Peindre devant soi
Parution en novembre 2023
222 pages
28 €
Infos & réservation
Thème
Jean-Philippe Delhomme nous emmène dans sa boîte à souvenirs, depuis l’enfance à Sarcelles jusqu’à aujourd’hui où il consacre l’essentiel de son temps à peindre, représenté par la Galerie Perrotin.
Son parcours créatif est dense, oscillant au gré des commandes, des opportunités et de l’intuition créatrice entre l’illustration pour la presse magazine, le dessin pour la publicité, la réalisation de monographies, l’écriture de quatre romans et d’un recueil de poésies, la création d’un blog illustré, puis enfin la peinture à l’huile pour le seul bonheur de l’art.
Sa carrière l’a conduit dans les lieux majeurs de la création contemporaine, entre Paris, New York où il finit par installer un atelier, Los Angeles, Hong Kong, Londres.
Au travers du prisme de l’artiste dépendant de la commande, c’est toute une époque entre opulence, audace créative, humour et une certaine insouciance qui est ici évoquée, dans laquelle les moyens financiers consacrés à l’esthétisation et la désirabilité des produits donnent du travail aux artistes.
Points forts
- Le lecteur aura plaisir à pousser les portes de mondes très symboliques de la fin du XXe Siècle, objet de fantasmes pour beaucoup : les agences de publicité, le grand magasin américain de prestige Barney’s, les ateliers de grands couturiers, les magazines de lifestyle et de mode de luxe comme AD ou Vogue, mais aussi les lieux d’influence de l’underground new-yorkais dans le sillage de Warhol et Basquiat. L’auteur nous décrit avec justesse les ambiances et croque avec vivacité, dans de savoureux portraits, les personnages qu’il croise et qui comptent.
- Le texte est enrichi de reproductions de photos et documents soigneusement choisis.
- Les passages sur New York empliront de nostalgie les amoureux du New York des années 80, feront sourire les observateurs amusés des nouveaux hipsters avec leur barbe, leur bonnet, leurs Red Wings et leur chemise de bûcheron.
- L’écriture suggère sous les mots beaucoup d’images ; la plume est alerte, descriptive autant que sensible. On se surprend à sourire en complice à l’évocation d’un lieu ou d’une situation, à sentir la nuit new-yorkaise autour soi, à voir sous ses paupières closes une skyline illuminée ou l’image fugace du tranchant franc d’une ceinture violette sur une robe couleur soleil glissant sur la peau d’un mannequin noir..Les mots deviennent une palette.
- Les artistes qui conjuguent peinture et écriture sont rares. Ce livre est une chance de découvrir de l’intérieur le chemin de vie d’un peintre vivant de son art, de sa main même, aux antipodes d’une biographie écrite par un autre.
Quelques réserves
Ce livre reflète un certain entre-soi dans une époque toute proche déjà disparue. Il ravira ceux qui l’ont connue, il pourrait susciter une certaine indifférence chez les plus jeunes ou les gens moins sensibles à la création. Ce serait dommage car cette mémoire fraîche dit beaucoup de notre histoire contemporaine.
Encore un mot...
Celui qui aime les artistes, qu’il le soit lui-même en amateur ou professionnel ou qu’il soit attiré par cet univers, vibrera sous la plume de l’auteur qui met entre ses doigts tour à tour gouache, aquarelle, acrylique, crayon, pastels et fait flotter jusque dans la fibre des vêtements, les parfums de la térébenthine. Il sera aussi intéressé de voir de l’intérieur les étapes de création, conception, maturation, exécution, d’une œuvre, avec ses doutes, ses succès, ses surprises.
Une phrase
« Il m’apparut que ce qui m’attirait le plus était peindre ce qui s’étendait devant moi jusqu’à l’horizon. Ce paysage était si vaste qu’il aurait été absurde de vouloir le représenter dans son ensemble mais en fonction de la lumière du jour, le soleil ou son absence en révélaient des fragments qui en soi faisaient déjà tableau. Les ombres du matin, profondes et bleutées, excitaient l’oeil d’une façon qui s’atténuait vers midi et reprenait vers le soir, lorsque les derniers rayons dorés projetaient des aplats bruns. Le ciel devenait rose, bleu outremer, des lumières apparaissaient, projecteurs d’usines et de parkings, fenêtres lointaines soudain éclairées, phares de voitures, balises rouges signalant les sommets de buildings, c’était alors le moment où il fallait peindre le plus vite avant la tombée complète de la nuit. » P.189
« Megan vint à l’atelier un soir d’hiver. J’étais intimidé et incertain de pouvoir faire une peinture réussie. « C’est un moment de vérité devant lequel je ne peux me dérober », me disais-je. N’était-ce pas cela que j’avais toujours voulu faire après les paysages, les portraits et les choses ? N’était-ce pas le sujet ultime de la peinture ? » P. 200
L'auteur
Né en 1959, Jean-Philippe Delhomme est diplômé de l’École supérieure des arts décoratifs de Paris. Il fut longtemps illustrateur et chroniqueur pour de nombreux magazines, parmi lesquels Vogue, GQ, Architecture Digest, Los Angeles Times, Zeit magazin. Aujourd’hui il se consacre principalement à la peinture. En 2020, le musée d’Orsay l’invite en tant qu’artiste en résidence et organise une exposition, Légendes des réserves, en collaboration avec Maylis de Kerangal. En 2023, le musée du Louvre lui ouvre la Grande Galerie pour un cycle de quatre interventions, peintures et textes d’après des œuvres du musée. Il est l’auteur de nombreux livres, recueils de dessins et romans. Notamment Classe Ego (Denoël), Artists Instagrams (August Editions) et Journal Lacustre (Exils). Son deuxième roman, La Dilution de l’artiste (Denoël) est actuellement adapté au cinéma.
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