Les quatre sergents de La Rochelle
Infos & réservation
Thème
En mars 1822, le 45e régiment d’infanterie commandé par le marquis de Toustain vient d’arriver à La Rochelle lorsque quatre de ses sous-officiers sont convaincus de complot, arrêtés sur place, transférés à Paris où ils seront jugés et guillotinés en place de grève le 21 septembre 1822.
Cette conspiration censée abattre la monarchie de Louis XVIII n’a pas eu l’ombre d’un début de réalisation et n’aurait dû être qu’un non-événement ; mais, connue sous l’expression collective des « quatre sergents de La Rochelle », elle a franchi les siècles, oblitérant au passage le nom des quatre condamnés, Bories, Pommier, Goubin et Raoulx, morts courageusement sur l’échafaud en clamant « Vive la liberté ».
Points forts
Boudon analyse parfaitement les différents courants politiques qui s’affrontent tout au cours du XIXe siècle, les ultras monarchistes, les bonapartistes nostalgiques de l’Empire et les libéraux républicains. C’est ainsi que ces quatre jeunes gens (ils avaient entre 24 et 27 ans) vont devenir les symboles de la cause républicaine ; considérés comme libéraux (alors que trois d’entre eux avaient combattu dans les guerres napoléoniennes), ils ont juste les aspirations de cette génération 1820 étudiée par l’historien américain Spitzer mais ils vont le payer de leur vie.
L’auteur note, malgré l’octroi de la Charte, la nette inflexion à droite du gouvernement de Louis XVIII avec le ministère Villèle, qui ne fera que s’amplifier sous Charles X jusqu’à la révolution de Juillet. D’où l’exacerbation de la chasse aux libéraux.
Il insiste sur le rôle primordial de la Charbonnerie, société secrète dont l’emblème est le poignard ; venue de Naples à l’époque de Murat elle est promue en France par la Franc-Maçonnerie, conséquence de la répression engendrée par l’assassinat du duc de Berry. C’est ainsi que Bories, considéré comme le chef de la «conspiration» a commencé par créer une «vente» carbonari (cellule apparentée aux loges franc-maçonnes) au sein du 45e Régiment dans laquelle il a entraîné ses camarades et dont l’efficacité n’a guère dépassé les réunions de bistrot. A noter que La Fayette, chef de la «vente suprême», n’a, lui, jamais été inquiété.
Il explique enfin comment l’histoire prend de l’ampleur à travers les articles de journaux, les complaintes de rue, le mélodrame et la littérature (Stendhal, Balzac, Hugo, Chateaubriand y font tous référence) jusqu’à devenir un véritable culte avec la légende de la fiancée inconsolable portant sur elle le bouquet sans cesse renouvelé que lui aurait lancé l’un des condamnés du haut de l’échafaud (lequel ? les avis divergent…)
Quelques réserves
Boudon est avant tout un historien et il en a la précision minutieuse, ce qui entrave considérablement la vue d’ensemble. Il ne nous épargne aucune parentèle, aucun état-civil, aucune date, aucune fonction des différents protagonistes qui sont nombreux et, pour certains, ont eu de complexes déroulés de carrière. En particulier les juges et les avocats du procès d’août 1822 qui avaient l’échine suffisamment souple pour mener adroitement leur barque de la Restauration au second Empire en enjambant quelques révolutions.
C’est d’autant plus dommage que Boudon a eu la bonne idée d’établir en fin de volume un répertoire alphabétique des acteurs de l’affaire qui, malheureusement, fait doublon avec le texte alors qu’il aurait suffi au lecteur de s’y référer en cas de besoin.
Encore un mot...
Même si la recherche de l’exhaustivité est à saluer chez un historien, l’esprit de synthèse peut manquer cruellement à un lecteur lambda.
Une phrase
“En 1848, l’avènement de la république redonne corps à la mémoire des quatre sergents (…) Un ancien carbonaro, Flottard, devenu secrétaire général de la mairie de Paris, lit la proclamation suivante : « L’arbre de la liberté ne peut trouver nulle part un sol plus nourricier que cette terre arrosée le 21 septembre 1822 du sang de Bories, Pommier, Raoulx et Goubin, dont l’histoire nationale a enregistré le martyre patriotique sous le nom des sergents de La Rochelle “ p. 161
L'auteur
Jacques-Olivier Boudon, né le 15 février 1962 à Bordeaux, est un historien français.
Il est professeur à l'université Paris IV Sorbonne depuis 2003. Ses thèmes de recherche sont l'histoire de la Révolution française et du Premier Empire ainsi que l'histoire religieuse contemporaine.
Membre du jury des Grands Prix de la Fondation Napoléon depuis 2001,
Président de l’Association française d'histoire religieuse contemporaine (2005-2008), il est depuis 2012 membre du conseil scientifique du Figaro Histoire.
D’autres ouvrages de Jacques-Olivier Boudon :
Le sexe sous l’Empire, chronique d’Hélène Renard
La campagne d’Egypte, chronique de Paul Beuzebosc
Ajouter un commentaire