Les militants du djihad, portrait d’une génération
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Thème
Ce livre présente une enquête sur le djihadisme fondée sur des données fiables qui rassemblent plus de 1400 Européens dont le profil et le parcours sont assez connus pour permettre une analyse rationnelle et objective des raisons de leur engagement dans ce militantisme aux pratiques violentes.
Points forts
• La base de données sur laquelle s’appuie l’ouvrage et l’analyse statistique sont très sérieuses, il y a un réel effort des auteurs pour ne pas être victimes de biais et de ne surtout pas réduire le djihadisme à un déterminisme social et culturel voire cultuel.
• Le djihadisme est d’emblée défini comme un militantisme violent, non réductible au terrorisme (le djihad est littéralement une « lutte », la guerre dite sainte en est une facette, le terrorisme une autre) qui apparaît lorsqu’un certain nombre de facteurs sont réunis : fragilité sociale, porosité aux discours fondamentalistes, influence d’un meneur sur des groupes sensibles déjà enclins à être violents. Mais cette description de l’apparition du phénomène est surtout valable pour la France ou la Belgique car le livre montre qu’en Angleterre notamment, pays dans lequel le djihadisme se développe au sein de milieux aisés et cultivés de la communauté musulmane, il n’y pratiquement aucun converti parmi ceux qui se nomment eux-mêmes moudjahidin, contrairement à ce que l’on peut observer sur notre sol.
• La fin du livre propose un début de solution pour endiguer ce phénomène à la racine, même si les auteurs ne revendiquent à aucun moment que leur ouvrage ait pour projet d’apporter quelque solution que ce soit. Pourtant ils mettent en avant l’idée cruciale, qu’avant que les jeunes esprits ( car la plupart d’entre eux sont jeunes, pas tous, mais l’écrasante majorité ) ne soient embrigadés, nous devons, nous citoyens, pas seulement au sein de la communauté musulmane qui porte une part de responsabilité, mais dans les écoles, à la télévision, sur les réseaux sociaux, bref dans tout l’espace public, retrouver l’esprit cartésien : celui du doute ! Et s’il y a bien une chose que n’ont pas les fondamentalistes qui sont, dans l’immense majorité des cas le terreau du djihadisme, c’est le moindre doute sur le bien-fondé de leur interprétation de la foi et sur le bien-fondé, encore une fois, de leur action sanglante. Pour sortir de cet endoctrinement malsain, ils doivent comprendre que l’absolutisme des idées est une impasse, intellectuelle, spirituelle, sociale et sociétale. Nous avons tous, sur ce point, une part de responsabilité, les pratiquants du culte musulman, bien évidemment, sans oublier aussi l’Etat qui, selon les auteurs, sous couvert de laïcité, en France, ne va pas assez au cœur du débat idéologique pour contrer la propagande de cette version violente du Salafisme.
Quelques réserves
• Le livre est parfois relativement difficile à lire compte tenu des chiffres, graphiques et tableaux. Mais on ne peut pas avoir en main l’une des études les plus objectives et les plus fondées en raison sur le djihadisme et ne pas avoir accès, ne serait-ce que légèrement, à ce sur quoi se base l’étude. Les choses sont d’ailleurs très bien présentées et expliquées, et, si l’on ne voulait pas trop s’y mettre, la lecture en diagonale permettrait facilement de ne profiter que des analyses pertinentes. Alors, si le sujet intéresse, ce livre est l’un de ceux à lire absolument.
Encore un mot...
Le djihadisme en Europe est un phénomène multiple en pleine mutation, il est donc important de comprendre ce qui permet son émergence, surtout depuis le début des années 2000, pour anticiper, en comprenant mieux ce qu’il a été, ce qu’il est en train de devenir, pour, espérons-le, l’endiguer un maximum à l’avenir. Ce livre se propose cette ambitieuse mission et il la mène magistralement.
Une phrase
" Il est dès lors de la responsabilité de la société civile musulmane de s’investir sur la question. La responsabilité est donc partagée entre l’État et les musulmans. L’État doit cesser de considérer que son action s’arrête dès lors qu’il rencontre des arguments religieux : la laïcité – par l’inaction qu’elle justifierait en matière de désengagement djihadiste par le religieux – ne peut être un obstacle à la sécurité nationale. Les musulmans, et singulièrement les institutions musulmanes qui prétendent les représenter, doivent impérativement cesser de considérer que « le djihadisme, ce n’est pas l’islam ». Car c’est une branche - malade - de l’islam contemporain. Que l’on peut combattre en insufflant chez ses thuriféraires et chez ceux qui l’ont adopté un élément fondamental, si français et pourtant parfaitement universel : le doute. Le doute, ce remède à l’ignorance ; cet antidote au fanatisme ; cet espoir de la raison. Descartes au secours de la France attaquée par le djihadisme ? Rêvons un peu…"
L'auteur
Les auteurs sont tous deux normaliens. Benjamin Hodayé est agrégé d’histoire et spécialiste de l’islam au Maghreb et en Europe ; Hakim El Karoui, agrégé de géographie, est senior fellow de l’institut Montaigne et a notamment écrit “ l’Islam une religion française” (Gallimard)
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