La silhouette de l'Humain

Osons le dire: c'est, trop souvent, du galimatias...
De
Daniel Andler
NRF Essais, Gallimard - 555 pages
Notre recommandation
2/5

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Thème

Pour beaucoup, le naturalisme est un mouvement littéraire. Celui qui suit le réalisme. Celui qui a fait de l'œuvre Zola une première observation "naturelle" et sans artifice de la société de son temps. 

En philosophie, c'est pas du tout cela. C'est le point de vue selon lequel rien ne peut exister et ne peut être pensé qui ne soit naturel, que rien ne peut être appris en dehors des lois de la nature, que rien ne peut être compris en dehors de l'état de la science du moment. Ou peut être pas. Ou partiellement.  Ou franchement pas du tout. 

Ce livre explore ces points de vue aux prismes de la philosophie des sciences (l'épistémologie) et de l'ontologie (la réflexion sur la nature de "l'être"). Il nourrit le débat sur ce qui fait la nature de la connaissance et de fait, la nature de l'homme (d’où le titre La Silhouette de l'humain).

Points forts

1- Philosophie et sciences, voici un couple fertile. La Philosophie interroge la science et la science nourrit la réflexion philosophique. Une réflexion sur les interactions entre sciences, conscience, nouvelles sciences cognitives, décryptage du vivant, sur les déterminismes qu'ils induisent, est un sujet incontestablement important aujourd'hui.

2- Comme tout ouvrage universitaire digne de ce nom, il est très richement documenté. Les 404 pages de texte sont suivies de 140 pages de références bibliographiques dont  88 pages de renvois de notes !

3- Si vous n'aviez qu'un chapitre à lire, lisez celui sur les neurosciences. Appuyé sur des exemples et des recherches concrètes, il est un peu plus accessible que le reste de l'ouvrage tout en vous donnant une image assez fidèle de l'ensemble.

Quelques réserves

1- Ce livre laissait espérer de faire la lumière sur le débat autour des sciences et du vivant, je suis resté dans le noir. La narration des controverses, des débats d'écoles, de méthode, de changements de paradigmes, dans un langage et des concepts souvent inaccessibles au commun des mortels, m'a semblé vaine.

2 - Daniel Andler ne nous épargne rien des tenants et aboutissants de la question "de la place du naturalisme dans le monde d'aujourd'hui". Résultat : on décroche. 

3- Clairement "touffu", cet ouvrage est écrit pour des ultra-spécialistes. Je souscrirai à la future édition du naturalisme "pour les nuls" !

Encore un mot...

Laisser croire que ce livre serait accessible au grand public serait une erreur. Cela ne lui retire pas ses qualités intrinsèques, mais le destine à un public plus que très averti. Je saluais dans une précédente chronique le plaisir, la dernière page d'un ouvrage tournée, de se sentir plus intelligent. A ma modeste échelle, c'est tout à fait le contraire qui s'est produit.

Je confesse mes limites, mais Cioran, cité par Luc Ferry me réconforte un peu ": "Je crois qu'en philosophie, il n'est pas nécessaire d'inventer sans cesse des mots nouveaux, des termes techniques... Tout au contraire, cette technicisation est le grand danger de la philosophie universitaire, et c'est ce qui l'éloigne des choses."

Une phrase

"Il se pourrait que toute notre connaissance fut sur le modèle de notre connaissance de la nature(E) et que néanmoins il existât des entités non naturelles (non O) ; et aussi que parmi ces entités figurât précisément le processus de connaissance (non EN). Il se pourrait que ce dernier fut naturel (EN), sans que tout le soit (non O) et sans que toute cette connaissance s'alignât sur le modèle de la connaissance de la nature (non E). Mais savons nous ce qu'est la nature ?"....

Si l'on peut saluer le rarissime emploi de l'imparfait du subjonctif,  un tel exposé, en page 43, peut en décourager plus d'un...

L'auteur

Daniel Andler est un mathématicien converti à la philosophie. Ce professeur d'université, dans sa période mathématique, a enseigné à Orsay ; dans son parcours philosophique, il a rejoint la Sorbonne et y occupe la chaire de philosophie des sciences et théorie de la connaissance. Il a fait de la philosophie des sciences et de l'étude des sciences cognitives ses spécialités. Il anime ou participe, à ce titre, à de nombreuses sociétés savantes.

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