Pêcheur de perles

Confidences d’un philosophe à propos de son recueil de citations. Le captivant vagabondage culturel d’un humaniste sensible et souriant

Alain Finkielkraut

Gallimard
Parution le 4 janvier 2024
207 pages
19,50 €

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4/5

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Thème

Retrouvant son " carnet de citations ", l’auteur y puise matière à aborder, à la suite de celles qu’il retient, de grands thèmes personnels et philosophiques.

Ses pensées, ses questions trouvent en nous des échos de l’air du temps.

C’est ainsi qu’il évoque l’amour dans un couple - le sien - en faisant de l’admiration réciproque le ciment de sa solidité malgré la personnalité forte de chacun.

Puis s’enchaînent d’éloquentes citations dans lesquelles, pour une fois, les philosophes grecs ont peu de place.

Avec un éclectisme assumé on y trouve Paul Valéry, Elias Canetti, Emmanuel Levinas mais aussi Milan Kundera, Marc Bloch, Thomas Mann, Charles de Gaulle, Hannah Arendt, Alexandre Soljenitsyne et même…Paul McCartney !

Ce sont autant d’occasions de traiter de l’identité, française, juive, européenne, féminine ; du bien et du mal chez l’homme, de la politique aussi, un peu, et surtout de l’humour - le vrai, pas celui des " humoristes " de la télévision .

Sur tous ces thèmes, le philosophe appelle encore à la rescousse de nombreux auteurs philosophiques ou littéraires, anciens et modernes, ce qui donne une idée de l’ouverture de sa culture.

Enfin Alain Finkielkraut réhabilite le passé et sa nostalgie avec la conviction qu’il n’est pas "tout mauvais" comme le présent serait "tout bon" ; il refuse le procès du " c’était mieux avant " sans en faire une icône passéiste. D’ailleurs, et cela fait son charme, Alain Finkielkraut n’apparaît jamais comme un militant mais toujours comme un humaniste qui s’interroge et sourit.

Points forts

Alain Finkielkraut est d’autant plus sympathique que ses sourires, malgré l’exposition médiatique, sont rares, à gorge non déployée, mais touchants. Il est sérieux mais cela ne l’empêche pas d’être chaleureux et passionné.

Dans ce dernier opus, très personnel, il ne perd rien de sa pudeur et de son honnêteté intellectuelle.

Ce texte donne l’impression d’une conversation intime avec un ami cher, tant les questions évoquées au prétexte des citations, sans forfaiture ni forfanterie, nous touchent de près ; nous sommes apaisés par les réponses que nous proposent cet autre et ses auteurs fétiches.

Quelques réserves

Comme souvent, avec les philosophes, certaines phrases nous semblent inutilement alambiquées mais ici, heureusement, ce n’est pas la règle.

Encore un mot...

Un ouvrage personnel et sincère de ce philosophe très médiatique qui nous aide, avec l’appui de nombreuses citations éclectiques et prestigieuses, à réfléchir aux questions graves posées par notre époque.

Une phrase

" Dans son essai De la révolution, Hannah Arendt cite cette remarque surprenante de Saint-Just : “ On vit alors que le peuple n’agissait pour l’élévation de personne mais pour l’abaissement de tous”. C’est très exactement ce que fait l’École culpabilisée, au nom du peuple, par Bourdieu et ses innombrables épigones : elle n’agit pour l’élévation de personne mais, consciencieusement, réforme après réforme, pour l’abaissement de tous. Et son succès est spectaculaire.” Page 87

L'auteur

Alain Finkielkraut, de l’Académie française, devenu un ancien " nouveau

philosophe ", toujours très exposé dans les media, a l’honnêteté de remettre en cause ses engagements de jeunesse jusqu’à devenir pour une certaine gauche une personnalité de droite, cible de maintes polémiques, alors qu’il ne s’agit que de retrouver du simple bon sens après tant d’errements.

S’il pourfend encore le totalitarisme, il sait aujourd’hui le traquer dans ses formes nouvelles et inattendues.

Écrit avec Pascal Bruckner c’est son essai Le Nouveau Désordre amoureux, paru en 1977 qui lui a apporté une notoriété mise au service, souvent avec courage, de profondes réflexions sur son époque au fil des nombreux ouvrages qui ont suivi jusqu’à ce dernier Pêcheur de perles.