
120 ans de Prix Goncourt - Une histoire de la littérature Française
Parution le 28 septembre 2023
575 pages
27€
Infos & réservation
Thème
Les auteurs de cette « histoire de la littérature française » présentent année après année depuis l’attribution du premier prix en 1903 les écrivains et les livres distingués par le prix Goncourt mais également ceux qui étaient en lice et non retenus.
Points forts
En premier lieu une introduction qui explique la genèse du prix né de la volonté testamentaire d’Edmond de Goncourt en 1892. Elle rappelle aussi que dès 1862 les frères écrivains-rentiers « participent aux « dîners Magny » qui réunissent deux fois par mois tout ce que Paris compte alors d’écrivains, d’artistes, de journalistes et de scientifiques…Le testament a été contesté par la famille car il prévoyait des avantages financiers soit 5000 francs à un ouvrage littéraire et une rente annuelle de 6000 francs à chacun des membres de la société (page 7, 8) d’où un premier prix attribué seulement en 1903 après que Poincaré eut gagné le procès.
Pour chaque prix décerné les auteurs de cette compilation écrite dans un style alerte et souvent humoristique ont choisi une sorte de format - fiche très claire : elle présente l’auteur choisi (origine sociale et professionnelle, travail d’écriture), le titre du roman et son thème, mais aussi les romans en compétition, les échanges souvent âpres des membres du jury, les votes aux différents stades de la discussion. Les retombées du prix pour l’auteur, pour les maisons d’édition et la mention du tirage. Elle comporte aussi les avis des critiques littéraires dans la presse spécialisée et l’on mesure combien ils sont nombreux et réactifs.
Le récit des votes relaté par nos historiens est souvent savoureux car les jurés défendent leur choix comme on commente une course de chevaux. Les éditeurs font du lobbying auprès de certains membres du jury car ils sont souvent écrivains mais le monde littéraire signale aussi tel ou tel auteur qui lui semble mériter la distinction. A partir de 2008 la qualité de juré sera incompatible avec une fonction rémunérée par un éditeur. Au fil du temps de nouvelles maisons d’édition apparaissent ébréchant le monopole Gallimard/Grasset/le Seuil.
L’académie a aussi « souffert » pendant la Seconde Guerre mondiale car les maisons d’édition ont dû « alléger » leurs catalogues des auteurs indésirables pour les occupants et d’autre part compter dans ses membres des jurés dont elle n’était pas fière…
“ Le Goncourt vise à découvrir et encourager un écrivain prometteur (page 126)”. Or au fil des fiches et dans un style très humoristique les historiens relèvent le nom des recalés qui se sont avérés des romanciers reconnus par le public ou par d’autres prix (Femina, Renaudot, Académie française, Interallié et même le Nobel) ou qui l’ont obtenu après plusieurs candidatures et pas pour leur meilleur livre ou à un âge vraiment très avancé… Pour certains grands noms de la littérature, les auteurs citent les réactions négatives de rares écrivains ne voulant pas le tapage médiatique mais acceptant volontiers le volet financier et le plus rare de tous est Julien Gracq couronné pour Le Rivage des Syrtes en 1951 (100 000 exemplaires vendus) qui a tout refusé.
Les retombées du prix en termes de tirage sont relatées et ce peut être vertigineux pour les auteurs et les éditeurs. Certains livres sont repris par des films et sont aussi traduits souvent en plusieurs langues. Ce peut donc entraîner un changement considérable de vie et de notoriété pour l’auteur récompensé.
Au fil des ans bien sûr les membres du jury doivent être remplacés et l’académie qui a peu couronné des ouvrages d'auteures (13 de 1903 à 2022) en intègre et leur choix se porte sur des écrivaines talentueuses. Les discussions sur leur désignation sont très intéressantes. Et puis au fil du temps le prix a été décliné : Goncourt des Lycéens, Goncourt des détenus ; il a aussi été élargi aux écrivains de langue française.
Quelques phrases un peu venimeuses mais divertissantes ou très justes : à propos de discussions entre les membres du jury « ces grands hommes ont de petits ego à moins que ce ne soit l’inverse… »
A propos du livre d’Henri Béraud primé en 1922 : les méchantes langues prétendent que les dix redoutaient que Le martyre de l’obèse ne tienne pas la route et ils l’ont alourdi d’un plus sérieux roman historique pour lui donner du poids…
Le jury en 1913 note que Marcel Proust est cité car il mérite d’être encouragé…
Selon Hemingway « attribuer un prix littéraire à un écrivain reconnu c’est comme si on jetait une bouée de sauvetage à un monsieur qui se promène sur la plage. »
Quelques réserves
Aucune réserve.
Encore un mot...
Cette histoire littéraire française déroulée sur 120 ans est certes un gros ouvrage à conserver précieusement et à consulter pour le même plaisir.
Une phrase
“ Le miracle de la littérature ? Pierre Lazareff a demandé à Blaise Cendrars s’il avait bien traversé la Russie pour composer la prose de Le Transsibérien. Il lui a répondu qu’est-ce-que cela peut te faire puisque je vous l’ai fait prendre à tous…” (p.152)
L'auteur
L’éditeur présente Jean Yves Le Naour, docteur en histoire, auteur de nombreux ouvrages, scénariste de films documentaires et de bandes dessinées, spécialiste du XXe siècle.
Catherine Valenti est maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université Toulouse II et membre du laboratoire Patrimoine, littérature, histoire qui s’intéresse aux héritages culturels.
Ajouter un commentaire