La rafle des notables

Magnifique témoignage sur un camp de concentration méconnu, celui de Royallieu, réservé aux juifs pendant la guerre de 1940
De
Anne Sinclair
Editions Grasset,
123 pages,
13 euros
Notre recommandation
4/5

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Thème

"Cette histoire me hante depuis l'enfance". Par ces mots, l'auteur nous explique pourquoi elle s'est lancée dans ce devoir de mémoire et est partie sur les traces de son grand-père paternel, Léonce Schwartz qui, comme quelques 743 autres notables, fut arrêté à l'aube du 12 décembre 1941. Il fut amené au camp de Royallieu-Compiègne où il entama sa descente en enfer.

Points forts

- Anne Sinclair, avec sa bienveillance et sa douceur coutumières, nous relate cet épisode de la vie de son aïeul et les immenses dégâts provoqués par un malade utopique dont la folie meurtrière a laminé la France. La volonté de neutralité de l'auteur rend encore plus poignant le quotidien de ces hommes, ravalés au niveau de "déchet" par leurs geôliers.

- Ce récit est un magnifique documentaire sur cette période terrifiante où chacun fait preuve de ressources insoupçonnées pour simplement survivre.

- L'existence même de ce camp de Royallieu-Compiègne, exclusivement réservé aux juifs, m'était parfaitement inconnue jusqu'ici. Ce camp a été baptisé par le fils de Tristan Bernard, François Bernard, "camp de la mort lente" : le grand froid, les tourments, la faim obsédante et les maladies épuisaient les hommes peu à peu.Le refus de ceux-ci de lâcher prise et de se laisser abattre force le respect et l'admiration. Combien les journées sont longues lorsque l'on souffre. Anne Sinclair (qui a pris le nom de code de son père pendant la guerre) parle même d'une "effrayante parenthèse moyenâgeuse en plein XXème siècle" (p. 43).

Quelques réserves

- Ce serait mal venu pour si peu de feuillets...

Encore un mot...

L'auteur nous livre ici un témoignage sur les juifs internés à Royallieu. Pour que la rafle soit justifiée auprès de Berlin, il fallait atteindre le chiffre de 1000 juifs. Comme les notables n'étaient qu'au nombre de 743, les allemands ont fait venir de Drancy 300 juifs étrangers pour compléter la cohorte. Anne Sinclair avait déjà évoqué son grand-père maternel dans un ouvrage précédent, 21 rue La Boétie. Avec élégance, elle nous offre une page d'histoire, dûment documentée, au cours de laquelle elle rend un hommage collégial à tous ces hommes dont beaucoup ne sont pas revenus de ce camp.

Une phrase

La conclusion, p. 122 :

"Léonce restera donc comme une ombre qui passe dans ce récit. Mais l'effort pour retrouver sa trace durant ces mois de 1941-1942 m'aura permis d'entrer par effraction dans une tragédie déchirante et mal connue, et me donner la volonté d'en transmettre le récit à mes enfants et petits-enfants."

L'auteur

Anne Sinclair (1948, New York) est une journaliste de haut vol. Elle a marqué son passage à la télévision par son magazine politique renommé  "7 sur 7", plébiscité par les français jusqu'à sa dernière émission, en 1997. Elle a également animé "Questions à Domicile".

Elle a publié plusieurs ouvrages : "Une année particulière" (1982), "Deux ou trois choses que je sais d'eux" (1997), "21 rue La Boétie" (2012) et "Chronique d'une France blessée" (2017).

Elle est actuellement directrice éditoriale du site Internet "Huffington Post".

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