Le secret de Napoléon

Un titre accrocheur mais des explications un peu… succinctes ! Point de secret à l’horizon
De
Robert Colonna d’Istria
Equateurs Histoire, Février 21 -
317 pages -
21 euros
Notre recommandation
2/5

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Thème

Peu avant sa mort, Napoléon avait confié à une de ses admiratrices, la comtesse de Kielmannsegge, des enveloppes scellées destinées au roi de Bavière et au Tsar. Ces plis au contenu inconnu piquent la curiosité de Robert Colonna d’Istria qui se demande s’ils révélaient le ‘secret ultime’ de la vie de Napoléon. Pour tenter de percer ce secret, l’auteur décide de marcher sur les traces de l’Empereur parce que ‘le projet international de Napoléon a constitué la part la plus singulière, la plus fantastique de son œuvre’.

 Le lecteur met donc ses pas dans ceux de Colonna d’Istria en suivant chronologiquement la litanie des batailles qu’a menées le Général Bonaparte puis l’Empereur Napoléon en Europe et en Égypte, depuis la campagne d’Italie jusqu’à Waterloo.

 Durant ce périple, l’auteur interroge nos contemporains dans ces pays. A la question ‘quelles marques a laissé l’Empereur ?’, les réponses sont éminemment variables. Cela va de la méconnaissance ou indifférence à la haine en passant par l’admiration. Les uns louent l’apport de l’amour de la Liberté et de la Patrie (Montenotte en Italie), quand d’autres déplorent le guerrier-démolisseur (Vienne), le parvenu (en Bavière), voire le ‘Hitler à nous ‘(Berlin). De manière générale, on a l’impression que l ‘empreinte laissée par Napoléon est à peine visible dans ces pays, par contraste bien entendu avec la France ou même l’Angleterre (qu’il aurait été intéressant de sonder).

 A l’occasion de son tour d’Europe, Colonna d’Istria s’interroge également sur le dessein de l’Empereur. Pourquoi cet état de guerre pratiquement incessant ? Avec quels buts stratégiques ? Pourquoi ne s’est-il pas arrêté  quand la raison commandait de le faire? Selon lui, il s’agissait ni plus ni moins que de bâtir un Empire Oriental à partir de l’Égypte (rêve fracassé à Saint-Jean d’Acre), ou encore de ‘faire l’Europe comme les rois de France avaient fait la France’ (sous domination française). Une perspective grandiose qui s’est heurtée à l’opposition constante des Anglais, soucieux de maintenir une Europe raisonnablement divisée.

 Enfin, le livre est l’occasion pour l’auteur, très érudit en geste militaire et diplomatique napoléonienne, de rafraîchir la mémoire du  lecteur sur les grandes étapes de l’Épopée et de rappeler ici et là les traits de caractère de l’Empereur (charisme, détermination, opportunisme, rapidité, sens du récit et de l’image, clientélisme…).

Points forts

 Ce livre est un rappel utile pour ceux des lecteurs qui souhaitent se remémorer les aspects militaires du premier Empire, avec sa succession de batailles célèbres, de traités vite piétinés, de changements d’alliances et de découpages territoriaux incessants. On perçoit bien le glissement des entreprises militaires, depuis la défense puis la promotion des idéaux de la Révolution française en Europe, jusqu’au remodelage du continent dans le but hasardeux de créer un ‘nouvel Empire romain’.

Les passages sur l’instrumentalisation de la guerre par le Général Bonaparte, au service de sa promotion express comme Consul puis comme Empereur des Français face à un pouvoir politique affaibli, sont également éclairants. On découvre par exemple comment les prises de guerre ou paiements d’indemnités, pas toujours restituées par Paris, ont servi le clientélisme effréné de Napoléon dans le but de créer un socle de fidèles indéfectibles qui l’ont de fait presque tous accompagné dans son épopée.

