Qui a tué Napoléon ? 10 enquêtes scientifiques au secours de l'Histoire

A l'aide de l'ADN, des révélations fascinantes autour du mystère de la mort de l'Empereur
De
Gérard Lucotte, Philippe Bornet. Préface de Jean Tulard, de l'Institut
Max Milo
Paru le 25 septembre 2024
200 pages
21.90€
Notre recommandation
3/5

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Thème

Le sous-titre annonce clairement le sujet : Gérard Lucotte présente les recherches qu'il a menées durant 12 ans, à propos de  la mort de Napoléon. De nombreux historiens et admirateurs de l'Empereur ont en effet émis, depuis 1821, de multiples hypothèses sur les causes de cette mort entourée de rumeurs et d' énigmes. Mais il ne s'agit pas ici de conjectures historiques mais de faire appel à la science, et en particulier à la génétique et aux tests ADN, pour apporter des réponses et même des preuves difficilement contestables.  

L'auteur a donc mené plusieurs tests ADN, PCR, sur le chromosome Y, et cela de plusieurs façons : sur Napoléon lui-même, cheveux, barbe et fragments de peau et il explique en détails comment il se les ai procurés (ce ne fut pas simple !).  Ainsi que des prélèvements sur des descendants contemporains  de la famille Bonaparte, sur le prince Napoléon (né en 1950) descendant de Jérôme, sur le comte Walewski descendant de Marie Walewska ("l'épouse polonaise") et sur un américain, Mike Clovis, descendant de Lucien Bonaparte. Il a même analysé un cheveu de Letizia, la mère des frères et sœurs Bonaparte et... je vous laisse la surprise du résultat ! 

Les intitulés des 12 chapitres donnent une idée des questions posées : le corps de Napoléon est-il à l'abbaye de Westminster et qui, alors, serait aux Invalides ? L'Empereur a-t-il été intoxiqué à l'arsenic ou empoisonné (la nuance est de taille) ? Le corps, retrouvé presque intact vingt ans après, était-il incorruptible ? Napoléon, qui se reconnaissait comme Français, était-il génétiquement Italien, Corse ou autre, les "haplotypes" permettant de découvrir ses lointains ancêtres ? Napoléon III, le neveu, était-il bien le fils de Louis Bonaparte, époux d'Hortense de Beauharnais ? Aurait-on osé émasculer l'Empereur ? Quant aux masques mortuaires (l'auteur les classe en trois, les authentiques, les partiellement authentiques et les manifestement faux) cachent-ils une supercherie ? Et finalement, de quoi  Napoléon est-il mort ? 

Les réponses à ces questions (qui se sont posées dès après la mort de l'Empereur et alimentent encore aujourd'hui les débats), reçoivent ici un nouvel éclairage grâce à une démarche uniquement scientifique.  

Points forts

A peine est-on arrivé à la page 20, après avoir lu la courte préface de Jean Tulard, que l'on sait que l'on ne va pas lâcher ce livre avant la dernière page pour savoir enfin de quoi est mort Napoléon ! Autant dire que quiconque s'intéresse à lui ne manquera pas de se procurer ce livre qui doit figurer dans toute bibliothèque sur le XIXè siècle en s'ajoutant aux livres des historiens (et ils sont nombreux !).  L'éditeur l'affirme et, à la fin de la lecture, on ne peut qu'approuver : "Grâce à son laboratoire de génétique et à son microscope électronique, Gérard Lucotte a réalisé un travail gigantesque qui va stupéfier tous les passionnés de Napoléon". Un travail certes énorme, tel qu'il en avait déjà réalisé d'autres notamment sur la tunique d'Argenteuil du Christ et sur la parenté entre Louis XVI et Naundorff, travaux qui lui ont valu bon nombre de critiques. 

En bons scientifiques, les deux auteurs savent prendre leur lecteur par la main et le guider dans les explications techniques des processus utilisés pour répondre à tel ou tel aspect des questions. Ils sont clairs, précis, même s'ils ont prévu, pour les connaisseurs, des indications plus savantes. 

