Munich 1938, la paix impossible

Une remarquable enquête sur ces 2 journées de septembre 38 qui ont changé le monde.
De
Maurizio Serra
Perrin
Parution le 27 mars 2024
400 pages
24 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

Munich, Septembre 1938 : la conférence qui réunit la France, l’Angleterre, l’Allemagne et l’Italie met fin à l’existence de la Tchécoslovaquie, État édifié en 1919 sur les ruines de l’Empire des Habsbourg, et qui bénéficiait d’une garantie de la France en cas d’agression.

Pacifistes, les démocraties, ont cédé à la menace des dictatures pour préserver la paix.

Depuis lors, Munich est devenue le symbole d’une défaite diplomatique qui encourage l’État agresseur dans sa quête de puissance sans apporter rien d’autre qu’un répit de courte durée aux pays qui plient.

Maurizio Serra revient sur cette affaire en apportant un éclairage résolument nouveau.

Points forts

Classiquement, l’historiographie traditionnelle oppose deux blocs l’un à l’autre: d’un côté l’Angleterre et la France, de l’autre l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste; deux démocraties face à deux dictatures, Mussolini étant totalement aligné sur Hitler. 

En se fondant sur des archives, les journaux des participants, notamment Ciano, le ministre italien des Affaires étrangères et gendre du Duce, Serra démontre que Mussolini a joué un rôle capital dans cette affaire, non comme le complice d’Hitler, mais comme un arbitre entre les opposants. L’auteur soutient en effet que Mussolini était loin d’un alignement inconditionnel sur l’Allemagne et qu’il n’avait pas - encore - choisi son camp.

De fait, il contraint Hitler à accepter les termes d’un accord très en-deçà de ce que celui-ci espérait et que la France et l’Angleterre auraient très certainement accepté, sans l’intervention italienne. 

Le texte signé entourait la cession des Sudètes au Reich allemand, la région de la Tchécoslovaquie peuplée d’Allemands de souche, de conditions qui auraient parfaitement pu servir de base juridique aux démocraties pour éviter la mainmise de l’Allemagne sur l’ensemble de la Tchécoslovaquie, ce qui sera chose faite au printemps 1939. En réalité, Maurizio Serra considère que c’est en ne saisissant pas la corde de rappel que Mussolini leur avait obtenue, en se désintéressant du sort de l’allié tchèque dès le lendemain de Munich, que les puissances occidentales ont non seulement perdu un allié à l’Est mais découragé Mussolini qui s’est jeté dans les bras d’Hitler. Quant à l’Union Soviétique, qu’Hitler avait refusé d’inviter à la conférence, également découragée, elle infléchit sa ligne diplomatique en se rapprochant de l’Allemagne ce qui aboutit, un an plus tard, au pacte germano-soviétique, lever de rideau sur la Seconde Guerre mondiale.

A l’appui de sa thèse, notre auteur brode un portrait assez original de chacun des protagonistes. Il ne ménage pas Chamberlain, traditionnellement décrit comme un grand naïf attaché à la politique d’apaisement, mais qu’il présente comme un politicien bien plus roué qu’il n’en a l’air et d’une bonne foi contestable. Daladier trouve davantage grâce à ses yeux: c’est qu’il vient juste de remplacer Blum comme Président du Conseil dans la seconde mouture du Front Populaire; il se trouve totalement isolé, contraint par une opinion publique résolument pacifiste. 

De Mussolini, il admire la virtuosité. Quant à Hitler, il est conforme à son personnage historique. Serra s’attache aussi aux absents, Benes, le Président tchèque, autoritaire et perdu dans les contradictions de sa politique, et Staline qui observe et en tire les conséquences. 

Le livre est fondé sur une base documentaire impressionnante, notamment les archives diplomatiques des parties concernées, les mémoires des participants, les nombreux opus publiés sur cette affaire…

Quelques réserves

L’ouvrage de Maurizio Serra est subtil, foisonnant de détails, de références, à telle enseigne que parfois le lecteur se lasse ou se perd. Quelques obscurités de langage et des termes peu employés n’enlèvent rien à l’exploit d’avoir rédigé ce livre dans un idiome qui n’est point la langue maternelle de l’auteur.

En revanche, le parti pris de mettre un appareil considérable de notes en bas de page nuit à l’entendement du texte. C’est concevable pour des notes interprétant ou complétant le texte de base. Pour les références bibliographiques, c’est une manie qui casse le rythme de la lecture.

Encore un mot...

Un livre qui renouvelle l’approche historique de l'événement dont on peut tirer plusieurs enseignement ; d’abord il n’y a pas de point d’arrêt dans la vie diplomatique : attentives aux faits, les démocraties auraient pu bloquer l’expansion hitlérienne, même après la capitulation de Munich, en contraignant le Reich au respect formel de l’accord. La seconde leçon, c’est que l’on ne gagne rien à céder au chantage, même en matière de relations internationales.

Une phrase

« Ainsi l’accord de Munich scellera le sort des Sudètes - c’était inévitable -, mais pas encore celui de la Tchécoslovaquie dans son ensemble, comme l’aurait voulu Ribbentrop. Le document épouse le point de vue que Mussolini avait exprimé, deux semaines plus tôt, dans sa lettre ouverte à Lord Runciman, puis dans ses discours publics, pourtant tonitruants, jusqu’à la veille de Munich. » Page 252 

L'auteur

Premier italien à entrer à l’Académie française, historien, diplomate et écrivain, Maurizio Serra fut ambassadeur à l’UNESCO, puis auprès des organisations internationales à Genève jusqu’en 2018. Il est l’auteur de très nombreux ouvrages dont les plus connus sont Malaparte, vie et légendes, et, plus récemment Le Mystère Mussolini qui donne une vision originale du dictateur fasciste.

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