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Thème
Dans ce livre, Michel Rocard réalise un genre d’inventaire des situations inquiétantes pour l’avenir du monde tant sur le plan social qu’économique et financier mais aussi, et surtout, écologique. De la recrudescence des inégalités au chômage de masse, en passant par la montée des « égoïsmes nationaux », l’inefficacité du politique ou bien encore les folies du système financier, l’ancien Premier ministre – qui écrit de son livre qu’il le veut « un instrument de combat, une arme. » (p. 10) – se demande s’il est « possible de définir et de défendre le bien public commun de l’humanité » ? (p. 214).
Les premiers chapitres exposent les principaux dangers d’envergure mondiale que connaît notre époque. Michel Rocard les étudie séparément, formule des analyses comparatives en ayant – très régulièrement – recours à des retours historiques pour étayer son propos, ceci afin de mieux leur opposer, dans les derniers chapitres, des solutions pour essayer d’y parer.
Michel Rocard plaide pour une « communauté proprement universelle » (p. 234), une « démocratie mondiale » (p.341) à l’image de la communauté européenne. Pour l’ancien Premier ministre le but n’est pas d’abolir l’État mais la souveraineté nationale qui pourrait bien être la mère de tous les vices tandis que l’Union européenne serait en passe de devenir une sorte de panacée à même d’affronter les nouvelles mutations de notre monde.
Points forts
1. Du capitalisme d’Henri Ford à celui d’aujourd’hui, Michel Rocard passe au crible « le gigantesque changement de nature » de ce système et son « état de maturité finissante. » (p. 41) ; la description de la lente agonie du politique : « on ne saurait tout attendre du politique, et peut-être même pas l’essentiel » (p. 309) ; la dénonciation d’un monde malade de l’argent où le nouveau dieu a pour nom « marchandise ».
2. Bien qu’il ne soit pas précurseur en la matière, le fait de dénoncer les dommages irréparables déjà causés à notre environnement et ceux à venir si nous persistons dans le modèle de notre société de consommation, ajoute un pavé de plus dans la mare de l’apathie écologique qui a caractérisé les actions des institutions étatiques et supra-étatiques ces dernières décennies.
3. La différentiation faite par Michel Rocard entre une « crise » et un état de « mutation » est très intéressante. Pour lui, la mutation est l’état dans lequel est plongé ce début de siècle et auquel on doit apporter des réponses innovantes en adoptant des comportements nouveaux, contrairement à la crise à la fin de laquelle on revient à un système déjà connu.
4. Michel Rocard essaye d’apporter des solutions pour rendre de l’harmonie à la démesure d’une société de consommation toujours plus effrénée, le but étant de réussir à inventer une société nouvelle, autogestionnaire. Il prône une société à croissance lente, le droit à la paresse de Paul Lafargue, émet une forte critique de la société de consommation, veut limiter l’invasion de notre temps par la publicité et valoriser le « non-matériel ».
Quelques réserves
1. Il serait sans doute exagéré de dire que cet essai est un livre « fourre-tout », mais on est quand même écrasé par une armada de chiffres et de pourcentages accompagnés par force diagrammes et autres courbes. Il en va de même pour les longs retours historiques qui n’éclairent pas nécessairement le lecteur. Au vu du titre on s’attendait peut-être plus, dans un premier temps, à une définition de ce qu’est l’Occident dans le contexte euro-atlantique actuel. Est-ce un bloc uni politiquement, des divisions existent-elles en son sein ? D’ailleurs n’est-ce pas une vision extrêmement eurocentrée des choses? la Chine ou l’Inde ne tireraient-elles pas de grands avantages d’une déliquescence économique et sociale de l’Occident ?
2. Michel Rocard parle de la spéculation financière malsaine, à juste titre, mais n’aurait-il pas été opportun – dans la mesure où l’écologie occupe une grande partie de son essai – de parler des nouveaux risques de spéculations ? De ces bio-banques qui évaluent le capital de la nature, de ces économistes qui transforment la nature en marchandise et qui ont, de surcroît, des relations très étroites avec l’Union européenne ?
3. Michel Rocard parle des « problèmes que leur complexité fait échapper à la grande opinion d’aujourd’hui. » (p. 93) De ce point de vue, on s’étonne de ne pas le voir évoquer l’accord commercial transatlantique (TAFTA) dont les médias n’informent que très peu l’opinion publique.
4. Michel Rocard souligne des problèmes centraux avec une lucidité certaine mais on a parfois le sentiment que le propos est confit dans la retenue, que des exemples plus précis manquent à illustrer le fond de l’argumentaire. Peut-être, s’attendait-on à un livre dont le titre appelait à plus de virulence, où l’imprécation – au-delà de tous clivages politiques – aurait eu sa place afin de saisir la classe politique?
5. La lecture est parfois laborieuse; le contenu étant dense et le ton grave, cela peut devenir rapidement assommant.
Encore un mot...
Le signal d’alarme de Michel Rocard ressemble à s’y tromper à un cri de détresse de plus sur la question financière ou écologique contemporaine. Mais ce livre est un peu lourd ; il est difficile de tout absorber. On sort de sa lecture comme légèrement barbouillé, et pour cause : c’est notre monde, malade, qui y est disséqué et on voit mal qui pourrait y remédier dans le contexte actuel, faute « d’acteurs vigoureux. »
Une phrase
« Le XXIe siècle n’a que quinze ans, mais toutes les négociations mondiales qu’il a connues ont échoué. » (p. 73)
L'auteur
Homme politique à l'image forte, ancien Premier ministre de François Mitterrand (1988-1991), Michel Rocard est, depuis 2009,ambassadeur de France en charge des négociations internationales pour les pôles arctique et antarctique. Il est l’auteur de nombreux essais.
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