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Thème
Ronde de Nuit, sous-titré essai avec personnages, tient à la fois à un recueil de nouvelles et à un récit où les histoires s’emboîtent les unes dans les autres.
La particularité de cet écrit tient en effet à ceci que les six histoires qui sont racontées sont reliées entre elles, à partir de la deuxième histoire, par le dernier personnage de l’histoire qui précède.
Ce formalisme permet à l’auteur d’emmener le lecteur exactement là où il veut. Se succèdent donc une rencontre entre un banquier devenu clochard et un journaliste que l’on retrouve dans la deuxième histoire conversant avec l’héritière de toute une dynastie de peintres flamands. La troisième histoire met et en scène l’héritière et un romancier que l’on retrouve dans la quatrième histoire.
Points forts
Magnifique typographie et très beau papier des éditions Sabine Wespieser.
Une érudition qui, quand elle cesse d’être démonstrative, arrogante et savante et qu’elle découle naturellement du récit, ne se goûte pas désagréablement.
Un portrait d’hermaphrodite à la fois «Blanche neige» et «Blanc givre» aussi inattendu que hardiment troussé et qui fait basculer cette créature dans l’univers hautement fantasmatique de Gustave Moreau revisité par Huysmans.
Quelques réserves
On ne retient pas grand-chose de ces nouvelles qui ne «fonctionnent» pas bien malgré le parti pris de l’insolite et du paradoxe. Cela ne suffit pas.
Un dialogue autour de la théologie entre un journaliste et un cardinal finit par achever le lecteur tant le sujet est indigeste. Le charme fictionnel s’est évaporé devant l’artillerie lourde de la démonstration plus pesante qu’une explication sur "La critique de la raison pure" à l’heure de la sieste.
Enfin le plus rédhibitoire concerne à mon sens un problème quant au style. Michel Rio met constamment en scène, consciemment ou inconsciemment (ce qui serait encore plus embêtant), ses procédés d’écriture. Cela produit tout ce qu’on n’aimerait pas voir: l’étalage, le manque d’humour, l’apparente virtuosité sans le talent véritable.
Encore un mot...
La quatrième de couverture de Ronde de Nuit conclut par ses mots: «Le livre est un formidable pari sur l’audace et la curiosité de son lecteur». Le pari était risqué et j’ai quant à moi rendu les armes.
Franchement, vous pouvez passer votre chemin...
Une phrase
"Vous avez aussi peu d’imagination que la plupart des théoriciens ultra-libéraux, ces besogneux d’une fausse science et d’une vraie idéologie, qui n’ont trouvé qu’une équation univoque, radoteuse et radotée, de tous les progrès: la croissance". ( page 41)
L'auteur
A soixante-douze ans, Michel Rio a construit une œuvre abondante où se croisent romans, théâtre, contes, essais. Dans un format de livre souvent resserré l’auteur nous livre, à travers des personnages qui peuvent être récurrents, des aperçus philosophiques parfois déroutants. Avec un esprit curieux qui ne se départit pas d’un goût pour le savoir encyclopédique, un peu comme Jorge Luis Borges ou Umberto Eco, mais sans en avoir peut-être l’ambition, il met en scène des situations où le profond rejoint l’incongru, la philosophie le sexe, etc…Et où la surprise parait toujours au rendez-vous. Il passe pour avoir un style classique et rigoureux et il a reçu plusieurs prix littéraires mais ce n’est pas en France qu’il est le plus connu et étudié.
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