SUR LES ROUTES DES MARCHES DE BRETAGNE

Itinéraires de légende dans la Bretagne médiévale de la duchesse Anne, reine de France
De
René Cintré - Photographies : Hervé Ronné
Editions OUEST FRANCE, Découvertes,
143 pages 15,90 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

Voici un merveilleux guide "touristique", chargé d'histoire, pour nous faire découvrir ou redécouvrir cette région frontalière qu'on appelle les Marches de Bretagne, zone tampon entre la Bretagne du duché féodal jaloux de son indépendance et le royaume de France moyenâgeux aux visées expansionnistes. Ce territoire, l' Ille et Vilaine d'aujourd'hui pour sa grande part, s'étend depuis Machecoul au sud, et Nantes, la capitale d'Anne de Bretagne, jusqu'au Mont Saint Michel au nord. Nous passons par les cités où guerroya Bertrand Du Guesclin pendant la guerre de Cent Ans, comme Dinan ou Bécherel et par le site emblématique de Saint Aubin du Cormier, près de Rennes, où périrent 6 000 chevaliers bretons défaits par les troupes de Charles VIII en 1487. Ce fut le début de la fin de la fière et indépendante Bretagne. Fait peu connu et peu banal, 600 archers anglais étaient venus avec des auxiliaires gascons et biscayens soutenir les Bretons contre les Français de France, eux mêmes aidés par un régiment d'Ecossais... Le "choc" fut terrible et hanta longtemps les mémoires.

A la rencontre des "vieux châteaux forts des marches profondes" érigés entre les 12e et 15e siècles, détruits et reconstruits dix fois, témoins des durs combats contre les Anglais des Plantagenet puis contre les troupes de plusieurs rois de France, c'est toute  une épopée qui nous saute à la figure avec force illustrations et documents d'époque, récits, poèmes, chansons de troubadours...

 On "visite", entre autres, les châteaux de Fougères (la plus grande enceinte fortifiée d'Europe) et de Vitré, encensé par le bon Roi Henri IV, et ses maisons "fantastiques à porches et pans de bois", ou encore la forteresse du Mont Saint Michel, jamais investie. et puis Dol de Bretagne et sa cathédrale, Montmélian qui "rougit encore du sang des Anglois"...

Points forts

Tout est intéressant dans ce petit ouvrage, tant au niveau des faits historiques très souvent dramatiques racontés avec précision dans un style épique et alerte mais sans emphase, qu'au niveau de l'iconographie. Outre les faits proprement de guerre et les descriptions de champs de bataille qui ont émaillé particulièrement cette contrée de "Marches" prises entre trois feux, ne laissant que ruines et désolation pendant la guerre de Cent Ans (les populations étaient réquisitionnées aux pieds des châteaux pour faire le guet et y perdaient la vie...), on découvre aussi les activités souvent florissantes développées par un peuple courageux "remueur de terre", le travail du cuir, les draperies, l'orfèvrerie , la taille du granit pour les édifices religieux, le commerce fluvial, etc.                                 

On découvre aussi, malheureusement, les conditions de vie effroyables de ces Hauts Bretons (ils parlent le Gallo, patois français mâtiné de normand) qui devaient faire face aux "pilleries", aux épidémies (peste et choléra...), à la torture infligée par les bandes, par ces "larrons des bois, ces rompeurs de trêves" ou "jacquiers de Normandie" au XVe siècle surtout.

Une superbe iconographie...                                                                                                                             Quelques miniatures merveilleuses de couleur et de détails sont ici reproduites (London Library, Bnf...), telle cette scène d'une "pillerie" d'une maison de Fougères, de style naïf (1420-1430) ou cet extrait des Vigiles de Charles VIII par Martial d'Auvergne (l'assaut de la forteresse par François de Surienne et de sa soldatesque aux armes du roi d'Angleterre en mars 1449). Autres exemples parmi cent, un "Gant de Fer" au château de Montaigu, le château de Clisson, les vestiges de Saint Aubin du Cormier, un reportage photo sur l'abbaye du Mont Saint Michel avec son "cloître" en particulier, inondé de lumière ("Dieu est lumière "). De jolies cartes gaiement illustrées,  truffées de symboles, disposées deci-delà au gré des 7 itinéraires remarquables complètent harmonieusement le tout.

