Pour aller au-delà des invectives gauche/droite sur le sujet.
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Thème
Depuis 25 ans, avec en toile de fond la progression du Front National, la question de l’identité française a resurgi fréquemment dans le débat public: à l’occasion de l’interdiction du voile islamique à l’école, de 1989 à 2004 (loi interdisant le voile à l’école); de la polémique sur l’identité nationale, en 2009; et du projet de création de la Maison de l’Histoire, en 2011. Alain Finkielkraut s’emploie à l’analyser avec une belle constance.
Points forts
Un livre argumenté et très clair qui adjoint aux arguments habituels de l’auteur une analyse de la contribution européenne à nos difficultés.
Rappelons succinctement ces arguments :
- Nous subissons notre changement sans le vouloir, en jouissant paisiblement de notre indépendance privée. Le communautarisme peut donc se développer sans réaction; et l’école ne joue plus son rôle d’intégration dans l’ordre de l’esprit (Pascal). L’enfant est roi, il sait ce qui lui plaît et ce qui est nul.
- La galanterie française devrait être défendue contre l’exclusion islamique de la féminité. Cette exclusion correspond à un déni de sensibilité et à une caricature de l’homme, identifié à un animal irresponsable perdant tout contrôle de lui-même lorsqu’il voit une femme.
- Face à la liberté implacable des Lumières et à la toute-puissance de l’homme, Finkielkraut propose de reconvoquer les penseurs romantiques, tel Barrès; de revaloriser l’enracinement, les liens du sang, et de défendre « nos cimetières ».
- Les Grecs mettaient au cœur du vivre ensemble, l’aidos, la restriction de l’estime de soi. Aujourd’hui les jeunes en sont dispensés et se considèrent donc comme des êtres souverains. Les professeurs doivent interagir pour que les élèves s’épanouissent. Le « Tout tout de suite » interdit aux jeunes la longue patience des voyages immobiles et la lecture de Proust. La génération Internet est perdante et être vieux ce n’est plus avoir de l’expérience mais en manquer. Les nouvelles technologies remettent en cause la valeur de nos héritages et la possibilité de dialoguer avec les morts.
- Mais Barrès fut antidreyfusard et c’est en Europe que la barbarie d’Hitler s‘est développée. Ajoutons que l’Europe post coloniale est encore mal dégrisée, voire nauséeuse. Elle s’est donc construite sur une distance critique à elle-même plus que sur une idée d’appartenance.
Aujourd’hui la « doxa » nous impose de considérer l’histoire comme un lent continuum de brassages et comme une recomposition permanente. Il n’est plus alors question de France une et indivisible et personne n’a le droit de définir pour les Musulmans ce qu’est l’identité française.
Affranchi de la tradition, de la transcendance, l’homme démocratique a peur du politiquement abject, au point de penser comme tout le monde en croyant penser par lui-même, sans voir la réalité en face.
D’où notre identité introuvable et malheureuse.
Quelques réserves
Une variété des approches qui finit par compliquer, voire fragiliser, le propos et surtout condamner d’avance toute proposition de solution, sauf à revenir 60 ans en arrière.
La question de l’identité de la France est-elle devenue insoluble du fait de l’immigration, de l’oubli des romantiques, de l’Internet, de l’Europe et de la Shoah, de l’oubli de la galanterie, de l’évolution du système scolaire ?
Encore un mot...
L’avis d’un esprit éclairé de 65 ans sur la question de l’identité.
La question reste cependant de savoir si nous sommes confrontés à une rupture civilisationnelle ou à la brutalité habituelle de l’Histoire.
L'auteur
Alain Finkielkraut, né en 1949, ancien élève de l’Ecole Normale supérieure de Saint-Cloud et agrégé de lettres, est à l’origine d’une trentaine d’essais, ayant pour thèmes, notamment, l’évolution de la société française, l’école, la lecture et la littérature, les Juifs et la Shoah. Il a été pendant de nombreuses années professeur à Polytechnique; et est encore aujourd’hui producteur de » Répliques » sur France Culture (Samedi matin à 9h).
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