
Histoire de la Syrie, de 1918 à nos jours
Parution le 9 janvier 2025
432 pages
11 €
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Thème
Juste après la chute du régime de Bachar al-Assad, Xavier Baron re-publie, à point nommé, une histoire de la Syrie. Il a choisi comme point de départ l’année 1918, celle de la victoire des pays d’Europe Occidentale sur les Empires centraux et sur la Turquie. La Porte, comme on l’appelait à l’époque, contrôlait le Moyen Orient jusqu’à la mer rouge et le golf persique. La France, traditionnelle défenseur des minorités chrétiennes, et l’Angleterre, attachée à la maîtrise du canal de Suez, axe vital pour rejoindre l’Inde, décident de se partager la tutelle du Levant. C’est le fameux accord Sykes-Picot qui définit les zones d’influence des deux puissances.
Depuis cette époque, la Syrie a traversé des zones de turbulence que l’auteur relate avec brio, en décrivant l’évolution du mandat français jusqu’à la fin de la guerre en 1945, l’indépendance du pays et la prise de pouvoir par le clan Assad en 1970, jusqu’à sa chute en 2025. On connaît la fameuse phrase du général de Gaulle dans ses mémoires de guerre: « Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples. » Rien dans le propos de notre auteur ne vient démentir cette assertion.
Points forts
Assis sur une érudition bâtie au fil d’années d’observation du Levant, l’auteur donne une vision précise et documentée de l’évolution du pays.
Malgré le flot de détails dans lequel le lecteur pourrait se perdre, il fait apparaître deux éléments cruciaux qui ont façonné la Syrie au cours de la période qu’il analyse: la frustration du pays après la guerre, en 1918, et l’extrême complexité d’une nation éclatée.
C’est en effet à l’émir Fayçal, chef de la dynastie hachémite que l’Angleterre avait promis la souveraineté sur l’ensemble du Moyen Orient. Cette promesse est battue en brèche par l’accord franco-britannique, ce qui induit un ressentiment considérable.
D’autre part la Syrie abrite des religions diverses qui sont largement incompatibles: les musulmans sunnites, qui constituent la grande majorité de la population; les Alaouites, une branche dissidente du Chiisme, méprisée et vouée à l’enfer par les Sunnites; les Druzes, réfugiés dans la montagne; les Chrétiens; les Kurdes qui sont comme les Druzes à la recherche de leur autonomie politique.
La cohabitation de ces groupes religieux, chacun réfugié sur son territoire, est d’autant plus difficile que l’Islam n’est pas la religion la plus tolérante. Chacun redoute les exactions des autres groupes et notamment du groupe majoritaire sunnite, dont une partie est traversée par la doctrine des Frères musulmans; d’où la nécessité d’un pouvoir fort qui écrase les velléités de guerre civile. La confiscation du pouvoir central par le clan Assad, alaouite, à partir de 1970, répond largement à cette problématique.
L’auteur nous éclaire également sur la naissance du parti Baas, d’où sont issus les al-Assad, étonnant mélange de laïcisme et d’Islam, fondé par trois personnages de confessions différentes, dont un chrétien.
Il serait très réducteur de résumer l’exposé que présente Xavier Baron sur les cinquante dernières années, marquées par la guerre larvée avec Israël, l’attitude de Hafez al-Assad vis à vis des Palestiniens et ses effets corollaires sur la relation Syrio-libanaise, le rôle de l’Iran et du Hezbollah. Il décrit par le menu les tentatives de paix, explique les événements du Liban…
Enfin il souligne le rôle capital de l’armée, tenue par la famille Assad et ses proches, dans le maintien de la cohésion du système. Tout ceci concourt à expliquer comment, en 2011 la guerre civile a éclaté et comment elle a pu perdurer aussi longtemps, détruisant l’économie du pays, dont la reconstruction serait évaluée à 500 milliards de dollars.
Cela explique aussi pourquoi le pouvoir s’est effondré aussi brutalement lorsque les soutiens externes se sont évanouis: les Russes en Ukraine, le Hezbollah pansant ses plaies au Liban, l’Iran délaissant progressivement la partie, l’économie ruinée et l’armée mal payée, mal équipée et démoralisée.
Quelques réserves
Les cartes disponibles en fin de volume sont utiles, mais le lecteur aimerait en disposer tout au long de l’exposé. Par ailleurs, l’auteur fournit une pléthore de noms que le lecteur oublie instantanément. Mais c’est probablement une des lois de l’exercice.
Encore un mot...
Une remarquable analyse de la situation syrienne qui donne de multiples clés pour comprendre aussi bien la géopolitique du Proche Orient, que la guerre civile syrienne commencée en 2011 et la chute météoritique de Bachar al-Assad. L’ouvrage constitue une base de réflexion, une excellente grille de lecture, pour comprendre la suite des évènements.
Une phrase
« Les pays occidentaux ont considéré, à tort, qu’après la Libye, la Tunisie, et l’Egypte, le tour était naturellement venu pour Bachar al-Assad de disparaître rapidement de la scène politique, sans apprécier que la Syrie est une fragile mosaïque de communautés et de religions et que de nombreux facteurs internes, régionaux et internationaux entremêlés imposent d’agir avec beaucoup plus de clairvoyance qu’ailleurs. La vision européocentriste et manichéenne de la situation, conduisant à ne voir dans le conflit syrien que les bons d’un côté et les méchants de l’autre, est loin de la réalité syrienne. » Pages 346-47
L'auteur
Xavier Baron fut le directeur de l’AFP pour le Moyen Orient. À ce titre, il a suivi l’évolution de ces pays sur la durée. Il a publié de nombreux ouvrages sur la région et les drames qu‘elle traverse, depuis Les Palestiniens: un peuple, en 1977, jusqu’à cette Histoire de la Syrie, en 2025, en passant par de nombreux textes de référence sur le Liban.
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