Peur: Trump à la Maison Blanche
Infos & réservation
Thème
Un des “papes“ du journalisme américain, Bob Woodward qui, avec son collègue Bernstein, avait révélé l’affaire du Watergate qui coûta sa présidence à Richard Nixon, brosse un tableau factuel, mais sans concessions, de l’administration présidentielle dans l’ère Trump. Après un prologue ahurissant qui plante le décor du fonctionnement ubuesque de la Maison Blanche, à propos de la dénonciation de l’accord commercial avec la Corée du Sud, son récit commence au lendemain de l’investiture de Donald Trump comme candidat républicain; alors que l’échec semblait programmé, la situation est sauvée par l’arrivée de Steve Bannon qui entrevoit la possibilité d’un succès, théorise la contrattaque et organise la victoire. Il s’achève en 2018, après que Trump ait usé un nombre considérable des collaborateurs qu’il avait lui même choisis après l’élection.
Points forts
Woodward est un journaliste américain, c’est à dire qu’il privilégie les faits. Son récit est construit sur les dizaines d’interviews qu’il a menées et enregistrées; il ne porte pas de jugement, même si l’on peut se faire une idée de son appréciation du personnage. C’est au lecteur de se forger une impression à partir de l’exposé des faits.
1/ Conformément à son image publique, Trump y apparaît comme un personnage sûr de lui qui ne déteste rien tant que la faiblesse, réelle ou apparente. Il écoute peu ses collaborateurs. Il est pratiquement impossible de le faire changer d’avis sur les sujets sur lesquels il a une conviction forte: protectionnisme, multilatéralisme, Iran, présence militaire à l’étranger etc...
2/ Le président ne lit pas, même les notes qui n’excèdent pas une page; il passe de longues heures chaque jour devant la Télévision (Fox news); il refuse, malgré les supplications de son entourage, d’interrompre ses tweets qui sont, dit-il, son porte-voix, sa façon de communiquer directement avec ses électeurs, sans média interposés.
3/ Trump a recruté comme collaborateurs des gens brillants chacun dans leur domaine, Cohn, président de Goldman Sachs, Tillerson, président d’Exxon, Mattis, général des marines à la retraite, Kelly, autre général... qui ne partagent en rien sa philosophie et ses principales options de politique, notamment étrangère et militaire. Ceci conduit à un fonctionnement chaotique de l’administration présidentielle et au départ, inévitable, de ces collaborateurs.
4/ Le président fonctionne comme un homme d’affaires; il prend des décisions qui sont autant de paris très risqués; comme le fait remarquer le secrétaire au Pentagon, si le coup rate, dans les affaires, on fait faillite et ce n’est pas dramatique. Lorsqu’on joue avec la puissance nucléaire, l’échec peut être autrement plus coûteux.
Au total, se dessine un homme qui a quelques convictions dont il ne démord pas et qui prennent souvent le contrepied du sentiment généralement admis, voire du politiquement correct, comme dans ses propos sur les échauffourées de Charlottesville en août 2017. Cette politique de rupture avec les principes de base de la diplomatie peut amener des évolutions positives, dans la relation avec la Corée du Nord(?), dans les relations économiques avec la Chine (vers la fin du pillage des technologies occidentales?) ou même avec l’Iran (négociation d’un accord plus vaste sur le nucléaire?), mais sont lourdes des risques qu’elle fait prendre à la planète.
Enfin sur l’affaire russe et les investigations du procureur Mueller, Woodward ne semble pas considérer qu’il y ait là de quoi fouetter un chat, même s’il considère Trump comme un “fieffé menteur“.
Quelques réserves
En est-ce un? Le mode d’exposition de Woodward peut dérouter le lecteur français qui n’est guère habitué à un tel tableau impressionniste et peut préférer l’énoncé de quelque généralités, appuyées sur des faits.
Encore un mot...
Un remarquable et inquiétant voyage au sein de la Maison Blanche comme si vous y étiez. A chacun d’en tirer les enseignements qu’il veut ou qu’il peut.
Une phrase
Sur le libre échange: ”A peu près tous les économistes étaient en désaccord avec Trump, mais il a trouvé un économiste académique qui haïssait le libre échange autant que lui. Il l’a installé à la Maison Blanche à la fois comme directeur du commerce et de la politique industrielle et comme directeur du Conseil National du Commerce (National Trade Council). Peter Navarro, 67 ans, PhD de Harvard en économie. “C’est la vision du président“, dit publiquement Navarro. “Ma fonction, comme économiste est effectivement d’essayer d’apporter les éléments d’analyse qui confirme son intuition. Et son intuition est toujours exacte sur ces sujets.“
L'auteur
Bob Woodward est l’un des journalistes les plus connus aux Etats-Unis et l’un des meilleurs spécialistes de la Maison Blanche. Il a publié une vingtaine de livres sur les présidences qui se sont succédées ces dernières années. IL a reçu deux fois le prix Pulitzer, la plus haute distinction de la presse, pour son reportage sur le 11 septembre (2003) et pour sa couverture de l’affaire du Watergate avec Carl Bernstein. Il a travaillé 47 ans pour le Washington Post qui ne passe pas pour le quotidien le plus favorable à Donald Trump...
Ajouter un commentaire