Quelques réserves

Les résultats scientifiques, comment en juger ? Ils ne sont évidemment pas aisés à comprendre quand on n'est pas soi-même à l'aise avec le vocabulaire (bien qu'il soit souvent expliqué) ni la méthode de l'examen génétique, très compliquée. Le lecteur moyen n'est pas en mesure de contredire un spécialiste de l'ADN et des chromosomes. Les documents proposés en annexe (photographies, graphiques, tableaux, figures, et autres), s'ils sont appréciables, ne sont guère compréhensibles pour qui ne s'y connait pas. Gageons que d'autres scientifiques compétents versés dans la génétique, les chromosomes et l'ADN,  sauront approuver ou nuancer ces résultats.  

Pendant les douze années de ses travaux, Gérard Lucotte a évidemment publié dans plusieurs revues ou bulletins reconnus par la communauté scientifique ou historique (il les mentionne en notes). On a parfois l'impression que ce livre ne fait que résumer l'ensemble de ces publications. Sans doute le temps était-il venu en effet de les rassembler en un livre unique, c'est chose faite.    

Il faudrait tout de même nuancer le propos de l'auteur quand il constate dans son introduction au ton légèrement agressif  (p. 17) : "la méthode historique a échoué. Soit l'échec est constaté, soit l'Histoire fait confiance à la Science". Les deux méthodes étant fort différentes, -et complémentaires- affirmer l'échec de la première pour valoriser la seconde, est quelque peu excessif, et la préface de Jean Tulard est à ce propos tout à fait prudente et éclairante. 

Encore un mot...

Le chapitre qui reprend, jour après jour et presque heure par heure, l'agonie de l'Empereur (laquelle, en vérité, a duré 48 jours) avec les témoignages des présents, est particulièrement émouvant. Pourquoi ses geôliers anglais ont-ils réservé au Français et à sa suite, une maison insalubre, dans un coin de l'île incessamment venté, infestée de rats, manquant d'eau potable... Pourquoi l'avoir laissé tant souffrir ? "Ils l'ont privé de soins pendant des mois".  Ils auraient voulu le tuer à petit feu et le  voir souffrir longtemps qu'ils ne s'y seraient pas pris autrement. Même si la science peut maintenant affirmer la cause physiologique de la mort,  c'est ce que fait M. Lucotte, il ajoute :  "la responsabilité directe [des Anglais] est engagée". 

Une phrase

  • De Jean Tulard : "Clio se tait. Place à la Génétique" (p. 14)

  • "Quel est le rôle de la Génétique, et plus généralement celui de la Science, dans la recherche historique ? Peut-elle être appliquée aux différentes énigmes qui entourent encore la vie et la mort de Napoléon... Je ferai remarquer que la Science, procède humblement et lentement, allant du simple au complexe et du connu à l'inconnu. Elle mesure, chiffre et repose sur une série d'expériences reproductibles et vérifiables. En revanche, nul n'échappe aux certitudes qu'elle établit, sauf malhonnêteté ou mauvaise interprétation des faits" (P. 16) 

L'auteur

Gérard Lucotte, généticien, né en 1941, est un spécialiste des marqueurs du chromosome Y constitutif de l'ADN. Il a été professeur à l'Ecole d'Anthropologie de Paris (créée par Broca, Bertillon et Quatrefages de Bréau en 1875, reconnue d'utilité publique en 1889, elle faisait partie de l'Institut Broca constitué par la Société d'anthropologie, le laboratoire d'anthropologie et l'École d'anthropologie). Passionné de génétique historique, il a créé en 2004, l'association Institut d'Anthropologie Génétique moléculaire pour appuyer ses recherches sur la tunique du Christ d'Argenteuil. 

Le Dr Philippe Bornet, diplômé en Médecine interne et Ophtalmologie, ancien chargé de cours à la Chaire d'Histoire de la Médecine (Université Paris VI),  est lui-même auteur d'un ouvrage Napoléon et Dieu (paru en 2021 chez Via Romana). 

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