Les bâtards de Sartre
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Thème
« un jeu de massacre », ce sont les termes de l’auteur, voilà effectivement ce que Benoît Rayski s’est proposé de faire dans ce court livre qui donne un exemple très concret de la définition du mot pamphlet.
Le point de départ: Sartre et Franz Fanon; deux figures tutélaires, selon Rayski, d’une certaine « gauche » tellement bien pensante qu’elle finit par se tirer une balle dans le pied voire dans la tête.
En effet, à trop vouloir s’excuser de son passé colonial et raciste, une certaine forme de pensée unique aux commandes des médias, « les lumpen-intellectuels », expression inventée par l’auteur et inspirée de Karl Marx (lumpen-prolétariat), pousserait les français à toujours plus d’autoflagellation, les amenant lentement mais sûrement à la soumission, à une disparition certaine d’eux-mêmes et de leur culture.
Ces « intellectuels », qui d’ailleurs à trop se revendiquer tels salissent le mot, selon Rayski, seraient un grave danger pour la nation française.
Par ailleurs, ce qui le gène au plus haut point, c’est qu’on entendrait beaucoup trop cette « gauche caviar », trop à la radio, en permanence à la télé, et caetera, alors que les voix dissonantes à ce discours seraient bâillonnées, non pas qu’elles aient toutes raison, mais en tout cas, cette univocité de la pensée, si tant est qu’elle soit réelle, le débecte… bref, il n’en peut plus et nous le fait savoir.
Points forts
- Que l’on soit d’accord ou pas en refermant le livre, ce qui est certain c’est que l’on a passé un bon moment, appris des choses, car l’auteur est cultivé et pédagogue, et surtout on a bien ri, parfois honteusement, mais bien ri quand même !
- Oser attaquer de manière aussi frontale certains de ses contemporains force le respect. Cependant…
Quelques réserves
Le titre du livre… et avec lui parfois une façon de s’abaisser au niveau de l’adversaire qui n’est pas anodine et qui fleure bon le désir de créer le buzz. L’auteur rapporte que les Indigènes de la République ont hurlé « sale race » chaque fois qu’une femme au micro, lors du rassemblement place de la République, citait certains noms, de politiques, de philosophes et autres… si c’est inadmissible pourquoi les traiter de bâtards à son tour? On peut rétorquer que ce mot n’est pas vraiment une insulte, qu’il sert de titre accrocheur, mais le terme revient au cours du texte et ce serait se mentir alors que Rayski clame haut et fort prôner la sincérité intellectuelle. La loi du Talion dans son sens littéral dessert malheureusement le propos, un peu dommage… Le côté défouloir et règlement de comptes n’est pas le plus intéressant.
Encore un mot...
N’est-ce pas le meilleur ennemi de la gauche celui qui sait lui montrer ses graves défauts, ses divagations les plus dangereuses ? Peut-être est-ce même son meilleur allié... Troublant, mais surtout salvateur. Si vous avez une sensibilité de gauche, il me semble intéressant, urgent, voire sain de lire ce livre. Il ne s’agit pas de tomber d’accord sur tous les points, mais balayer devant sa porte avec humilité n’est jamais un mal, me semble-t-il.
De plus dénoncer une sorte d’association malsaine entre une certaine bourgeoisie et « la populace », mot d’Arendt qui fait écho au fameux « lumpen » de Marx repris par Raysk, n’est pas sans rappeler l’analyse de la philosophe lorsque dans son traité « Les origines du totalitarisme », elle fait remarquer elle-même que cette association avait permis l’émergence et finalement la prise de pouvoir du nazisme en Allemagne. C’est un peu cela, en tout cas dans la forme, je crois, que Rayski veut expliquer. Cette association, non pas de fait, les bourgeois bien pensants ne mangent pas à la même table que la racaille, peut devenir l’origine d’un nouveau fascisme qui ne dit pas son nom et qui, sous couvert de bons sentiments pourrait causer notre perte.
Une phrase
« Les lumpen-intellectuels donc. On les appellera dorénavant ainsi pour éviter tout risque de confusion avec l’intelligence et la pensée. Oui, des petits bourgeois! Rentiers des idées reçues. Boutiquiers attirant le chaland avec leur « je vends, je vends du no pasaran, copie garantie conforme ». Fripiers soldant des vieux cols Mao et des posters de Che Guevara. Avec toute la morgue suffisante de leurs ancêtres flaubertiens: « Quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend, on sait ce qu’on sait ». »
L'auteur
Benoît Rayski est essayiste et journaliste. Il a collaboré notamment à Globe, revue très BOBO, collaboration dont il n’est pas forcément très fier mais qu’il assume tout comme son passé d’homme plutôt de gauche, homme qu’il est peut-être encore un peu, mais homme qui ne veut plus être associé à l’hypocrisie bourgeoise bien pensante qu’à trop souvent cette ligne politique. Il est aussi actuellement chroniqueur sur atlantico.fr et causeur.fr
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