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Thème
Le livre s’ouvre par un saisissant chapitre UN : état des lieux : description précise, minutieuse du royaume le plus peuplé d’Europe, engoncé dans trois Ordres sociaux et fiscaux, plombé d’inégalités, d’excessives injustices, de complexes incohérences. L’Ordre religieux, le Clergé se subdivise en régulier et séculier, en Haut et Bas : l’accumulation de richesses liée à une pauvreté cafardeuse, des privilèges et la misère, de paroisses trop nombreuses, du poids des rites et des interdits, de pratiques accablantes.
Les Lumières se préoccupent, dans leurs théories « sensées et raisonnables » de changer tout cela. D’abord qui sont ces Lumières ? Une poignée d’illuminés qui veulent changer le monde ? La théorie devient très vite sujette à de multiples contradictions.
Deux décisions fondatrices : mettre les religieux en coupe réglée : ce sera la CCC : Constitution Civile du Clergé à l’origine des divergences les plus violentes. Ensuite remplir les caisses de la République en nationalisant et vendant les biens de l’Église.
Tout cela est raconté en quelques chapitres brûlants, lucides qui mettent en relief leurs bases juridiques, les votes très démocratiques lancés à l’assaut de la forteresse cléricale. On veut une « redistribution » équitable. On aboutit à l’imbroglio le plus désespérant. Avec des épisodes terrifiants. Les monarchies étrangères s’en mêlent. Le pape tergiverse et se fâche. Le Directoire, dernier épisode de la Première République, est miné par l’insoluble problème.
Le Chapitre 7 consacré à l’année 1795, ouvre la voie d’un apaisement qui sera long à s’établir, grâce aux travaux du protestant Boissy d’Anglas et son ami Rabaut Saint-Etienne auxquels on doit la magnifique formule de l’Article 10 de notre Déclaration des Droits selon laquelle « la liberté de toutes les opinions « même religieuses » est un droit absolu pourvu qu’il ne trouble pas l’ordre public ». Ce sera le début de la « laïcité à la française » et aussi d’un certain gallicanisme. Le chapitre 8 souligne la lassitude généralisée de tous les protagonistes et l’espérance surgie au lendemain de Brumaire et la mise en œuvre d’une démarche qui aboutira au Concordat.
Points forts
Une analyse détaillée de la Révolution de 1789, devenue Première République à partir de 1792, qui souhaitait, parmi les grandes transformations qu’elle voulait mettre en œuvre, «déchristianiser» la société française, surtout l’extraire du carcan multi séculaire de la religion catholique. Au passage, elle souhaitait aussi (et surtout, sans l’avouer) trouver l’argent qui sauverait l’État en décomposition.
Rude boulot, qui d’un projet éclairé, voulu bienfaisant, devint, de bévues en erreurs, un fardeau ravageur, transformant le pays en champ de bataille intermittent. Et qui créa des problèmes diplomatiques sans fin. Il fallut 10 années de chaos pour qu’un obscur militaire, en 1799, mit sa jeune autorité au service de l’apaisement.
Quelques réserves
Bonus et bémols : un peu austère mais plaisant, avec des traits d’ironie voire d’humour (comme souvent avec cet auteur) aucun des caniveaux où se précipitèrent les révolutionnaires ne nous est épargné. Heureusement, quelques hommes pétris de bonté et de bon sens réussirent à arrêter le saccage.
Voilà posée la question fondamentale : peut-on mettre en coupe réglée la pensée et résoudre les aléas de son expression – si immatérielle – par décrets ? Légiférer en matière religieuse ne peut que traiter de sa matérialisation. Ce qui occupe la conscience échappera toujours aux législations les plus pointilleuses.
L’estampe créée en 1794, adoptée pour la couverture du livre, exprime toute l’insoluble ambiguïté du sujet : « le peuple français reconnaît l’Etre suprême et l’immortalité de l’äme ».
Encore un mot...
Le présent ouvrage Révolution et Religion, plus modeste en nombre de pages, reprend le chapitre onze de son précédent livre La Première République, mais l’affine, le creuse, en dévoile les ressorts cachés, la violence, et surtout l’aspect juridique très souvent oublié.
Une phrase
Boissy prononçait la phrase clé du discours, celle retenue par l’histoire : « Surveillez ce que vous ne pouvez empêcher, régularisez ce que vous ne pouvez défendre...C’est par l’instruction que seront guéries toutes les maladies de l’esprit humain »…p. 105
L'auteur
Christine Le Bozec est une spécialiste incontestée et reconnue de la Révolution française. Nous lui devons un Danton et Robespierre (2012) lumineux, un Barras étincelant (2016 chez Perrin, ouvrage remarquable consacré à ce grand oublié de l’histoire officielle), et surtout une Première République limpide (2014, toujours chez Perrin) laquelle pendant 7 années tumultueuses, sous divers habillages juridiques, reste la charnière du destin politique, social et philosophique de la France.
A lire aussi les femmes et la révolution.
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