Plaire et toucher

La séduction dans la société contemporaine: attention, danger !
De
Gilles Lipovetsky
Editions Gallimard
Notre recommandation
4/5

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Lu
par Culture-Tops

Thème

La séduction est un art, un jeu et une liberté individuelle, acquise après des siècles de contrôle religieux et social. L’idéal de séduction a enrichi notre culture par son esthétisme, ses œuvres artistiques, son génie épistolaire et son éloquence. Mais qu’en est-il de ce raffinement et de cet esprit galant à l’ère de la séduction digitale et des lois sur le « harcèlement de rue », bien éloignées de l’idéal de séduction ?

Points forts

- Gilles Lipovetsky propose dans cet essai exhaustif une histoire et une sociologie de la séduction passionnantes. Très documenté, son livre est enrichi de références et d’exemples concrets, qui rendent son sujet vivant et jamais trop abstrait.

- La séduction, thème galvaudé par sa dimension consumériste, narcissique et prédatrice, reprend dans cet ouvrage son étendue et son importance dans l’histoire des civilisations humaines. Depuis les rituels anthropologiques, les sociétés galantes et les libertins du 18è siècle jusqu’à la « séduction-monde » de l’ère libérale, l’auteur nous plonge dans ce fascinant désir qui nous gouverne.

- Son analyse critique n’épargne pas la politique et son « charme perdu ». Le désenchantement a succédé au « Grand Soir » et aux passions des idéologies. Le personnel politique ne séduit plus, les campagnes électorales sont devenues un « immense fiasco des stratégies de séduction politique » dont nous avons connu l’apogée aux dernières présidentielles… C’est aussi l’ère de la « post-vérité » : l’individu ne croit plus qu’en ce qu’il aime et en ce qui lui plaît.

Quelques réserves

Je n’en vois pas.

Encore un mot...

Gilles Lipovetsky nous montre les aspects les plus morbides de la séduction contemporaine et individualiste. Le « design de soi » imposé par l’économie libérale et la dérive d’égos hypertrophiés forment une juxtaposition d’individus narcissiques , qui tout à leur désir de plaire, paradoxalement, ne se regardent plus. Il est d’ailleurs intéressant de rapprocher son ouvrage de celui publié par Tristan Garcia en 2016, La vie intense (EditionsAutrement), dans lequel ce jeune auteur analyse l’impératif «d’intensification du monde et de notre vie» et l’injonction qui nous est faite de toujours vivre « le plus que nous pouvons », d’avoir une énergie accrue et un enthousiasme décuplé, avec la promesse de plus de sollicitations, plus d’adrénaline, plus d’amis sur Facebook etc... bref, «plus de vie».

La séduction contemporaine, doublée de ce « devoir » d’intensité, est condamnée à une augmentation hyperbolique, qui inévitablement nous épuise jusqu’à se demander si à la fin, rien d’autre n’aura compté ni existé.

Une phrase

« Narcisse des temps modernes n’est pas seulement séduit par lui-même : il se dirige en fonction de ce qui le séduit, en fonction de ce qui l’attire (…), indépendamment de tout sentiment de dette ou d’obligation envers le dehors. Dans le cadre de la culture néo-narcissique, la séduction s’impose comme le principe directeur des existences individuelles. »

L'auteur

Essayiste et professeur agrégé de philosophie, Gilles Lipovetsky a publié de nombreux ouvrages sur la société et l’individualisme contemporain chez Gallimard, dont L'Ère du vide (1983), L’Empire de l'éphémère : la mode et son destin dans les sociétés modernes (1987) , Le bonheur paradoxal, essai sur la société d'hyperconsommation (2006), ou encore L’Esthétisation du monde : vivre à l'âge du capitalisme artiste, en 2013. Il est membre du Conseil d'analyse de la société et consultant de l'association Progrès du Management.

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