La voix du peuple. Une histoire des Assemblées au Moyen Age
L'ouvrage de Michel Hébert n'est pas toujours facile à lire ni réjouissant, mais il est d'une réelle actualité. A conseiller, en particulier, à tous ceux qui se demandent quelles leçons institutionnelles tirer de l'aventure des Gilets Jaunes.
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Thème
Ce n’est pas un hasard si ce livre est publié aux PUF car c’est un cours d’anthropologie historique du Moyen Age occidental chrétien… En s’appuyant sur l’exemple de la France, de l’Angleterre, de la Catalogne, de La Pologne l’auteur fait émerger le principe que les élites et en particulier les premiers d’entre eux- le Roi en France par exemple- ont besoin de l’opinion du peuple pour appréhender sagement certains grandes valeurs du quotidien : la garantie d’une bonne justice et le consentement à l’impôt en tout premier lieu.
Afin de prévenir tout désordre populiste et toute récupération le cheminement vers les Assemblées Territoriales se fera pas à pas. Dans l’élaboration de ce que l’auteur considère comme un laboratoire de techniques de représentativité du peuple, rien ne sera laissé au hasard. Pour siéger en face du Roi et près des élites laïques ou religieuses le peuple va devoir élire des représentants qui parleront en son nom et non en leur nom propre. Les convocations à siéger seront datées avec soin, personnalisées et impératives. Le lieu de l’assemblée sera le plus souvent variable en raison du fréquent climat de guerre et de l’itinérance de la cour et des monarques .
La contrainte sur la disposition des locaux est particulièrement sévère... Pas toujours majestueux, ils devront recevoir les participants en un schéma quadrilatère ; le roi regardant d’en haut et en face les membres du peuple. La scénographie est précise. Sur les autres côtés sont réglés les problèmes importants et parfois conflictuels de préséance du clergé et de la noblesse.
On est frappé par la fréquence de ces assemblées, bientôt appelées Etats Généraux en France, et par la variété des sujets abordés, qui doivent conduire à un consensus.
Intéressant aussi le rendu des conclusions au peuple par leurs représentants .A côté du rapport froid et administratif on y trouve la langue de bois, l’auto-promotion ou la publicité régionale.
Ce grand mouvement de présence populaire constructive - loin de la simple figuration antérieure - dans les assemblées, et d'affirmation de sa valeur politique n’a été possible que par gestion très précise de la représentativité, afin que personne ne s’approprie la voix du peuple .Ce mécanisme est déjà un petit pas vers la démocratie et la représentation parlementaire qui utilisera bien d’autres ingrédients pour s’affirmer : « Les lois sont les filles des faits »
Points forts
Ils concernent le fond : Ce livre a le mérite de faire réfléchir sur le fait qu’être souverain ou monarque au Moyen Age n’était pas une sinécure. Il montre qu’à une époque où l’on était, bien loin de la monarchie absolue, confronté à des problèmes de guerre, de succession, d’épidémie, de croisades, la recherche expérimentale d’un consensus sur la gestion de L’Etat auprès d’une instance populaire participative non populiste semblait être une vraie bonne idée.
Quelques réserves
Ils concernent la forme : La lecture du premier tiers du livre a déclenché chez moi le même enthousiasme que la prise d’une cuillérée d’huile de foie de morue sans morceau de chocolat ! Une accumulation de références, d’érudition, de sémantique compliquée, de redites par rapport aux ouvrages précédents vous menant rapidement au bord de la rupture.
En étant obstiné on arrive à lire la suite, qui traite de la mise en place des assemblées, ce qui est fort intéressant mais littérairement attirant comme un polycopié d’amphithéâtre.
A l’évidence, le style universitaire, même chez meilleurs, n’a pas dépassé le style « thésard ».On est presque surpris de ne pas entendre quelqu’un, à la fin du livre, nous dire : « Parlez- moi de la Grande Charte. Vous avez deux heures…. ! »
Messieurs les universitaires donnez-nous plus de plaisir en vous lisant...
Encore un mot...
Ce livre fait montre de références médiévales impressionnantes dans son introduction, sa conclusion, ses notes de bas de page et sa bibliographie. Il s’adresse aux Médiévistes confirmés, aux étudiants en Histoire, en Science Politique, en Anthropologie et en Droit. Le lecteur « amateur » peut l’aborder , mais assis à son bureau, un crayon à la main, un dictionnaire à proximité !
Ceci étant, la comparaison avec le comportement politique actuel de notre classe dirigeante, exercice qui n’est pas recommandé par l’auteur, ne manque cependant pas de sel !
Une phrase
L’auteur parle des hésitations et refus lors des convocations:
« Des villes tirent argument de la pauvreté ou de l’état de leurs finances, des prélats et des barons se disent occupés à des affaires plus pressantes, malades, infirmes ou trop âgés pour entreprendre un voyage toujours qualifié de périlleux .Les cas ne sont pas rares. Ils sont même peut-être suffisamment fréquents pour que Jaume Callis , dans son traité sur la convocation des Cortés au début du XVème siècle, pose une règle aussi explicite qu’elle peut nous paraître cocasse :seule une maladie « au cul ou au membre viril »qui empêcherait le dignitaire d’enfourcher sa monture, peut lui donner prétexte à se faire excuser en toute légitimité ! … » Voilà du concret !
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