Ma Dernière séance, Marielle, Broca & Belmondo
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Thème
En apparence, un hommage roboratif à trois des monstres qui irriguèrent le cinéma français de la fin des années 1950 à l’aube des années 2000 ; à travers eux, l’éloge nostalgique d’un monde implacablement disparu ; mais au-delà, les confidences pudiques et voilées de l’auteur sur son enfance et ses amours.
Points forts
Marielle, Broca, Belmondo. Un sacré trio réuni par un même amour pour la liberté ! Liberté du ton, liberté des mots (merci Audiard), liberté des mœurs. Combien de leurs films, s’interroge Morales, vaudraient aujourd’hui à leurs auteurs ou à leurs interprètes la correctionnelle et la haine sur ces réseaux qui n’ont de sociaux que le nom ?
Marielle ouvre magistralement le bal avec sa centaine de films au compteur. « De l’exceptionnel en service commandé, écrit Morales. Une façon bien à lui de peser les mots, lourds et pénétrants, comme deux corps qui s’enlacent au creux de la nuit » ; un funambule voguant « entre introspection et ridicule, entre grandiloquence et détachement. Un chevalier Bayard en slip de bain » ; « un acteur bucolique dans le sens où son verbe vous fouettait le visage, comme lorsqu’on avance dans les hautes fougères, qu’on tente de se frayer un chemin dans l’inconnu » ; un comédien capable « de transcender un navet en spectacle d’art et d’essai ». « Les cons splendides et dérisoires lui doivent beaucoup. Il aura toute sa carrière magnifié la médiocrité ».
Suivent Broca et sa trentaine de longs métrages (dont Cartouche, L’Homme de Rio, Le Cavaleur, Tendre poulet, Le Magnifique, L’Incorrigible, Le Diable par la queue, Les Caprices de Marie, On a volé la cuisse de Jupiter). Broca, l’aristocrate moraliste et libertin qui, feignant la décontraction, sait apprivoiser le désespoir. Son cinéma est un antidote à la vulgarité et à la veulerie. Broca célèbre la fougue, l’audace et la bravoure. Il « déniche le panache dans le dérisoire. L’éclat dans l’infini petit. » Thomas Morales y a trouvé, adolescent, ses modèles masculins. Broca, écrit-il, « a hissé les ambitions des hommes de ma génération ». Et lui devrait-il d’avoir choisi la profession « précaire et dépressive d’écrivain » après avoir vu Le Magnifique ?
Belmondo enfin, célébré par petites touches en 50 films choisis pour beaucoup en raison de la place qu’ils occupent dans la mémoire de Morales et du rôle qu’ils ont pu parfois tenir dans sa vie sentimentale.
Quelques réserves
Le cinéphile pourra se sentir quelque peu désarçonné par l’hommage rendu à Belmondo. Cette partie du livre se nomme d’ailleurs Toc, toc, badaboum ... Les films sont présentés dans un désordre chronologique s’expliquant vraisemblablement par le fait que Thomas Morales (né en 1974) les a classés selon la date à laquelle il les a vus. Mais ce désordre ne facilite guère la compréhension de la relation sentimentale courant tout au long de cette séquence présentée comme une autofiction. Faut-il voir dans cet éparpillement un hommage discret aux Gauloises bleues de Michel Cournot ou au célèbre dialogue des Tontons flingueurs dans lequel Bernard Blier menace d’expédier Lino Ventura ad patres « façon puzzle » ?
Encore un mot...
Un petit livre intimiste qui ravira les amoureux du cinéma populaire dit « de papa ».
Une phrase
"Nous nous lovons dans les vieux films pour entrapercevoir des notions aujourd’hui bannies : l’audace, le bon mot, l’ironie amusée, les amours ancillaires et le désengagement vindicatif. Ces beaux mecs nous guidaient sans pontifier, sans idéologiser. Ils étaient le cap ! Nous les aurions suivis jusqu’au bout du monde. Nous les regardions dans le petit écran et nous apprenions enfin à embrasser, à parler en public, à moucher un malotru ou à enfiler un blouson d’aviateur. Nous les aimons toujours follement comme les Mustang blindées, les cravates en tricotine, les chuha boots, les impers croisés, le jambon persillé et ce sauvignon qui ravive la mémoire les soirs de grande soif. Au regard des standards actuels, Jean-Pierre Marielle, Philippe de Broca et Jean-Paul Belmondo sont probablement trop machistes, trop hétéros, trop genrés, trop ‘’vieux monde’’, trop irresponsables, trop seigneurs aussi. Sachez que je ne permettrai à personne de salir mes idoles. Ils étaient ma France et demeurent mon identité. »
L'auteur
Chroniqueur à Causeur et au Figaro-Vox, Thomas Morales est notamment l’auteur de plusieurs essais célébrant l’automobile (Le Break Volvo 240 de mon père, ETAI, 2009 ; Mythologies automobiles, L’Editeur, 2011 ; Dictionnaire élégant de l’automobile, Rue Fromentin, 2013 ; Eloge de la voiture, défense d’une espèce en voie de disparition, Le Rocher, 2018) et le cinéma français (Belmondo et moi, Nouvelles Lectures, 2018, Un été chez Max Pécas, PG de Roux, 2019).
Le clin d'œil d'un libraire
Librairie Fontaine à Apt. Elle inonde tout le Luberon de ses conseils de lecture sur la littérature contemporaine
De Cavaillon à Apt et au-delà, les amoureux du livre et des lectures insolites, Français ou non, résidents ou touristes, aiment à rencontrer un des 4 libraires de la librairie Fontaine. Une seule librairie pour les 12 000 habitants de la bonne ville d’Apt, mais en moyenne près de 150 livres sortent chaque jour des rayons d’un des fleurons de cette belle enseigne qui compte 7 points de vente en France. Sabine Didier, jeune libraire qui a roulé sa bosse de par le monde n’est pas peu fière de nous faire connaître son coup de cœur : « La vie des Reines » de Joumana Haddad chez Actes Sud, un roman sur fond d’histoires vraies, les heurts et malheurs de quatre femmes en Irak et Syrie en guerre - 18 exemplaires vendus en 3 mois - record national. Sabine illumine ses clients tout comme la célèbre entreprise d’Apt, Blachère, N°1 de sa spécialité, illumine les Champs Elysées chaque Noël. En plein Colorado provençal, 25 000 références attendent les passionnés en quête d’émotions et d’exotisme chez Fontaine. Un détail attachant : dans une vie antérieure, Sabine, militante de la francophonie en Afrique, s’était consacrée, pour la cause, au « désherbage » de certaines bibliothèques pléthoriques de Provence. L’amour du livre mène a tout. Ah ! Si toutes les Sabine des librairies Fontaine pouvaient nous faire découvrir elles-mêmes leurs coups de cœur en direct ?
Librairie Fontaine, 16 rue des marchands 84400 Apt. 04 90 71 14 03.luberon@librairiesfontaine.com
Texte et interview par Rodolphe de Saint-Hilaire pour Culture-Tops
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