...et la restitution de contes et légendes (ou supposées telles)                                                                                    Ainsi, l'histoire émouvante du "bézier du Charnier", ce poirier sauvage éternel, ou presque, qui signale aux visiteurs l'emplacement précis du "sacrifice" des chevaliers bretons à Saint Aubin du Cormier au lieu dit "La Lande de La Rencontre" ou encore l'histoire du "Gant de fer", ce "pouvoir de contraindre, punir et ordonner" du seigneur de Montaigu qui faisait bastonner ses villageois pour les contraindre à assurer le guet en dehors des défenses.

Quelques réserves

La mise en page, la typographie, la couverture, l'ensemble est "daté", pour ne pas dire un peu vieillot. Simple question de forme qui range les Marches de Bretagne dans la catégorie des guides touristiques de milieu de gamme à l'opposé d'un bel ouvrage prestigieux qui trouverait sa place dans une élégante bibliothèque. Le fond, remarquable,  le mériterait. Parti pris cependant respectable qui permet à cet ouvrage de rester financièrement accessible et relativement pratique. Il le serait davantage dans un autre format du type Hachette (en hauteur) ou Gallimard. Par ailleurs, une synthèse de l'histoire de la Bretagne pendant la guerre de Cent Ans, avec en point d'orgue la destinée doublement "royale" de la duchesse Anne, ainsi qu'un lexique des lieux remarquables seraient les bienvenus.

Encore un mot...

"Ils ont des châteaux ronds vive les Bretons...!"                                                                                                        Une "approche" épique et originale de la Bretagne de l'intérieur (l'Argoat) sur les routes de ses Marches, à la découverte de ses forteresses flanquées de leurs élégantes tours rondes et à la rencontre de ses preux chevaliers du Moyen Age. Un “guide” historique bien écrit et largement illustré, même s’il pêche un peu par le côté pratique.

Une phrase

Vitré, une destinée à part et un patrimoine exceptionnel                                                                                     "Les seigneurs de Vitré, durablement maîtres des lieux, furent très influents et habiles politiques". (Ils se tinrent ainsi à l'écart de la "guerre folle" qui opposa au roi de France certains grands seigneurs tels le duc de Bretagne et le duc de Lorraine alliés au prince royal rebelle Louis d'Orléans).                         "En 1487, le Comte Guy XV de Laval, qui, de son propre aveu, "eût préféré rester neutre" dans le conflit opposant le duc de Bretagne (François II ) au roi de France (Charles VIII, successeur de Louis XI) choisit d'obéir à la sommation du roi et lui remit la ville sans l'ombre d'une opposition. Selon le chroniqueur Guillaume de Jaligny (en 1488): " La reddition de Vitré fut grandement avantageuse et profitable au roi de France et au contraire causa grand affaiblissement aux Bretons : car de là les gens du roi couraient fort jusqu'aux portes de Rennes, Nantes et Dinan. Et n'est quasi pas croyable d'entendre les maux dont souffrait alors le pays de Bretagne."                                                

"Par la suite, 1'on sait que Vitré devint l'un des points d'ancrage du Calvinisme et atteignit la prospérité à tel point que Henri IV prononça ces mots en personne :  "Si je n'étais Roi de France, je voudrais être bourgeois de Vitré !"

L'auteur

René Cintré est professeur agrégé et docteur ès lettres. Il a été longtemps professeur au lycée Jean Guéhenno de Fougères où il réside ; il est l'auteur de nombreuses publications sur la thématique des Marches de Bretagne au Moyen Âge.

Hervé Ronné, photographe spécialisé pour la presse magazine et l'édition, a publié 70 ouvrages dont une trentaine aux éditions Ouest France.

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