Résistance au Meilleur des mondes
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Thème
Cet essai à deux voix plaide pour cette cellule élémentaire dont dérivent les autres institutions : la famille. Un argumentaire contre le relativisme absolu qui menace, à leur sens, notre société : notre droit, la morale et nos valeurs irrévérencieusement bouleversées par les apprentis sorciers contemporains, au dire des auteurs. L'utopie popularisée par Aldous Huxley (qui a inspirée le livre) serait bientôt réalité car le progrès technique permet déjà d'améliorer la race humaine et d'en changer les conduites. Alliés aux grands gourous de la biologie, de la politique et des médias, soutenus par les milliards d'industriels conquérants (Google, Amazon etc.), les adeptes du New Age et du trans-humanisme sont l'arme au pied. Dernier cocon protecteur contre l'eugénisme matérialiste : la famille !
Points forts
Laboratoire imprévu d'une résistance contre l'intrusion de l'Etat au sein de la famille, sûre de l'importance de ce socle pour entretenir le lien social, les troupes de la Manif pour tous ont appris, dans la rue, à proclamer haut et fort des convictions que les "majorités silencieuses" n'avaient guère su faire entendre en France. Au delà de cette expérience qui appartient au passé, les auteurs abordent ici des sujets sur lesquels ils estiment avoir été pris par surprise : réforme du code civil, théorie du genre, paternité & maternité, formation des enfants, fonction de l'école, génétique, universalisme mondialisé... Leur philosophie personnaliste (qu'ils partagent avec d'autres, chrétiens ou pas) s'appuie sur une foi. Ils parient qu'un projet volontariste prépare à notre insu une gouvernance apatride qui garantirait à tous le bien-être et une vie plaisante et éternelle (ou presque) : Brave new world !
Quelques réserves
Une pareille diatribe manque parfois de verve ; elle crée aussi des amalgames qui trompent en voulant trop prouver. Deux exemples suffiront : nos auteurs citent parfois trop et trop longuement (ex. J. Attali, F. Hadjadj, L. Alexandre ou M. Shoohyans) ; d'autres sources, négligées, auraient bien appuyé leur propos comme ces aphorismes de Balzac dans la peau de chagrin : "que reste-t-il d'une possession matérielle?" et, plus loin : "le mal n'est peut-être qu'un violent plaisir" ! Un exemple d'amalgame: oubliant que l'engagement personnel est l'essence du libéralisme (le premier engagement n'est-il pas la famille?), pourquoi un libéral qui est par nature jus-naturaliste, viserait-il à la détruire ? Les libéraux d'hier (comme Tocqueville, cité en conclusion) et ceux d'aujourd'hui (comme P. Simon dans sa "Main invisible et le droit") s'opposent à l'ingérence de la puissance publique dans la sphère privée. Pourquoi associer, dès lors, le libre-marché au constructivisme juridique et à la destruction de l'homme responsable (p. 40-42 et p. 184 : "le marchand ne veut pas la liberté intérieure des personnes") ? L'idéologie libérale est-elle vraiment, ce que suggère plusieurs fois l'ouvrage, "un fidèle allié" du meilleur des mondes ? N'est-ce pas un contresens philosophique ?
Encore un mot...
Les mythes de "l'homme nouveau", ceux du "sur-homme", du Dr. Faust et de l'Hibernatus, séduisent encore une partie de nos contemporains ; ces croyances magiques, la science ne les fera jamais disparaitre ! Ceux qui disposent des moyens nécessaires pour donner corps à leur utopie ourdiraient-ils en secret un complot pour gouverner l'ensemble de l'humanité ? Ce petit livre (200 p.), bien construit, est corrosif pour certains lieux communs du siècle, mais il en décline d'autres! Mérite toutefois le détour pour ceux qui refusent l'anathème et qui souhaitent parler de tout en raison, au lieu d'excommunier les gêneurs !
L'auteur
Guillaume de Prémare, consultant et chroniqueur, a présidé la Manif pour tous. Eric Letty, éditorialiste au magazine Monde & Vie, est journaliste.
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Passé récent et futur proche: un essai bon à lire et à débattre.
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