Quand la forêt brûle, penser la nouvelle catastrophe écologique
195 pages,
17 €
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Thème
On les appelle des "mégafeux", ces très grands feux de forêts (VLF/ very large fires), dont l'intensité, l'étendue, la vitesse de propagation, les conséquences écologiques et humaines, sont sans précédent avec les traditionnels feux de forêt. Leur spécificité a été identifiée assez récemment (2013 pour le premier dossier scientifique). La nouveauté c'est qu'ils sont quasi inextinguibles. Des milliers d'hectares sont consumés sans qu'on parvienne à éteindre ni même freiner les flammes.
L'auteur, abondamment renseignée sur ce phénomène cataclysmique, souligne combien les moyens techniques habituels deviennent inadaptés et inefficaces. Elle propose surtout une réflexion renouvelée autour du concept de "nature". Le degré de gravité de ces mégafeux (partout dans le monde, de la Californie à l'Australie, de l'Europe jusqu'au Groenland à l'Amérique latine) sert de révélateur ou d'avertisseur à de multiples questionnements du style : La "nature" doit-elle être laissée à elle-même sans intervention humaine ? Ou au contraire, a-t-elle besoin des soins attentifs prodigués par les humains ? Faut-il rêver d'un "retour aux sources" (vision idéalisée) ou bien entreprendre une cohabitation sans domination ? Chassant les idées simplistes, elle aborde l'effet psychologique du mégafeu sur les victimes, les paysages, la société ; elle envisage aussi l'angoisse, dans certains pays, due au "pyro-terrorisme" et bien sûr, elle condamne ces criminels que sont les déclencheurs de feux (à la fois les individus et certains industriels exploiteurs de la forêt).
Sa conclusion plaide pour une nouvelle "culture du feu", c'est à dire une connaissance accrue des interactions humaines avec l'écosystème, en adoptant une attitude plus collaborative, une concertation pluraliste, faisant appel à des spécialistes, bien sûr, mais aussi à des communautés expérimentées depuis des générations, à des usages confirmés et des faits établis, à des victimes aussi.
Points forts
Qu'on ne s'y trompe pas, il ne s'agit pas d'un énième plaidoyer écologique. L'auteur s'efforce, et réussit, à conserver son objectivité tout en nous faisant prendre conscience d'un phénomène complexe.
Après avoir lu ce livre, on regardera les images de mégafeux à la télévision, toujours avec désolation mais en étant largement mieux informé.
Les nombreuses références en notes (avec liens internet) en majorité américaines, mais aussi scandinaves, canadiennes, indonésiennes, australiennes, et quelques articles en français, démontrent que le sujet devient de plus en plus préoccupant. Ces références pourront être utiles à ceux qui voudraient creuser ce sujet.
Parfaite lisibilité de l'ouvrage. L'auteur n'utilise aucun jargon. Elle avoue n'être ni expert ni journaliste, ne pas prétendre contribuer aux connaissances scientifiques ; elle voudrait pourtant alerter "l'opinion"...
Elle conserve pour l'avenir une bonne dose d'optimisme!
Quelques réserves
Dommage que les références religieuses, notamment bibliques, soient si brèves. On aurait aimé qu'elle se penche, au moins un moment, sur l'encyclique "Laudato Si" du pape François.
Encore un mot...
Qui aurait pu penser qu'un livre sur les désastres des grands feux de forêts se révèlerait une lecture instructive et même émouvante ?
Une phrase
"Confrontés à ces mégafeux, nos architectures, matérielles ou mentales, ne tiennent plus. Les habitudes qui ont été engendrées par l'idéal d'une société de contrôle ou, à l'inverse, d'une perfection originelle, ne trouvent plus aucun terrain d'exercice. Les classifications et les partitions dichotomiques en vigueur se dissolvent. Il devient évidemment absurde de poursuivre nos efforts dans la direction qu'elles nous ont fait prendre. Il faut retrouver la "culture du feu" et, avec elle, cette alliance entre le fait de cultiver le feu, de cultiver la terre, d'en prendre soin, et de produire nos nourritures matérielles et morales sur un mode approprié à une civilisation durable. Riposter aux mégafeux, c'est penser la civilisation comme culture" p. 163
L'auteur
Joëlle Zask enseigne au département de philosophie à l'université Aix-Marseille. Un violent incendie de forêt dans le Var, détruisant un paysage familier qu'elle aimait, a été le point de départ de son étude qui l'a confrontée à un phénomène dont jamais, auparavant, elle n'avait imaginé l'ampleur et la complexité. Sa profonde connaissance du philosophe John Dewey (1859-1952) précurseur en matière de pédagogie et d'éthique sociale, qu'elle a traduit et dont elle a présenté les oeuvres, l'a menée à engager elle-même une réflexion multiforme sur la démocratie participative, notamment à travers son livre la Démocratie aux champs dont le sous-titre est explicite : "Du jardin d’Éden aux jardins partagés, comment l’agriculture cultive les valeurs démocratiques" (ouvrage publié aux éditions La Découverte, 2016).
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