Quelques réserves

Le contenu de l’ouvrage n’est pas totalement à la hauteur de l’ambition affichée au début du livre de  ‘percer le secret  de son existence, l’horizon ultime de sa pensée, son rêve le plus fou’. On en est réduit à des explications un peu courtes et pas assez documentées sur les desseins géopolitiques. De même, le paradoxe entre d’un côté, l’hybris de l’Empereur, son tempérament ‘joueur’,  ce besoin irrépressible de poursuivre la conquête, et de l’autre sa personnalité rationnelle à l’intelligence acérée, n’est pas assez exploré.

 On aurait aimé que l’auteur approfondisse les ressorts psychologiques (pourquoi cette fuite en avant incessante, l’abandon de toute raison ?), et sociaux (que recouvre cette intériorisation d’une infériorité sociale vis à vis des dirigeants de la coalition, ce ‘cœur trop bourgeois’ et quelles en sont les conséquences ?).

 On est finalement déçu (l’auteur l’a été sûrement aussi) par l’indifférence manifestée par les européens rencontrés, par le côté folklorique des reconstitutions des batailles ou le côté barnum de certains sites historiques comme Iéna ou Waterloo. En définitive, ce voyage n’est pas de nature à nous éclairer sur le secret de Napoléon !

Enfin, on regrettera  que l’auteur se soit laissé aller à une digression elliptique et douteuse sur le fait que  les vrais vainqueurs de Waterloo seraient surtout les spéculateurs financiers, ce qui serait un invariant de l’histoire.

Encore un mot...

A défaut de percer le secret de Napoléon, ce livre interroge encore et toujours sur les objectifs  de cette guerre faite à l’Europe pendant presque 20 ans et les ressorts psychologiques et sociaux qui ont animé son promoteur.

Une phrase

 ‘Ce n’est que le soir de Lodi que je me suis cru un homme supérieur et que m’est venue l’ambition d’exécuter les grandes choses qui jusque là occupaient ma pensée comme un rêve fantastique’ (page 44)

 ‘L’homme touchait à la folie, commentera Chateaubriand, mais ses songes étaient ceux d’un esprit immense’ (page 119)

 ‘Songez que le soleil ne se couche jamais dans l’immense héritage de Charles Quint, et que j’aurai l’Empire des deux mondes… Qu’y puis-je si un excès de puissance m’entraîne à la dictature du monde ? … Ma destinée n’est pas accomplie ; je veux achever ce qui n’est qu’ébauché… Il faut que je fasse de tous les peuples de l’Europe le même peuple, et de Paris la capitale du monde.‘ (confession à Fouché reprise page 209).

L'auteur

 ‘Napoléon a toujours fait partie de mon univers familier’ dit Robert Colonna d’Istria qui raconte dans son livre avoir reçu commande d’une biographie et a dès lors éprouvé de la sympathie pour le personnage. Il s’est mis ‘à le défendre’, il continue d’être fasciné, intrigué par sa fulgurante ascension, son absence de réalisme’ .

 Robert Colonna d’Istria a d’abord mené une carrière de consultant, puis a occupé divers fonctions dans  l’Administration (Inspecteur des monuments historiques, conseiller du président de l’Assemblée de Corse) ou l’enseignement. Il est écrivain et collaborateur de diverses publications depuis 1990. 

La Corse occupe une place de choix dans ses œuvres : Histoire de la Corse (1995) ; La Corse au XX e siècle (1997) ; Mémoires de Napoléon (1998) ; Corse et Histoire de la Provence (2000) ;  la République prend le maquis (en coll., 2001) ;     

Il est aussi l’auteur de De la guerre économique (1990) ; l'Art du luxe (1991) ; Le Sénat : Enquête sur les superprivilégiés de la République (2008).

Et aussi

Napoléon Bonaparte a frôlé la mort de nombreuses fois, en particulier lorsqu'il était Premier Consul (24 décembre 1800) par la machine infernale de la rue Saint-Nicaise. Le roman de Gwenaële Robert, Never Mind, qui met en scène ce tragique événement, a été chroniqué par Anne Jouffroy.

Si vous préférez écouter en audio un chapitre consacré à l'attentat de la rue Saint-Nicaise qui mit en péril la vie de Bonaparte, lisez la chronique que Robert Haehnel a consacrée à l'ouvrage collectif (sous la direction de l'historien Patrice Gueniffey) : Les grands décisions de l'Histoire de France.

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