Révoltée
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Thème
L’écrivain français Olivier Rolin effectue des recherches pour son roman « Le Météorologue ». Il s’est rendu dans les îles Solovki, ses yeux sont happés par une photo noir et blanc, un visage de face et de profil.
Rolin poursuit ses recherches, tombe sur un document, un texte titré « Mon autobiographie » et signé Evguénia Iaroslavskaïa-Markon. Premières lignes : « Avertissement : ne soyez ni étonnés ni troublés par ma sincérité. En fait, je suis convaincue que la sincérité est toujours avantageuse pour l’homme car si noirs que soient ses actes et ses pensées, ils le sont beaucoup moins que ce qu’en pense son entourage… »
Publié en français, le texte est titré « Révoltée ». C’est tout simplement le journal d’une condamnée, d’une femme née en 1902 à Petrograd dans la bourgeoisie juive et qui écrit : « Si je raconte tout cela avec tant de franchise, c’est parce que je m’attends de toute manière à être fusillée ». Elle le sera en juin 1931 au « camp à destination spéciale » des îles Solovki, quelques mois après son mari Alexandre Iaroslavski…
Pour certains, Evguénia Iaroslavskaïa-Markon fut une passionaria, parce qu’elle a cru en la Révolution, au grand soir. Elle a bousculé les dogmes, tenté les extrêmes et la radicalité. Selon elle, une révolution ne peut venir que des pauvres, des très pauvres et des voyous… Alors, elle a fréquenté les paumés, les caïds et leurs hommes de mains, les prostituées. Et cette Révolution d’octobre 1917 qui l’a tant attirée, elle va la combattre au nom de toutes les libertés et de l'Anarchie… Elle se marie avec Alexandre Iaroslavski, poète et romancier qui ne prise guère le régime communiste. Trois mois après le mariage, elle tombe d’un train; elle sera amputée des deux pieds.
Dissidente, elle sera envoyée dans ce camp des îles Solovki. Elle y sera fusillée. A 29 ans…
Points forts
- L’autobiographie d’une femme forte et indomptable qui, lorsqu’elle écrit, illumine chaque page de sa passion brûlante pour la liberté et l’insolence.
- Bien qu’écrit dans l’urgence, « Révoltée » déborde d’intensité.
- La compassion d’une jeune femme pour tout ce qui vit, surtout les vaincus et les marginaux.
- L’avant-propos de l’écrivain français Olivier Rolin qui met parfaitement en perspective le texte d’Evguénia Iaroslavskaïa-Markon.
Quelques réserves
Difficile de trouver un point faible à un tel livre-document duquel transpirent, à toute page, le désespoir et l’espoir, l’ombre et la lumière.
Encore un mot...
Le récit écrit à la hâte par une jeune femme victime de la terreur stalinienne. Un livre coup de poing. Surgi du néant, de l’horreur. Un hymne à la liberté dans un univers où la moindre opinion était synonyme de mort. Un texte indispensable.
Une phrase
- « La notion même de révolution figée dans la victoire est absurde, tout comme celle de mouvement arrêté : si c’est arrêté, ce n’est plus une révolution ! Le régime existant, même le plus progressiste, ne peut en aucun cas être révolutionnaire car il tend à se conserver, et non pas à s’effacer… »
- « Cette écharde du pardon universel, je la porte toujours en moi, et tout en haïssant le système- par exemple, votre système « soviétique »- je ne reporte jamais ma haine sur les hommes. Si je vois un tchékiste se noyer, je lui tendrais la main sans réfléchir, pour le sauver, ce qui ne m'empêchera pas, bien entendu, d'abattre le même homme dans l'exercice de ses fonctions... Une serpillère sale n'est pas coupable d'avoir à nettoyer les toilettes, mais quand ladite serpillère offense la vue, on est obligé de la jeter à la poubelle ».
L'auteur
Née en 1902 à Moscou (Russie), Evguénia Iaroslavskaïa-Markon a grandi dans une famille de la bourgeoisie juive de Saint-Petersbourg. Dès l’adolescence, elle est attirée par les idéaux de la Révolution de 1917. Militante, elle part à Moscou où elle vend des journaux puis vit dans la clandestinité parmi les très pauvres. En 1922, elle obtient le diplôme des Cours Bestoujev, un établissement d'enseignement universitaire destiné aux jeunes filles à Petrograd. L’année suivante, elle se marie avec le poète Alexandre Iaroslavski (1896-1930). Elle mène une vie aventureuse, fait des conférences en URSS, à Berlin ou encore à Paris. De retour à Moscou, elle côtoie voleurs, voyous et prostituées. En 1929, elle est arrêtée par la police d’Etat puis déportée en Sibérie. Elle sera exécutée le 20 juin 1931, à 29 ans, dans le camp des îles Solovki.
Commentaires
Un livre profond. Aujourd'hui, cette femme serait aux côtés des plus opprimés.
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