Marat « l’Ami du peuple »

Marat ne gagne pas tellement à être connu
De
Serge Bianchi
Edition Belin - 407 pages
Notre recommandation
4/5

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Thème

Si tout le monde, ou presque, connaît Marat, c’est essentiellement pour deux faits : sa détermination acharnée à la tête de son journal « L’Ami du Peuple » et sa mort, en forme d’énorme fait divers, assassiné dans sa baignoire par Charlotte Corday, dont le célèbre tableau de David a perpétué la mémoire.

Ici Serge Bianchi s’attaque à toute sa vie, en fait une analyse précise en croisant les points de vue. Il s’agit bien d’une biographie complète et étayée, avec de nombreuses mises en perspectives.

Points forts

1- La jeunesse de Marat : son origine est bien différente de ce à quoi on pouvait s’attendre. Né à Neufchâtel, en Suisse, en 1746, il raconte lui-même : «  Mon père n’aspira jamais à faire autre chose de moi qu’un savant ». Cette tradition familiale de bon aloi incitait les jeunes gens aux voyages pour trouver leur vocation. Il part pour Bordeaux, la ville de Montesquieu qu’il désigne comme le plus grands des philosophes, le plaçant même, avant son maître, Jean-Jacques Rousseau. Deux ans plus tard il est à Paris et se lance dans des études de médecine sans renoncer à la philosophie. Il veut être reconnu dans l’Europe des Lumières et part pour Londres y poursuivre ses études. Il  francise son nom en y ajoutant un T etpublie, en anglais, en 1774, « Les chaînes de l'esclavage », de manière anonyme, mais cherche désespérément à se faire reconnaître par ses «pairs», sans jamais y parvenir.

En 1776, de retour à Paris il exerce comme médecin des gardes du comte d'Artois (futur Charles X) ; poursuit recherches scientifiques et  publications, sans jamais accéder à cette reconnaissance qu’il espère. Condorcet le qualifie de « charlatan » dans une lettre adressée à d’Alembert, père de l’Encyclopédie.

Il disparaît des écrans radars en 1786. Il est malade et rédige même son testament.

2- C’est la révolution qui fait revenir Marat. Il commence alors une nouvelle vie. Il a 46 ans en 1789. Il est entouré de gens bien plus jeunes que lui. La presse se met en route, lui l’homme jamais encore reconnu, qui a toujours des relations familiales dans l’imprimerie, va créer son journal qui devient  « l’Ami du Peuple » le 16 septembre 1789.

3- Serge Bianchi démontre bien cette nature vindicative qui va aller de plus en plus vers les excès, en tentant au milieu des divergences, de s’allier le peuple, lui annonçant les malheurs à venir, pour en triompher après. L’auteur nous entraîne dans ses multiples tribulations révolutionnaires où les amitiés naissent et meurent. Marat devient député de la Montagne et se heurte aux Girondins plus modérés. Ses pires excès sont les massacres de septembre 1792, qu’il contribue à orchestrer. La victoire de Valmy, le 21 septembre, signe l’ultime parution de « l’Ami du Peuple ». Marat, de plus en plus malade, ne cessera plus d’être adulé ou vilipendé, jusqu’à son assassinat.

4- L’auteur brosse d’intéressants portraits croisés de Marat avec les autres gloires révolutionnaires, qui sont traités dans un chapitre particulier. De même il établit une instructive liste des lieux nombreux, qui – un temps très court – après le triomphe de Marat idéalisé par son martyr, donnèrent son nom, tant à des villes qu’à des rues.

5- Il est évident qu’un tel personnage si contrasté, possédait en lui une fibre romanesque. Il est vite passé de l’histoire à la légende, de la légende au mythe, que ce soit en littérature, ou au théâtre, voire au cinéma. Un intéressant chapitre est consacré à cet aspect.

Encore un mot...

Ce livre, particulièrement riche démontre d’une certaine manière combien ceux qui ont manqué leur vocation première, pour peu qu’ils aient en eux un caractère trop exalté- Marat se voulait un grand penseur des « Lumières »-, ne pardonnent jamais leur échec à leurs contemporains. Marat a été un vengeur terrible. Que d’excès autour de lui et de son image. Que de violences auxquelles il a participé. 

Il est inouï de voir une pareille trajectoire qui le conduira au Panthéon avec adoration et l’en fera sortir avec indignité. 

Certes, il n’y a pas de rapport, mais je n’ai pu m’empêcher de songer que Hitler était un peintre raté.

Une phrase

«  Mais il est aussi évident que Marat se voulait « génie créateur » dès vingt ans, et qu’il ne supportait pas que l’on  conteste ses travaux, au point d’injurier ceux qui le critiquent ou le négligent ; de traiter de charlatans les philosophes ou les savants qui ne pensent pas comme lui.(…) S’il paraît souffrir de son isolement politique, il revendique haut et fort sa singularité, des capacités exceptionnelles, résumées dans la métaphore de «l’aigle » face aux « dindons». Lorsqu’il est sifflé à la Convention, il s’écrie : « Si vous n’êtes pas à la hauteur de m’entendre, tant pis pour vous » ; « Je suis au-dessus de vos décrets » ; « J’appelle sur ma tête la vengeance de la nation ».

L'auteur

Serge Bianchi est agrégé, docteur d’État, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université de Rennes II. Membre de la Société des études robespierristes, il a publié et dirigé de nombreux ouvrages sur l’histoire politique et culturelle de la Révolution française dont Des révoltes aux révolutions 1770-1802 (2004) et Héros et héroïnes de la Révolution française (2012).

Commentaires

Laurent MORIAUX
lun 25/06/2018 - 09:49

L'auteur affirme à la page 161 que Jean Louis CARRA a été guillotiné sur la Place du Carroussel mais il me semble que cette exécution a eu lieu Place de la Révolution avec les autres membres de la Gironde.

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