Le Patriotisme économique a-t-il un sens aujourd’hui ?
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Thème
Comme le précise dans sa préface, le président Jean-Claude Trichet : « La crise actuelle est caractérisée par une incertitude fondamentale, rarement observée, qui renforce les thèmes de la résilience économique et du développement durable …thèmes au cœur même du patriotisme économique. »
S’ agit-il alors d’ une forme «acceptable» d’un protectionnisme qui tairait son nom, dont on sait par ailleurs les ravages, ou de la fin d’une mondialisation heureuse ou encore d’une nouvelle étape d’un capitalisme à repenser ?
Ce sont ces questions que les auteurs, membres du Cercle des économistes et du Cercle Turgot, sous l’impulsion du professeur Christian de Boissieu, soulèvent dans cet essai collectif, questions à la fois essentielles et actuelles, mais aussi intrigantes et complexes, à l’image de la société contemporaine.
Ils observent notamment que, depuis la crise pandémique, le patriotisme économique connaît une certaine renaissance au sein des pays développés, mais que ce mouvement révèle la nature polémique, et aussi le caractère polysémique, du terme même de patriotisme économique, parfois assimilé à celui de protectionnisme ou de nationalisme économique.
L’ouvrage montre notamment que les nouvelles formes du patriotisme économique, social et environnemental, conduisent à un certain dépassement du patriotisme national, qui est progressivement investi par des valeurs universelles, comme la défense des droits de l’homme, la lutte contre les inégalités, la protection de la planète…
Certains paradoxes observés dans les échanges internationaux contribuent à éclairer la nature du patriotisme économique contemporain et à en expliquer la renaissance. Il se heurte à la globalisation et à l’intégration des chaînes productives, ainsi qu’à la financiarisation et à la numérisation des transactions. Il mobilise désormais toutes les parties prenantes de chaque Etat-nation. Il adapte ses pratiques et ses instruments aux leviers des réseaux sociaux. Il conjugue des formes de patriotisme à la fois d’Etat et spontané, défensif et offensif, flexible et à géométrie variable. Il passe par une appropriation du territoire conjuguant une approche globale et un enracinement local des échanges économiques. Il s’efforce ainsi de concilier les solidarités locale, nationale et universelle.
Points forts
L’ouvrage croise enfin diverses approches du patriotisme économique et en dresse une analyse critique à la fois profonde, originale et richement documentée. Avec cette interrogation de Christian de Boissieu : « Quel est le bon niveau de conception et de mise en œuvre, l’échelon national ou européen ? Et peut–on espérer enfin des progrès dans la gouvernance d’un monde qui malgré tout restera globalisé ? »
Les auteurs, tous économistes réputés, offrent des réflexions à multiples facettes, fort utiles à qui veut réfléchir sur un patriotisme économique qui éloigne la France de son angélisme commercial mais qui ne devra en aucun cas la couper du reste du monde. La ligne de crête est risquée. Tel est le défi.
Quelques réserves
Même si les analyses s’avèrent précieuses pour les passionnés d’économie, elles restent parfois un peu difficiles d’accès pour les lecteurs non familiers de ces questions.
Encore un mot...
Cet ouvrage permet aussi de prendre la mesure des processus en cours partout dans le monde : retour des frontières, recherches de plus de souveraineté, volonté pour les opinions publiques de mieux contrôler leur destin collectif.
Le grand mérite des auteurs est d’apporter des réponses non dogmatiques mais largement documentées sur un sujet qui le plus souvent s’emporte dans des passions improductives.
Une phrase
« Le début de fragmentation de l’économie mondiale -certains diraient de démondialisation- est apparu avec la guerre commerciale à épisodes multiples entre les Etats-Unis et la Chine : l’ essor d’initiatives protectionnistes, la guerre des changes, le bréxit etc .. toutes ces tendances se sont accentuées avec la crise sanitaire... ».
L'auteur
Les douze auteurs de l’ouvrage (en plus de ceux ici déjà mentionnés, citons P.A. Guigues, E. Bussière,A. Cartapanis, O Garnier, P. Geoffron, D. Lacoste, L. Rousseau, E. Vidon), tous des économistes experts, des hauts fonctionnaires et des universitaires reconnus, parmi lesquels deux membres du comité de présélection du prix Turgot, et auteurs de référence, Dominique Chesneau et Jean-Jacques Pluchart professeur émérite de la Sorbonne et vice président de l’association des anciens élèves de l’Institut de Haute Finance - IHFI-
Christian de Boissieu est un expert international dans les questions monétaires, économiques et bancaires. Il a été nommé en 2011 au sein du Collège de l’Autorité des marchés financiers.
Jean-Claude Trichet a été directeur du Trésor, gouverneur de la Banque de France, président de la Banque centrale européenne (jusqu’en 2011). Il est membre de l’Institut de France à l’Académie des sciences morales et politiques.
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