heures par an, les Allemands 700, les Anglais 800 et ...les Sud Coréens 1000, la dégringolade de la France est assurée pour longtemps.
3/ L'écriture
Simple et directe. Même sans les graphiques et diagrammes chers au chroniqueur de France 2, les concepts et démonstrations sautent aux yeux.
Quelques réserves
1 Terrain politique miné !
Renvoyant dos à dos nos deux derniers Présidents, l'un "Le Président des Riches", l'autre, "force d'airain sous une affabilité hésitante", déclencheur d' "une avoinée fiscale" confiscatoire , François Lenglet fait le procès du libéralisme économique quitte à confiner à un certain "éloge du populisme" ( c'est le titre de l'avant-dernier chapitre): "les populistes pointent souvent la vérité", écrit-il.
Une bonne partie de "Tant Pis..." est consacré à l'analyse "objective" des thèses du Front National, par exemple: "La critique de l'Euro que fait Marine Le Pen est loin d'être absurde" tandis que quelques lignes auparavant l'animateur de l'Angle Eco écrit: "Nicolas S. et François H. sont condamnés à se cogner aux murs d'une pièce étroite comme des chauve souris désorientées". Ce serait drôle, si ce n'était pas si grave !
2 Vraies illusions mais fausses solutions
Les quelques pistes de solutions évoquées risquent d'apparaître comme des boulevards déjà largement balisés...ou des voies assez secondaires (vente de bijoux de famille, durcissement de Schengen...)
En résumé, sur ce terrain là, le journaliste Lenglet pêche par cela même qu'il feint de dénoncer: "c'est autour de lui (le FN) que les stratégies politiques s'élaborent ....pour le contrer. Son discours fascine les media..." Lenglet semble lui même fasciné même si, in fine, et du bout des lèvres il met en garde contre les tentations de sortie de l'Euro et du repli sur soi.
Encore un mot...
Des Chiffres et des Lettres façon Enjeux Les Echos
Une phrase
"...d'autres, sans doute plus jeunes que nous, moins déformés par un long passé, entreront dans la voie que nous n'auront pas ouverte et, parce qu'ils ont l'âme fraiche et le cœur pur recréeront, sans nous et malgré nous, à travers l'injustice et la misère, le monde que nous aurons laissé mourir" (citation en 1936 d'Auguste Deteuf, fondateur d'Alsthom !). C'est la conclusion de l'Essai.
L'auteur
François Lenglet, 55 ans, est devenu l'économiste incontournable du petit écran depuis ses interventions pointues...et illustrées lors de la campagne présidentielle 2012. Il est juste de rappeler que ce n'est que l'aboutissement d'une longue carrière de journaliste à l'Expansion, aux Echos, à BFM Business puis Business TV, à RTL et ,actuellement, également, au POINT, ponctuées par des rendez-vous grand public incontournables tels " Des paroles et des actes" et "l'Angle Eco".
Son talent pédagogique exceptionnel, il le puise sans doute dans ses racines familiales (sa mère était enseignante), sa formation (maîtrise de lettres modernes et maîtrise de philosophie), ses premières expériences de professeur de littérature... à Shanghaï !
Ses contributions orales et écrites sont nombreuses mais sa production individuelle livresque est plutôt limitée, qui témoigne d'une observation relativement obsessionnelle de notre déclinisme économique : " La crise de 1930 est devant nous", " Qui va payer la crise" et aujourd'hui, "Tant pis! Nos enfants paieront". Comme l'écrit un de ses confrères du Point: " François, c'est des chiffres et des lettres" ... à la portée de tous, pourrions nous ajouter.
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