Secret défense
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Thème
Un avocat raconte sa vie professionnelle faite d’anecdotes, d’émotions, de passion et de beaucoup d’humanité.
Il aborde à cette occasion les grands sujets de la Justice aujourd’hui : les secrets nécessaires et indispensables que sont ceux, professionnel de l’avocat, et, judiciaire, de l’instruction.
Points forts
L’auteur propose une réflexion sur le secret, professionnel ou de l’instruction, et, s’appuyant sur de nombreuses anecdotes et expériences qu’il a vécues, il glorifie à juste titre le secret professionnel de l’avocat... mais sans aller jusqu’au bout ; il eût fallu, par exemple, dire que ce secret est l’héritage pour la République française du secret de la confession de la religion catholique et, à ce titre, pétri de l’impérieuse nécessité de ne pas tout dire, de respecter l’intimité de l’individu, sa vie intérieure, même si les conséquences peuvent en être fâcheuses et dans certains cas - de conscience - gravissimes.
Voilà qui nous éloigne du souci maniaque, avec son corollaire l’hypocrisie, de vérité, de la vérité, des Anglo-saxons protestants surtout des Américains, qui malheureusement envahit petit à petit notre société et, ce qui est plus grave, notre Justice. Mais, curieusement, ce sont ces mêmes Américains qui nous donnent une leçon de respect de l’individu quand il s’agit d’écoutes téléphoniques dans le cadre d’une enquête.
L’auteur a aussi raison de dénoncer la brutalité voire la sauvagerie avec lesquelles on pratique à l’envi les perquisitions, y compris dans les cabinets d’avocats, sans même se soucier des règles élémentaires de procédure, comme si les juges se sentaient investis d’un pouvoir supérieur que rien ne peut entraver, même pas le respect dû aux individus.
Mais il n’échappe pas à la règle et se conjugue à la première personne, certes pas la plupart du temps, avec fatuité et contentement de soi comme bien d’autres, mais parce qu’il raconte son histoire un peu comme un témoin au procès.
Bien sur, ceux qui n’auraient pas encore lu ces livres d’avocats (un peu toujours les mêmes), seront passionnés par celui-ci car il fourmille d’anecdotes intéressantes et de cas pour lesquels l’auteur nous dit son émotion souvent d’une manière vraie comme, notamment, dans l’affaire Agnelet où il défendait, en tant que partie civile, la mère d'Agnès Leroux.
Mais pour revenir au secret, ce livre intéressera aussi quand il traite du secret de l’instruction. Comment ce fondement de la présomption d’innocence ( et pas seulement nécessité de l’enquête), elle- même constituant un droit de l’homme élémentaire, peut-il être bafoué sans vergogne à longueur de procès par les journalistes qui se repaissent de cette infraction commise allègrement par ceux qui devraient la poursuivre ?
Eh non, Me Temime, le secret des sources qui, lui, n’est pas consacré par la loi mais par une jurisprudence souvent spécieuse ne saurait être une justification à cet état de fait !
Si ce secret est néfaste ou démodé, que le législateur s’en saisisse mais ce n’est pas à la pratique judiciaire fautive de s’en affranchir.
Enfin l’auteur met en scène, très justement, ce que l’on appelle le tribunal médiatique devant lequel les droits de la défense et le secret n’existent pas, où la recherche de la vérité est accessoire et qui laisse ses victimes démunies sans recours devant le ravage de leur honneur et de leur considération.
Quelques réserves
POINTS FAIBLES
Pourquoi faut- il que les avocats se sentent obligés, à un âge plus ou moins mûr, d’écrire un livre et pourquoi ce livre ne relève-t-il pas, la plupart du temps, de la littérature ? Pour un Maurice Garçon, académicien aux multiples talents, des dizaines d’avocats qui se racontent et racontent la vie de la Défense qui est toujours la même, ennuyeuse et répétitive. On aura compris que Me Temime n’échappe pas à la règle, hélas dans sa deuxième proposition.
Que de tels livres ne relèvent pas de la littérature, disions nous, en voici la preuve :
Me Temime n’a pas de style ou alors celui du dictaphone et son talent, indéniable, ne convient sans doute qu’à la plaidoirie que, par définition, il ne faudrait pas écrire. Ses phrases basiques (sujet, verbe, complément) sont hachées comme une rafale de mitraillette et sont le contraire de l’éloquence au sens classique du terme, celle que l’on prend grand plaisir à entendre et aussi, souvenons-nous de Cicéron, à lire.
Plus grave encore, il épouse tous les tics du langage moderne ; on est jamais capable de faire quelque chose mais on est " en capacité " de le faire. Jamais responsable mais toujours " en responsabilité ". Jamais "dans le cadre de" ou "à" mais "dans" ou "sur" ou "en", par exemple on est " dans le bras de fer "( je n’ai pu m’empêcher de voir alors celui du capitaine Crochet dans lequel on aurait aménagé une petite porte pour y entrer...).
Croit-on que l’on a l’air plus cultivé avec ce salmigondis ?
Enfin il y a à tout cela une conclusion que l’auteur n’aborde pas : comment se fait-il que seuls les juges et les journalistes ne soient jamais responsables de leurs actes lorsqu’ils sont fautifs et dépassent, parfois outrageusement, les limites d’une déontologie et de la loi qu’ils devraient mettre un point d’honneur à respecter ?
Encore un mot...
Le livre d’un avocat pénaliste réputé qui fait le bilan de sa vie professionnelle et, pour illustrer son sujet sur le " secret défense " - entendre le secret professionnel de l’avocat et le secret de l’instruction - livre ses expériences et raconte, tout en respectant ce secret, les anecdotes qu’il a vécues dans des affaires parfois connues avec des intervenants souvent célèbres.
Une phrase
" Dans le contexte de dénonciation médiatique perpétuelle où l’on vit, on est passé bien au-delà de la violation de la présomption d’innocence. La responsabilité éditoriale est importante puisque des gens sont régulièrement accusés de faits prescrits. Ils sont dénoncés, cloués au pilori, alors que la justice ne peut parfois même plus les juger à cause de la prescription des faits. Ils ne bénéficient pas des droits les plus élémentaires. L’époque est pleine de progrès, mais aussi pleine de régressions. Ainsi il ne faut pas mettre en balance les valeurs féministes et les principes de justice. Il faut préserver les deux. Tout est immédiat. On n’a plus, en tête, les conséquences à terme. On passe sans arrêt de la justice à la vengeance. Le processus judiciaire est civilisé et protecteur quand il est respecté. Le rôle des juges est capital. Il n’y a que l’application de la loi pour faire échec aux mouvements immédiats et primaires de la nature humaine."
L'auteur
Me Hervé Temime est un avocat pénaliste réputé qui s’est illustré par la qualité de ses plaidoiries. Il est né en 1957 à Alger et a prêté serment au Barreau de Versailles dont il a été secrétaire du stage avant de s’installer en 1983 à Paris où sa réputation n’a fait que croître, ce que lui vaut aujourd’hui des clients célèbres comme Bernard Tapie, Roman Polanski, Gérard Depardieu, Laura Smet et son ami Thierry Herzog, lui-même avocat, qu’il défend dans l’affaire des écoutes du Président Sarkozy.Il a aussi tenu un rôle d’avocat ou de procureur dans les films Polisse, un prophète et Mon roi. Avant Secret défense il avait publié en 2012 La défense dans la peau.
Sur Maurice Garçon, auquel il est ici fait référence, on peut lire la chronique de Gilles Antonowicz sur son Journal récemment publié.
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