La passion de la Méchanceté sur un prétendu divin marquis
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Thème
Le titre du livre de Michel Onfray est inversé. Ce devrait être « Sur un prétendu divin marquis » en titre et pas en sous-titre, car c’est bien de Sade qu’il s’agit et pas d’un ouvrage sur le mal ou la méchanceté.
Onfray démontre sans trop de difficulté que Sade fut un monstre, un violeur pédophile, antiféministe et une brute sanguinaire, ayant passé 13 ans en prison sur les 74 qu’il a vécus (1740-1814).
Difficile à contester.
Et pourtant la célébration du divin marquis n’a eu de cesse depuis 120 ans.
Pour notre auteur, c’est la faute de Guillaume Apollinaire ; auteur d’une anthologie bourrée de contre-vérités répétées bêtement depuis sa parution, de Jean-Jacques Pauvert à Roland Barthes en passant par Bataille, Lacan et Foucault.
Michel Onfray tire à vue, sans sommation, sur tous les hagiographes de Sade; seul Sollers passe presque au travers.
S’il est difficile de ne pas le suivre sur la vie réelle de Sade qui fut très certainement un pornographe « sadique », on a plus de mal à faire de Sade, comme Onfray le soutient, un machiavélique partisan de la peine de mort ou un féodal convaincu, en utilisant tel ou telle correspondance ou un propos de l’un de ses personnages qui n’est pas obligatoirement le reflet de sa pensée. Tout est bon pour conforter la démonstration, au point de l’affaiblir. Et même si c’était vrai, quel rapport avec l’œuvre de Sade ?
Avec leur part de vérité, les chapitres sur Bataille et Foucault sont particulièrement violents, au point de laisser transparaître un certain sadisme… Onfray n’a jamais porté dans son cœur les totems universitaires.
Points forts
La glorification post soixante-huitarde du divin marquis, emprunte de surréalisme et de structuralisme, est ramenée dans la glaise normande, sans précaution.
Quelques réserves
Michel Onfray ne cherche pas à percer les mystères des « rapports » entre sexualité, violence, pouvoir, argent, domination, souffrance et plaisir que Sade a été le premier à mettre « à nu ».
Et pourtant cette question est d’actualité en politique, comme sur internet, alors même que le lien entre amour, sexualité et procréation est ringardisé à souhait.
On pourrait aussi conseiller à Michel Onfray de lire ou relire « Contre Sainte Beuve », de Proust, car un génie peut être un salaud en littérature comme en philosophie : Céline, Heidegger ….
Ajoutons qu’au-delà de l’argumentation manichéenne, le style d’Onfray est, comme à son habitude, clair et pédagogique, mais que ce livre souffre d’une écriture un peu bâclée.
Encore un mot...
Conseillons donc ce livre à ceux qui ont des doutes sur l’immoralité de Sade ou bien à ceux qui prendront plaisir à voir Bataille ou Foucault en position difficile.
L'auteur
Né en 1959 d’un père ouvrier agricole et d’une mère femme de ménage, Michel Onfray est « pris en charge » de 10 ans à 14 ans dans un orphelinat catholique.
À 28 ans, il frôle la mort lors d'un infarctus. Quelques années plus tard, il contracte un AVC qui l'empêche d'écrire et provoque un nouvel accident cardiaque.
En 2013, sa compagne Marie-Claude Ruel décède des suites d'un cancer.
Michel Onfray a enseigné la philosophie au lycée technique privé catholique Sainte-Ursule de Caen, de 1983 à 2002. Critiquant l’enseignement de la philosophie qu’il juge limité à la transmission d'une histoire officielle et conforme à l'ordre social, il démissionne en 2002 de l’enseignement catholique. Il crée alors l’université populaire de Caen, qu'il veut libertaire et gratuite. Il en écrit le manifeste en 2004 : La Communauté philosophique.
Faisant le choix délibéré de la province, il implante donc son université dans sa région d'origine, où il organise chaque année le séminaire de philosophie hédoniste, qui constitue le corps de son projet de contre-histoire de la philosophie.
Ses cours d'histoire de la philosophie sont diffusés chaque été sur France Culture.
Michel Onfray propose un enseignement renouvelé passant par la lecture des auteurs plutôt que par ce qu’on en a dit. Il se revendique d'une lignée d'intellectuels proches du courant libertaire, parmi lesquels les philosophes cyniques. Il se réclame de l'héritage intellectuel Nietzsche, La Mettrie et Aristippe de Cyrène qui ont en commun, dans une certaine mesure, d'inviter à une ascèse hédoniste (un plaisir est mauvais s'il est suivi d'un déplaisir plus important, ou d'un trouble).
Michel Onfray emprunte à la pensée nietzschéenne sa vision de l'Occident, de la morale, et sa critique violente du christianisme; et se réclame également du courant libertaire postanarchiste.
Après sa contre-histoire de la philosophie, avec dernièrement une violente attaque de Freud et de la psychanalyse, Michel Onfray poursuit sa contre-histoire de la littérature en s’attaquant à Sade, après Cervantès.
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