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3/5
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Thème
La politesse raconte le parcours rocambolesque d'un écrivain confirmé mais qui doute, ironisant sans cesse sur sa triste condition, en butte aux sarcasmes des uns, à la vacuité intellectuelle des autres, au snobisme de tous. Balloté d'une émission littéraire à une séance de dédicaces dans un Salon du Livre en province profonde, d'une inauguration d'une polythèque (!) à une confrontation désolante avec des élèves de CM2, le héros (j'allais dire Bégaudeau) se livre à une chronique acide du petit monde des lettres, du champ littéraire médiatique, bref d'un milieu qui s'intéresse à tout ce qu'on veut (boire, manger, paraître, pérorer...), sauf aux livres et aux écrivains.
Les gens - critiques, écrivains, étudiants- disent aimer les livres de l'auteur mais ne les ont jamais lus.
Selon Bégaudeau, tous les écrivains sont logés à la même enseigne. Il y a donc dans" la Politesse" quelque chose qui ressemble à du désespoir mais qui surtout est férocement drôle, au moins dans sa première partie (qui dure 10 ans et 200 pages).
Dans une deuxième partie (on est projeté en 2022), l'auteur se livre à une réflexion anticipatrice sur un monde littéraire de fiction où les professionnels auraient disparu et laissé la place à un univers de lecteurs-auteurs où chacun pourrait raconter sa vie, s'aidant d'un écrivain certes, mais seulement pour la mise en forme.
"La Politesse" propose ainsi de faire disparaître la fracture entre écrivains-non écrivains et de permettre à tout un chacun de travailler sur soi-même. On peut penser à Roland Barthes qui estimait que la littérature devait céder la place à l'auto-écriture de chacun. C'est là tout le sens du titre : la vraie politesse, c'est le contraire de "laisser la parole aux autres... pour ne rien dire", par souci... de politesse justement.
Points forts
1/ C'est extraordinairement drôle.
La satire du petit monde médiatico-culturel au vitriol est jubilatoire. Situations cocasses, auteurs célèbres mais désemparés, chroniqueurs fats et nombrilistes, débats dérisoires... Chaque page donne l'occasion de se réjouir en toute complicité, car tout ce qui est écrit est vrai ou sonne vrai.
2/ C'est saisissant de réalisme...et de cynisme cruel et ravageur.
L'ouvrage est truffé d'aphorismes souvent terrifiants. Exemple: " Ce qui intéresse les critiques ce n'est pas de lire des livres mais d'essayer d'en écrire" ou encore, ce paradoxe : "Les écrivains on les lit, pas leurs livres".D'ailleurs, il suffit que l'on rencontre un écrivain pour se croire capable d'écrire un livre à succès. N'est ce pas?
3/L'écriture
Style décapant, phrases courtes et incisives, absence de ponctuation, on écrit comme on parle (ou comme on filme..) On aime ou on n'aime pas. Nous on aime.
Quelques réserves
1/ Deux parties très inégales
Autant la première partie, satirique, - on pense aux Femmes Savantes -, foisonnant de situations et de métaphores délirantes, mérite qu'on s'y attarde, autant la seconde - sorte de programme politique pour une éducation populaire, assortie de créations "participatives" (!), fondées sur le partage démocratique - n'accroche pas. Malgré quelques idées originales, telle celle consistant à créer un SAS de lecture, le thème final paraît ressassé. Il relève, semble-t-il, d'une dialectique syndicale, pour ou contre, que l'on n'a pas envie de suivre ici.
Et puis, pas de chance pour la science-fiction et la vision "apocalyptique" de 2022, Michel Houellebecq est déjà passé par là...
2/ Le sujet n'est pas d'intérêt général
"La Politesse" est un livre pour "amateurs éclairés" qui, étant revenus de tout, se complairaient dans l'observation de ce marigot médiatique. La soumission des écrivains au monde médiatique a quelque chose de tragique, certes, mais ne bouleversera pas le lecteur. Certains penseront même que c'est un non- sujet. (Qu'en pense Beigbeider?)
3/ L'abus du " name dropping"
Ils sont tous là ou ils sont annoncés à chaque page ; de Foenkinos à Lorent Deutsch, d'Emmanuel Carrère à Jean d'O, jusqu'à Dabadie, Darcos ou même Ruquier... Entendu dans un salon du livre à Brest (ou Landerneau !) : "On les attend, ils arrivent, vous ne les avez pas vus ..?" Quel suspense. Ne manque que l'auteure de "Merci pour ce...". Cela amuse un moment mais ça finit par lasser.
Encore un mot...
Féroce et.... futile
L'auteur
François Bégaudeau est un auteur multi- facettes et atypique. Ecrivain, scénariste, grand pédagogue du sport et amateur de musique punk rock (chanteur et parolier), il est aussi homme de théâtre à succès ("Le problème") et critique de cinéma (Les Cahiers du Cinéma, Le Cercle..). L'auteur de LA POLITESSE, agrégé de Lettres Modernes et ancien enseignant, en est à son 18ème ouvrage, a à peine 45 ans ! Ses trois romans phares sont "Entre les murs" (avec le scénario du film éponyme, Palme d'Or à Cannes), "Vers la douceur" et "La blessure, la vraie" qui devrait être également porté à l'écran.
Auteur prolifique, chouchou des médias, François Bégaudeau se réclame, et ce n'est pas contradictoire, d'une pensée libertaire !
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Vaut pour sa première partie, aussi drôle que féroce
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