Infos & réservation
Thème
Tout est dit quant au cadre spatial que se propose d’explorer Emmanuel Le Roy Ladurie. Le titre de son livre est cristallin et son propos évident, ses bornes tant géographiques que chronologiques, connues. Du quatorzième au dix-huitième siècle, l’auteur de Montaillou, village occitan (1975) expose – avec simplicité et intelligence – au lecteur, l’histoire du monde rural d’Ancien Régime dans un « Hexagone virtuel », les frontières du royaume de France, mouvantes et enclavées, ayant profondément évolué au cours des siècles.
C’est avec la destruction du « monde plein » que commence cet ouvrage. Celle d’une France de 20 millions d’habitants – dont 90% de ruraux. La France perd alors la moitié de sa population, notamment à cause de la Peste noire de 1348 qui dépeuple la moitié de l’Europe ; à ce phénomène se superposent les affres de la guerre de Cent Ans qui entraînent famines et destructions. L’auteur explique comment la France rurale vit et opère bon an, mal an, une « cicatrisation démographique », pour retrouver 20 millions d’âmes dans la première moitié du seizième siècle. Avec le théâtre des guerres de religion en toile de fond, le lecteur suit la crise et la reconstitution du territoire ainsi que les révoltes paysannes qui émaillent le dix-septième siècle. Du règne de Louis XIV à celui de Louis XVI, on oscille entre crise et croissance. Lorsque « l’essor démographique rural » reprend, bien qu’un recul de la violence s’observe dans certaines campagnes dès avant 1789, les révoltes paysannes, éloignées d’un « combat pour un avenir démocratique », sont nombreuses et souvent disparates, selon les régions.
Si Les Paysans français d’Ancien Régime est une synthèse globale, elle ne perd rien du grand savoir que l’on retrouve dans toute l’œuvre d’Emmanuel Le Roy Ladurie. C’est une impressionnante frise, parcourue d’exemples, qui est offerte au lecteur, montrant la diversité des conditions de vie et l’évolution des mentalités dans le France rurale d’Ancien Régime. De la ration carnée d’un paysan au Moyen Age à la description de l’exploitation d’un « gros paysan » à la Renaissance en passant par l’évolution de l’écosystème, les différences entre les paysans de pays d’Oïl et d’Oc ou la relation des paysans à la religion, c’est une « architecture sociale » et mentale de la paysannerie française d’Ancien régime qui est synthétisée ici, douze années après la parution de l’Histoire de paysans français, de la Peste noire à la Révolution (2002).
Points forts
• La portée. Au-delà de l’impressionnant contenu historique de cet ouvrage, c’est la volonté manifeste de l’auteur de permettre à un très large public d’avoir accès à des informations scientifiques qui est remarquable. Emmanuel Le Roy Ladurie a relevé le défi de modifier son Histoire des paysans français, de la Peste noire à la Révolution (2002) – une somme de près de 800 pages – pour la rendre accessible au lecteur « non spécialisé. » L’auteur a effectué ce travail de réécriture en restant fidèle au contenu originel, retraçant cinq siècles d’histoire en moins de 300 pages et ceci dans une écriture fluide et pointue.
• Vulgarisation ? On pourrait croire que le présent ouvrage est à classer dans ce que l’on appelle la « vulgarisation historique », mais en l’occurrence il faut souligner que cette somme ne rentre nullement dans cette catégorie. Cet ouvrage n’a certes pas la solennité ou la longueur d’un ouvrage scientifique, mais il n’en reste pas moins d’une méticuleuse précision et d’une remarquable connaissance d’un demi millénaire d’histoire des sociétés rurales en France. C’est un foisonnement de chiffres, de statistiques comparées et d’exemples illustrant les mentalités des campagnes de France sous l’Ancien Régime que nous offre ici l’auteur, et ceci, dans une accessibilité exceptionnelle.
• Idées reçues. C’est une des autres grandes qualités de cet ouvrage que de mettre à bas bien des idées reçues sur le monde paysan, tant au niveau des conditions de vie, des relations sociales ou encore au niveau de la perception qu’en ont de grands philosophes des Lumières comme Voltaire ou Rousseau, peu amènes avec les « laboureurs » …
• Haro sur les notes de bas de pages ! Faisant, à dessein, fi des pages noircies de notes, plus nécessaires que chères à l’historien consciencieux, Emmanuel Le Roy Ladurie allège encore plus son ouvrage sans que cela lui enlève une once d’érudition.
• La postface. Jean-Marc Moriceau, professeur à l’université de Caen et spécialiste de l’histoire rurale, en est l’auteur. Dans les dernières pages du livre, il montre les perspectives ouvertes par le travail d’Emmanuel Le Roy Ladurie et évoque le « renouveau » des études sur les sociétés rurales grâce aux travaux de différents autres historiens, tout en rendant hommage à l’œuvre de l’auteur des Paysans français d’Ancien Régime.
• La bibliographie. Elle s’étend sur une vingtaine de pages dans lesquelles on peut apprécier toute l’étendue de sa richesse. Elle représente un véritable panorama qui « reflète la puissante production d’histoire rurale et apparentée », des années 1950 au premières années du XXIème siècle.
Quelques réserves
Je n’en vois pas!
Encore un mot...
À travers ces cinq siècles d’un monde paysan disséqué, ce n’est pas un pan de l’histoire de France simplifiée que nous propose Le Roy Ladurie, mais une somme historique remarquablement dense, sur une très longue durée, à portée de main.
L'auteur
Emmanuel Le Roy Ladurie est un grand historien moderniste français qui s’est beaucoup intéressé – entre autres thématiques – à l’histoire économique et sociale du monde rural ainsi qu’à l’histoire du climat, dont il est l’un des plus éminents précurseurs.
Ajouter un commentaire