La Russie de demain, à la lumière de son histoire littéraire

Un vade-mecum court et clair sur les grands écrivains russes
De
Gilles Cosson
Editions de Paris Max Chaleil
Parution le 15 avril 2024
73 pages
10 euros
Notre recommandation
3/5

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Thème

La langue, on le sait, est une patrie. Mais dans les grands pays, comme la Russie, elle est aussi un instrument de puissance. Dans cet essai, Gilles Cosson nous rappelle que le centralisme linguistique imposé par Moscou - le russe comme langue administrative -  a permis de contrecarrer les velléités d'autonomie de certaines régions de l' Empire. Ainsi au XIXe siècle, la conquête du Caucase va rendre obligatoire l' usage du russe. Rapport émotionnel à la langue, rapport politique. Plus près de nous, en 2014, la remise en cause par Kiev du statut officiel du russe dans les provinces russophones de l' Ukraine va faire office de chiffon rouge pour Poutine. 

Mais que peut la littérature face à l' autocratie? Pour l' auteur, progressivement, de grands écrivains, comme Pouchkine, Tourgueniev ou Gogol, vont affirmer leur autonomie par rapport au pouvoir. Critique d' un système absurde et corrompu sans remise en cause, jamais, de la figure du tsar. La matrice de leur œuvre célèbre la foi simple, profonde, mystique du peuple russe. Tolstoi écrit Gilles Cosson, rend hommage " au courage et à la sérénité des moujiks face à la mort ”. 

Les premiers coups de boutoir sont assénés par les anarchistes et les marxistes. Désormais, le tsar Nicolas II n' est plus intouchable... Même le peuple idéalisé dans l' imaginaire russe est peint, comme chez Bounine ou Dostoïevski, sous des traits négatifs : cupidité, paresse, veulerie. Critique du système, liberté de conscience vite étouffée par la main de fer de Staline. Ossip Mandelstam est déporté et plus tard Boris Pasternak prend le chemin de l' exil. 

Et aujourd'hui ? La passivité légendaire du peuple russe (ou sa formidable endurance), le contrôle accru du régime sur les esprits ne permettent pas aux écrivains de jouer un rôle actif en politique. Et puis à quoi bon ? Nitchevo (rien) disent les Russes face à la fatalité. Près de 10 ans avant la guerre en Ukraine pourtant, Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature en 2015, écrivait dans La fin de l' homme rouge : " A quoi bon tous ces sacrifices, tous ces morts, toutes ces guerres, s' il n' y a plus, à l' horizon, ni croyances ni grandeur? " 

Points forts

  •  Un vade- mecum court et clair qui recense les grands auteurs et restitue leurs courants de pensée. 

  •  Un éclairage historique précis émaillé de citations intéressantes tirées des œuvres choisies. 

Quelques réserves

D' emblée l' auteur situe son propos et évoque " une analyse dépassionnée." Certes, mais le propos manque parfois de chair et de vie. 

Des passages trop courts sur les géants de la littérature russe. Dans un pays qui mêle tour à tour le trop chaud et le trop froid, le matériau de cet essai semble parfois un peu tiède. 

Encore un mot...

  • La terre, la langue, l'orthodoxie, autant d' éléments constitutifs d' une forme d' identité russe. Le mérite de l' auteur est de mettre en lumière cette grande langue de communication et de culture, hélas rejetée, depuis la fin de l' URSS par de nombreux États annexés autrefois par le pouvoir communiste. L' érudition de l' auteur transparaît à chaque page et l'on attend bientôt un ouvrage plus charpenté... 
  • Nous publions le même jour une autre chronique de Pascal Verdeau sur la Russie : Père Patrie, de Jean-Robert Jouanny.

Une phrase

“ Face à cette constatation, il convient de redire que la Russie a  toujours eu besoin d' une autorité forte pour combattre la tendance de l' Empire à la désorganisation : un Empire, rappelons- le, qui rassemble des peuples très divers aspirant à leur autonomie et qui règne sur un espace géographique gigantesque.” Page 48 

L'auteur

Après une carrière dans les milieux industriel et économique, Gilles Cosson a déjà signé une vingtaine de livres. Son œuvre évoque les réactions de l' individu face aux aléas de l' histoire. 

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