Le monde du crime sous Napoléon
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Après avoir évoqué le climat d'insécurité hérité du Directoire où troubles, violences, agressions, vols, crimes etc. sont courants et souvent impunis, Jean Tulard rappelle l'organisation des forces vouées au maintien de l'ordre (police, gendarmerie, justice) sous le Consulat et l'Empire, avant de présenter en détail le monde du désordre, passant en revue les grands criminels, les voleurs, les faux-monnayeurs, les contrebandiers, les brigands et finalement les tyrannicides, ceux qui, en grand nombre, ont voulu attenter à la vie de l'Empereur.
Comment le nouveau régime, à partir du 18 Brumaire, essaie-t-il de restaurer l'ordre et la morale? Et y est-il parvenu ? Derrière la puissance affichée, l'Empire semble avoir vu éclore une criminalité nouvelle. Jean Tulard en explique les multiples raisons : le Blocus continental génère la contrebande, les soldats démobilisés deviennent brigands, les émigrés encouragent les déstabilisateurs de tous poils...
La majorité des "affaires" évoquées puisent leur source dans les archives de la préfecture de police et ses rapports. Hélas, les archives judiciaires, elles, ont brûlé en 1871 (un grand dommage pour l'Histoire évidemment). Les Mémoires des contemporains (Bourrienne, Desmarest, Fouché, Pasquier, Moreau, Rapp, Savary et... Vidocq), les nombreuses études sur les prisons de l'époque, sur la police de Paris, et les biographies des principaux "personnages" concernés constituent également de précieux éléments pour dresser l'envers de l'épopée impériale et ses "contre-héros": les brigands.
Points forts
- Une passionnante plongée dans les bas-fonds ! l'Empire n'était donc pas que fêtes, fastes, et victoires... On s'en doutait, bien sûr, mais l'énumération impressionnante de toutes les noirceurs du régime est fascinante !
- Les personnages fameux, tels Fouché ou Savary qui adressaient quotidiennement des bulletins à l'Empereur, défilent sous nos yeux; mais aussi d'autres, oubliés ou obscurs, à commencer par la dizaine de ministres de la police qui se succédèrent entre 1796 (date de création du ministère) et 1799 (date de la nomination de Fouché). Puis on rencontre Dubois, premier préfet de police. Avec bon nombre de précisions, on apprend où sont les bureaux, comment sont réorganisés les services pour plus d'efficacité, transmis les rapports, etc. On comprend également pourquoi Paris -qui prend son essor sous Napoléon- reste sale, mal famée et dangereuse, mais on sait par les rapports de police que les autres villes de province et les campagnes où le brigandage est un fléau, ne sont pas épargnées.
- Que l'on soit familier de l'épopée napoléonienne ou pas, on reste étonné que le Maître de l'Empire ait eu tant de mal à réprimer les délits sous leurs diverses formes, même si l'application de la peine de mort allait bon train.
- Le chapitre le plus passionnant reste celui consacré aux tyrannicides, c'est à dire les criminels qui, considérant l'Empereur comme un tyran, ont jugé de leur devoir de l'éliminer. Les multiples raisons de leur geste (folie, conspiration, patriotisme...) sont parfaitement expliquées.
- Le style concis, le ton objectif, les histoires surprenantes : tout est réuni pour une lecture plaisante.
- En annexes, sont proposés des extraits des Mémoires de Vidocq, le célèbre bagnard devenu chef de la brigade de sûreté, un amusant dictionnaire de l'argot des voleurs ainsi qu'une évocation rapide de quelques affaires criminelles que la police préférait étouffer pour ne pas leur donner de l'ampleur.
Quelques réserves
Le style "rapport de police" est évidemment sec et donne à certains endroits l'impression d'une énumération à laquelle on aurait aimé voir ajoutés des commentaires supplémentaires.
Encore un mot...
Si l'on en croit la bibliographie, le sujet n'est pas vraiment nouveau, Jean Tulard lui-même l'ayant traité dans de multiples articles, notamment dans la "Revue de l'Institut Napoléon" et dans plusieurs de ses ouvrages. Mais ce qu'il nous propose ici, c'est un remarquable travail de synthèse, passionnant à découvrir.
Une phrase
"L'examen (des sources) conduit à nuancer le tableau idyllique de la France de Napoléon : l'ordre ne semble régner qu'imparfaitement... Toutefois, il faut se garder de présenter une vision apocalyptique de Paris ou des campagnes qui seraient à feu et à sang... Une autre épopée s'esquisse : c'est l'envers de la gloire impériale."
L'auteur
Jean Tulard, professeur émérite à l'Université Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des sciences morales et politiques, est reconnu comme l'un des maîtres de l'époque napoléonienne qu'il a abordée sous tous les angles, non pas en admirateur passionné mais en historien gardant son objectivité et ses distances.
La liste de ses oeuvres est si longue qu'on ne saurait toutes les mentionner. Plusieurs de ses ouvrages sont devenus des classiques; citons seulement son Napoléon ou le mythe du sauveur, reparu chez Fayard, collection Pluriel, son Dictionnaire du Consulat et de l'Empire (Fayard), son Anti-Napoléonconsacré à la légende noire de l'Empereur (Folio Histoire), et récemment son Dictionnaire amoureux de Napoléon (Pocket), ainsi que Une journée particulière de Napoléon (sur l'attentat de Staps à Schönbrunn, chez Lattès).
Ajoutons que sa passion pour le cinéma lui a valu d'être choisi comme conseiller historique de plusieurs films.
Et aussi
Evidemment concerné par le monde des criminels (mais pas que...), le fameux et terrible ministre de la Police, Fouché, est le sujet de l'excellente biographie de l'historien Emmanuel de Waresquiel. Lisez la chronique de Jean-Pierre Tirouflet.
Napoléon Bonaparte a frôlé la mort de nombreuses fois, en particulier lorsqu'il était Premier Consul, par la machine infernale de la rue Saint-Nicaise. Le roman de Gwenaële Robert, Never Mind, qui met en scène cet événement, a été chroniqué par Anne Jouffroy.
Jean d'Ormesson, de l'Académie française, a imaginé un dialogue savoureux entre le Premier Consul (Bonaparte) et le Second Consul (Cambacérès). Même si la pièce n'est plus à l'affiche au théâtre en ce mai 2021... Relisez la chronique de Jacques Paugam : La conversation.
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