Lieux de vie : ce qu'ils disent de nous
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Thème
Depuis des centaines d'années, l'habitat, la maison, le foyer, répondent à des exigences simples : protéger, rassembler (la famille), éduquer (les enfants) et transmettre un patrimoine, afin que la génération suivante y trouve les mêmes ressources. Cycle immuable ? Sans doute non ! Les usages de l'habitat, du lieu de vie, évoluent de façon occulte, sous les coups de boutoir de la révolution numérique et de tous ses avatars qui percutent la notion de "vivre ensemble", de transmission, de partage des apprentissages et d'interdépendance. La génération 2.0 - née après 1980, innove dans sa relation avec l'habitat. Avec en toile de fond un compte Facebook pour beaucoup plus signifiant que l'adresse "physique", cet essai, avec les oreilles du psychiatre et les yeux de l'expert immobilier, explore ces nouvelles pratiques, rapproche causes et conséquences, instruit et alerte sur les évolutions qui s'esquissent. Nos lieux de vie parlent clairement d'une nouvelle relation au monde dont le "foyer" n'est plus nécessairement l'épicentre ou le refuge.
Points forts
- Encore très peu étudié ni débattu, ce thème original et intéressant est exploré par deux experts qui enrichissent le lecteur de leurs regards croisés.
- Une dissection subtile de nos intérieurs, pièce par pièce, et aux différents âges de la vie, où beaucoup reconnaitront des situations vécues.
- Ce livre décode les habitudes des baby-boomers et des générations X et Y. Il en révèle les conséquences sur la relation entre un lieu de vie et la façon dont il est investi.
- Des développements éclairants sur les interactions parents/enfants/usages numériques dans un espace qui contient en moyenne… 6 écrans par foyer, autant de fenêtres individuelles qui en brouillent les rôles de partage et de sociabilité.
- Des perspectives intéressantes ouvertes dans le dernier tiers de l'ouvrage, à partir d'une histoire de la maison, ses invariants et ses nouveaux usages, leur conséquences possibles dans la conception future des logements - unearchitecture de la rencontre qui est à créer.
Quelques réserves
- Certains enchainements du plan sont moins lisibles que d'autres. Comprenez qu'il est possible de perdre le fil de l'exposé. Pas grave cependant car cet essai est très chapitré, à tel point que certaines parties n'ont pas besoin d'être lues dans l'ordre pour être comprises.
- L'analyse porte principalement sur les usages dans le milieu urbain (villes et leurs périphérie) et implicitement dans les classes moyennes et supérieures. L'analyse est certainement transposable, pour autant, dans les zones rurales (et cela est dit) les transformations décrites sont moins évidentes.
Encore un mot...
Voici un ouvrage qui nous ouvre les yeux sur des évolutions que nous n'aurions peut être pas envisagées sous cet angle. L'individualisme, la jouissance sans contrainte, la liberté d'être soi, la transformation des frontières entre le privé et le public imprègnent fortement notre relation aux lieux que nous habitons. C'est peut être une évidence pour vous, ça ne l'était pas pour moi. Ce livre apporte des réponses à des observations faites aussi par les éducateurs et les sociologues : le lieux de vie, quand il est stable et lieu d'échange, construit et rassure ; il demeure le socle de l'identité. S'il ne l'est pas - par choix ou par défaut, cette stabilité peut manquer - à l'image de ces expatriés enivrés de mondialisation mais en mal de repères, pour lesquels la maison familiale (grands parents plus que parents) reste une figure rassurante.
Après avoir lu ce livre, il se peut que vous regardiez autrement les murs et les espaces dans lesquels vous vivez !
Une phrase
- "La maison a désormais un rôle social nettement appauvri. Elle s'est dépouillée de sa fonction d'accueil et d'organisatrice de moments de rencontre, fonction qui s'est déplacée sur d'autres scènes." P 58
- "La surface de projection de soi a changé : de l'habitation, de son agencement, et sa décoration, elle s'est déplacée sur la toile, les réseaux sociaux, les tweets…" P 83
- "Quel Paradoxe ! Les locaux de vie sont investis sur un mode éphémère tandis que l'habitation est "durable". Ou plutôt, sans doute, renouvelable… Prendre un engagement pour construire un couple pour la vie semble aujourd'hui étrange…." P 99
- "La transmission est considérée comme inutile face aux mutations sur lesquels les plus âgés n'auraient rien à dire. Pour nos contemporains, seul le présent compte." P136
- " Quand une maison a une âme, elle le fait savoir à certains de nos semblables par ses caractéristiques propres, par ses lignes harmoniques comme une œuvre d'art qui parle à toute personne acceptant d'écouter sa sensibilité, et de s'interroger." P171
- "Dans une société adolescente, ouverte au monde dans lequel l'intime est réduit à la portion congrue, le besoin d'espace privé apparait de plus en plus important parallèlement. Ce qui pose la question de la frontière entre ce qui se partage et ce que chacun garde pour soi." P 190
L'auteur
- Patrice Huerre est pédopsychiatre, psychothérapeute, psychanalyste. Très investi dans la prévention des troubles de l'enfance, de l'adolescence et des jeunes adultes et la relation parents-enfants, il a écrit une vingtaine d'ouvrages sur le sujet et s'est investi dans de nombreuses associations. Il préside également l'Institut du Virtuel, dont le but est de favoriser le débat scientifique sur le rapport de l’humain au Virtuel.
- François Robine est un expert immobilier reconnu. A ce titre, il été expert auprès la Cour d'appel de Paris pendant de très nombreuses années.
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