Servir
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Thème
Les gens heureux n’ont pas d’histoire mais peuvent trouver, comme Lyautey, « la joie de l’âme dans l’action ». C’est ce bonheur à agir, à témoigner et à instruire qui anime Pierre de Villiers au terme de quarante années passées à servir.
Servir, plus que commander, est l’archétype des verbes à l’infinitif qu’affectionnent tant les soldats. Il résume tout : le but, la voie, le moyen, le résultat. Il prouve, ici sans emphase ni ostentation, sa légitimité.
Pour l’occasion, peu de mois après son départ fracassant des armées de la nouvelle ère jupitérienne, il exhibe son grade et porte l’uniforme. Il aurait pu choisir la tenue de combat des « lettres à un jeune engagé » qui ont ponctué son commandement à la tête de nos armées mais a ciblé un public large, celui de ses concitoyens, conscients que le monde en plein réarmement n’évolue pas vers une paix tranquille, à l’abri des fractures renaissantes de l’Histoire, dans une Europe confortablement installée dans des dividendes illusoires.
Points forts
Ce livre n’est pas la conclusion d’une « affaire » qui a précipité un jeune président, mal ou plutôt trop bien conseillé, à commettre sa première faute, mais le testament, tourné vers l’avenir, d’un acteur de haut rang, passé par tous les stades du métier, d’une chose militaire qui fait beaucoup parler et peu réagir.
Sans évacuer un possible retour de la guerre à large échelle, l’ouvrage est une synthèse raisonnée et raisonnable de la « problématique » de défense pour une puissance moyenne qui croit encore à sa vocation mondiale par temps de crise. Entre la « paix improbable et la guerre impossible » de Raymond Aron, le monde va goûter de plus en plus aux saveurs amères et aux territoires infernaux de la crise mondialisée.
Le propos dessine en dix chapitres les nouveaux visages du monde, de la guerre, des opérations militaires, de la transformation incessante et inégalée des armées, les efforts à déployer, le partage du fardeau entre alliés, la place essentielle des hommes et l’ambition nécessaire qui sont autant de commandements pour une vraie défense.
Entre les lignes se dévoile aussi la difficulté à installer une relation de confiance – et même de conscience – entre le monde militaire, adepte « de la sincérité du premier degré », et la classe politique peu portée à la détermination, ce « courage du temps long ».
Quelques réserves
Choisir le même titre que les mémoires de Gamelin, généralissime de la défaite de 1940, était un risque tant le mot de Napoléon conserve son génie : « le soldat pense à la mort et le général au jugement ». Servir trouve, ici sans emphase ni revendication, sa substance et sa légitimité
Là où certains redoutaient la polémique, c’est le polemos qui transpire de ces pages claires sur les enjeux, les réalités - stratégiques et tactiques - et la spécificité militaire.
On aurait pu imaginer une oeuvre moins classique, plus incarnée et flamboyante, où un chef charismatique entraîne les citoyens à l’assaut du réel. Ce n’est pas le registre ni le tempérament de l’auteur qui a réussi son pari, faire de sa démission le dernier acte de sa mission.
Encore un mot...
Pierre de Villiers avait évoqué son envie d’écrire au terme de son mandat de chef d’état-major des armées. Compte tenu des circonstances, de la nécessité de marquer le coup par surprise, de ne pas laisser Ie dernier mot à Bercy et à la seule « toge » suprême qui a le pouvoir de toujours supplanter les armes, il n’a pas écrit le livre entrevu.
Le soldat y apprend peu qu’il ne sache déjà, le « pékin » en saura bien davantage tant la mise en perspective, la cohérence, la pédagogie de l’intelligence des situations rythment le propos. Comme écrire sert à servir, tous sont désormais conscients qu’une brèche est ouverte dans le « monde du mutisme » et que ceux à qui le pouvoir demande, si besoin, de se sacrifier se tairont moins à l’avenir.
Une phrase
- "Restons convaincus que la violence recule là où la force avance".
- "Ces dernières années, on a gagné des guerres et perdu des paix".
- "Il affichait la sérénité des grands soldats et la modestie des vrais héros (…) aucun esprit de vengeance mais le culte de la mission".
- "Ici, les gens travaillent portes ouvertes ; ils vous regardent dans les yeux ; ils sont intéressés par l’intérêt général."
L'auteur
Né dans une famille vendéenne d’adoption, fils d’officier résistant, frère cadet de Philippe, homme politique et créateur inspiré de l’aventure du Puy du Fou, Pierre de Villiers, saint-cyrien, officier de cavalerie, est un grand amateur de football. A toutes les étapes de son brillant parcours, il est resté abordable et plein d’humour. Chef opérationnel vif et serein, il a été un CEMA complet, consensuel et respecté de tous, en France comme à l’international. Son départ de l’institution a fait forte impression tant dans la communauté militaire que dans le reste de l’opinion. Pour ce qui est de « servir », ce n’est peut-être pas le dernier acte…
Commentaires
J'aurais aimé que le général de Villiers écrive moins et parle moins mais qu'il prenne à bras le corps cette affaire de visas des interprètes afghans de l'armée française, qui ont été abandonnés à la vengeance des talibans.
Bravo, mon général, chef d'Etat Major de l'armée française !
Encore une indignité, une honte, une forfaiture qui a souillé la France et l'armée française.
Je rappelle qu'il y a un mois un ancien interprète afghan de l'armée française a été abattu par les talibans. Il laisse une femme prostrée et 3 enfants ... les autres interprètes de l'armée française auront le même sort.
Bravo mon général !
Quant à son frère Philippe de Villiers il parle des harkis. Cela s'est passé il y a 56 ans, c'est encore une honte de la France. Mais au lieu de parler des harkis il aurait pu apporter son concours à l'obtention de visas pour les interprètes afghans. Tous ces Villiers ne savent que parler.
Excellent livre qui permet d'en savoir plus sur notre armée, souvent méconnue du grand public. L'ancien chef d'état major des armées apporte une vraie expertise sur le monde actuel. Également mis en avant la dimension très humaine de l'armée qui ne peut que créer du lien entre le citoyen lambda et son armée.
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