Sorcières, la puissance invaincue des femmes
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Thème
Si l’on parle de « chasse aux sorcières » pour qualifier la critique ou la condamnation populaire d’une personne, quelle qu’elle soit, la « sorcière », telle qu’elle est apparue par construction dans l’histoire, est avant tout une femme, et pas n’importe laquelle. Une femme qui ne ressemble pas aux autres, qui effraie, non pas pour les sorts qu’elle jetterait ou bien pour ses pouvoirs censément surnaturels mais, la plupart du temps, pour son mode de vie perçu comme une mise en danger de l’ordre établi. L’indépendance, la force, le célibat, la puissance de séduction ou l'autorité née d'un âge avancé sont autant de prétextes aux accusations de sorcellerie les plus farfelues. Sorcières, la puissance invaincue des femmes propose un retour sur l’histoire de ces femmes accusées de sorcellerie et les significations profondes de leur persécution. Cette dernière en fait-elle purement et simplement des victimes ? Non, car elle est la manifestation de la faiblesse des armes pour les combattre et de leur force, une puissance combattue mais toujours invaincue.
Points forts
Un sujet original vu sous un angle inédit. Le fait de renverser la problématique de la persécution des sorcières sous un angle de «puissance invaincue» éclaire le lecteur sur la façon dont les femmes ont bien souvent, au cours de l’histoire, été empêchées de vivre librement car perçues avant tout comme des menaces.
Une analyse extrêmement fine et poussée de l’accusation, du procès, des modalités avec lesquelles on arrive à se convaincre de la culpabilité d’une femme, et parfois à convaincre une femme elle-même du fait qu’elle est une sorcière. Les récits des procès sont poignants et édifiants.
Un livre très instructif qui balaie bien des idées reçues : les chasses aux sorcières n’étaient pas plus intenses au Moyen Age mais sous les Temps Modernes, ce sont les tribunaux civils et non les tribunaux religieux de l’Inquisition qui ont mené les persécutions les plus nombreuses, les Protestants étaient tout aussi cruels envers les femmes accusées de sorcellerie que les Catholiques, ce ne sont pas les classes populaires qui ont le plus alimenté les superstitions mais au contraire les élites… Voilà quelques-uns des nombreux points abordés dans ce texte.
Quelques réserves
Un livre parfois un peu long, peut-être, qu’il faut lire en en ayant le temps… Les jours prochains seront peut-être l’occasion de s’y plonger totalement.
Encore un mot...
Un essai original et passionnant, subtil, documenté, balayant bien des stéréotypes.
Une phrase
"En 2016, le Musée Saint-Jean de Bruges a consacré une exposition aux «Sorcières de Bruegel», le maître flamand ayant été le premier peintre à s’emparer de ce thème. Sur un panneau figuraient les noms des dizaines de femmes de la ville brûlées comme sorcières sur la place publique. «Beaucoup d’habitants de Bruges portent toujours ces noms de famille et ignoraient, avant de visiter l’exposition, qu’ils ont peut-être eu une ancêtre accusée de sorcellerie», commentait le directeur du musée. Il disait cela en souriant, comme si le fait de compter dans son arbre généalogique une innocente massacrée sur la base d’allégations délirantes était une petite anecdote trop sympa à raconter à ses amis. Et l’on s’interroge : de quel autre crime de masse, même ancien, est-il possible de parler ainsi le sourire aux lèvres ? En anéantissant parfois des familles entières, en faisant régner la terreur, en réprimant sans pitié certains comportements et certaines pratiques désormais considérés comme intolérables, les chasses aux sorcières ont contribué à façonner le monde qui est le nôtre. Si elles n’avaient pas eu lieu, nous vivrions probablement dans des sociétés très différentes. Elles nous en disent beaucoup sur les choix qui ont été faits, sur les voies qui ont été privilégiées et celles qui ont été condamnées. Pourtant, nous nous refusons à les regarder en face. Même quand nous acceptons la réalité de cet épisode de l’histoire, nous trouvons des moyens de le tenir à distance. Ainsi, on fait souvent l’erreur de le situer au Moyen Âge, dépeint comme une époque reculée et obscurantiste avec laquelle nous n’aurions plus rien à voir, alors que les grandes chasses se sont déroulées à la Renaissance – elles ont commencé vers 1400 et pris de l’ampleur surtout à partir de 1560. Des exécutions ont encore eu lieu à la fin du XVIIIe siècle, comme celle d’Anna Göldi, décapitée à Glaris, en Suisse, en 1782. La sorcière, écrit Guy Bechtel, « fut une victime des Modernes et non des Anciens ». (p 27)
L'auteur
Mona Chollet, née en 1974, est écrivain et journaliste. Après avoir travaillé pour Charlie Hebdo, elle est devenue chef d’édition au Monde Diplomatique. Elle est notamment l’auteur de La Tyrannie de la réalité, (2004) et de Chez soi : une odyssée de l'espace domestique (2015).
Commentaires
cest tres bien
Une superbe travail et une réflexion importante dont la lecture devrait être conseillée à tous les élèves du secondaire, pour garantir efficacement aux femmes un avenir libre et choisi. Ce livre est dense, mais c'est la contrepartie de la rigueur que nécessite le propos pour qu'il soit incontestable. La démonstration n'en est que plus réussie. Je le recommande vivement et je regrette qu'un tel livre n'ait pas existé lors de mon adolescence (même s'il contient de nombreuses références qui tendent à me contredire mais dont on ne m'a pas parlés). C'est un ouvrage majeur d'émancipation démocratique et de compréhension qui s'adresse également aux hommes. Bravo Mona Chollet.
Nul
Ce livre fait partie des "essentiels" d'aujourd'hui. Bravo Madame, ou Mademoiselle !!??
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