Le sommeil des objets. Note sur le rebut
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Thème
Un promeneur solitaire tourne son regard vers le passé et vers ce qui lui reste d’avenir. Une réflexion sur notre société qui renie la mort et tout ce qui n’est pas directement lié au culte harassant du présent.
Points forts
Des chapitres courts dont certains font moins d’une page. Un abécédaire où la mémoire sans tabou d’un écrivain se livre et plante son compas au cœur du lecteur. L’insolite règne en maître dans ce paradis perdu où vieux outils, lettres déchirées, morts violentes se succèdent comme autant de témoins de drames qui, jadis ou naguère, ont eu la couleur de la vie.
Quelques réserves
Le désenchantement pointe ici et là mais ne serait-il pas devenu au fil du temps l’une des marques de fabrique de l’auteur ?
Encore un mot...
Un livre qui se parcourt, se hume comme un parfum secret, une caverne qui nous révèle des reflets de nous-mêmes sur lequels nous ne nous étions pas attardés. Ni tristesse ni désespérance dans ce constat mais une poésie qui sourd des objets oubliés, des lieux traversés trop vite ou des attentes vaines que l’amour ne concrétisera pas.
Sous la plume de Richard Millet, des pans entiers d’enfances, de rencontres, de lieux anonymes retrouvent vie, désir et puissance évocatrice.
C'est bon comme une friandise au goût que l'on croyait perdu...
Une phrase
Non pas une phrase, mais quelques extraits de chapitres que l’on peut ouvrir au hasard de leurs intitulés :
- "Le rebut est la mémoire de l’inutile …une sorte de déclassement infini …ce dont nous nous défaisons en dit autant que ce que nous créons …c’est donc bien nous que nous contemplons dans le rebut, en une distance qui est la dimension compassionnelle de l’ironie autant qu’une illusoire suspension du temps".
- "Les objets sont une mesure de l’infini, du moins de ce que nous avons cessé d’être à travers eux."
- "On est toujours le rebuté, l’ombre, la doublure malheureuse de quelqu’un ; ce pourrait être une des lois de l’existence sociale autant que du tragique humain".
L'auteur
Richard Millet a écrit plus de quatre-vingt livres qui, d’année en année, ont suscité une avalanche de réactions plus ou moins positives. L’homme qui a été, jusqu’en 2012, membre du comité de lecture de Gallimard, s’en soucie comme d’une guigne. L’art de déplaire qu’il cultive ne fait pas oublier Le sentiment de la langue (prix de l’essai de l’Académie Française – 1994), Musique secrète (2004), Le désenchantement de la littérature (2007), Sibelius, les cygnes et le silence (prix de littérature André Gide – 2015) et tant d’autres livres qui témoignent d’un talent incontestable.
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