Le peuple contre la démocratie
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Alors qu'au sortir de la Seconde Guerre Mondiale la démocratie dite libérale semblait être définitivement implantée en Occident et devoir devenir, par un progrès politique inéluctable, le système politique du reste du monde, nous observons avec Mounk que c'est en réalité une crise de ce système qui se fait jour depuis maintenant une bonne dizaine d'années et que cette vision optimiste de progrès prophétisée par le politologue Fukuyama dans les années 90 ne semble, au moins provisoirement, plus de mise.
Ainsi Mounk part du même constat que Krastlev dans son essai « Le destin de l'Europe », dont il s'inspire pour partie, explicitement, pour proposer une analyse de la progression du populisme qui met gravement en danger notre système politique, au niveau mondial cette fois.
Points forts
- Une belle définition du populisme dans cet essai : les problèmes de notre société sont simples et les solutions pour y remédier sont simples. En bref le populisme est une vision simplificatrice rassurante et parfaite pour faire office de slogan électoraliste.
- Le constat que nos systèmes faillissent à exprimer la voix du peuple et qu'ainsi on peut comprendre l'amertume de celui-ci, amertume qui va jusqu'à s'exprimer parfois par un désir d'autoritarisme ; et c'est essentiel aujourd'hui pour un analyste de ne pas se voiler la face sur le fait que ce manque de démocratie est une des raisons essentielles de l'émergence actuelle de ce phénomène inquiétant qu'est le désir d'autoritarisme. Un autoritarisme qui porte le masque de la voix du peuple jusqu'à ce qu'il se retourne contre celui-ci.
- Mounk met bien l'accent sur le fait que c'est la « crainte » de l'avenir qui est le terreau du populisme, crainte fondée sur des problèmes de pouvoir d'achat ou de niveau de vie, sur des angoisses liées à l'identité, et amplifiée par la masse de désinformation et de de rumeurs véhiculées par les réseaux sociaux.
- Les réformes proposées prennent leurs racines dans ce qui nous parait à tous la clef du problème : l'éducation. Et Mounk de rappeler l'importance de l'éducation civique.
Quelques réserves
- Mounk décrit nos systèmes politiques occidentaux hérités des révolutions du 18ème siècle comme étant des démocraties libérales ; démocraties censées exprimer la voix du peuple, libérales en tant qu'elles ont des institutions, composées d'experts non élus (conseils constitutionnels, juges, organisations internationales etc.) qui garantissent nos libertés. Mais qu'en est-il du concept de république ? C'est comme s'il n'existait pas.
- Le traducteur a un tic d'écriture: il utilise l'expression « de sorte que » en début de phrase, plus que de raison et c'est agaçant. Dommage car la traduction est, pour le reste, plutôt bonne.
Encore un mot...
Cet essai, malgré tout optimiste, s'inscrit dans cette mouvance actuelle d'essais comme ceux de Krastlev, Ferry et Bouzou ou encore Sloterdjik, qui ne font pas simplement que poser un diagnostic mais proposent aussi un ensemble de directions voire de réformes concrètes pour que les choses progressent.
Cela change des pamphlets inféconds ou des cris d'alarmes qui ne font qu'amplifier la crainte de la population en l'avenir.
Une phrase
« Ce ne sont pas forcément les membres les plus pauvres de la société qui se sont retournés contre le système politique ; car (...) ce sont eux qui dépendent des avantages qu'il propose. De même, ce ne sont pas nécessairement les individus qui ont fait l'expérience personnelle d'une catastrophe financière. Il s'agit plutôt des groupes qui ont le plus à craindre : ceux qui vivent encore dans un certain confort matériel mais craignent profondément que l'avenir ne leur sourie pas. (...) la crainte que la population indigène cesse d'être majoritaire est tout aussi vivace dans des pays où, à première vue, il ne semble pas y avoir de raison objective pour que cela se produise à court ou moyen terme. »
L'auteur
Professeur de théorie politique à l'université Harvard, Yascha Mounk est spécialiste des gouvernements et chercheur associé du programme de réforme politique du think tank New America.
Commentaires
Le livre est passionnant, bien documenté, il fait bien ressortir la dépossession du pouvoir démocratique par des instances non élues et les problèmes que cette dérive antidémocratique pose.
Par contre la traduction est lamentable. Des contresens et surtout un mot à mot qui manifeste une méconnaissance du français et pollue la lecture de cet essai.
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