La Littérature Ça Paye !

Lire pour être plus vivant
De
Antoine Compagnon
Equateurs /Humensis
Parution en septembre 2024
186 pages
18 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

La lecture est-elle devenue une activité parfaitement anachronique ? 

J' ose à peine écrire ce mot d'activité et voilà déjà que j' hésite, je bafouille, je rétropédale, car je mesure aussitôt ma vanité et mon ignorance. S' il faut à tout prix parler d' activité au sens économique ou lucrative du terme, alors soit, j' ai tout faux. Le propos est hors copie.

 De son côté, le professeur Antoine Compagnon écarte cette question d' une pichenette : la plupart des écrivains, dit- il, " tirent le diable par la queue."  Selon un rapport ancien du ministère de la culture, 15% des auteurs perçoivent plus de 9000 euros annuels de droits d' auteur. Au passage, notre académicien qui passe ses vacances d' été avec Colette, Montaigne ou  Baudelaire, nous rappelle que ce dernier a vécu à la cloche de bois. Tiens, voilà encore une image, un brin surannée mais qui va peut-être pousser nos jeunes lecteurs à se ruer sur un dictionnaire?  

C' est d' abord à eux que s' adresse Compagnon. Le combat est délicat  : à l'heure de la grande vitesse, du zapping et des réseaux sociaux, la lecture a besoin de lenteur. Écrire un premier roman aujourd'hui, remarque Compagnon, " nécessite autant d' heures de travail qu' à l' époque de Flaubert." Lenteur, travail intellectuel et physique, bref nous sommes loin de l' air du temps. Et si vous songez au progrès, “ oubliez donc vos illusions” nous lance l' auteur : la technique ne permettra pas d' accélérer le processus de l' acte d' écrire. De la plume de fer à la plume d' oie , en passant par le stylo bille ou l' ordinateur, la technique est une béquille, mais le corps du texte reste à bâtir. 

Mais alors à quoi sert la littérature ? Quelle est son utilité ? Procès instruit à charge et à décharge par l'académicien Antoine Compagnon. A la barre, et à l'offensive, Philippe Djian enfonce le clou: "la littérature ça sert d' abord à traverser la rue. Pas à rester dans son lit ou son fauteuil. “Suivons le guide, affirme  Djian, par exemple ce cher Céline, qui nous aide à traverser la rue et la vie”. Côté défense, Compagnon convoque Proust et réplique  : “la littérature ne nous éloigne pas du monde, au contraire, elle nous fait retourner au monde.” 

Débat infini, aussi ancien que la littérature...

Points forts

  • Des chapitres clairs, courts, qui ouvrent de nombreuses pistes de réflexion : comment réhabiliter la culture générale dans l' enseignement universitaire, en quoi  la littérature peut elle être bénéfique pour les matheux ou futurs analystes financiers et finalement, quel est ce mystérieux avantage comparatif de la lecture qui fait (données statistiques à l' appui ) que les grands lecteurs réussissent mieux dans la vie que les non- lecteurs ? 

  • Un essai incarné qui devrait parler aux adolescents : lisez pour votre plaisir et lisez tout ce qui vous tombera  sous la main. Perdez -vous dans un livre, égarez- vous, tous les chemins du savoir et de l'émotion vous appartiennent... 

Quelques réserves

Ça et là, surtout vers la fin de l' essai, Compagnon jargonne un peu. Chassez l' universitaire, il revient au galop dans votre encrier. 

Encore un mot...

Un petit essai à compléter par la lettre du pape François Louée soit la lecture. Dans ce plaidoyer destiné à la maturation des prêtres (et à tous les  lecteurs)  le pape écrit que “la littérature éveille notre sens moral et nous fait entrer dans l'abysse de l' âme humaine”.  Pour le pape François, il faut s' entraîner à la lecture car la littérature est un " gymnase du discernement".  

A chacun sa définition de la littérature, écoutons celle de Pascal Quignard: "lire c' est errer. La lecture demande du silence, du temps de s'ouvrir, pas de s'étourdir." ( Les Jours Heureux)

Une phrase

“ Je lisais cette nuit- là Le Rouge et le Noir dans une maisonnée silencieuse. J' avais quatorze ans; je lisais le roman de Stendhal dans un état d' excitation quasi érotique. Je découvrais les ressorts de l' amour et du pouvoir. Qu'y a- t- il de plus important ?” (page 106) 

L'auteur

 Né à Bruxelles en 1950, Antoine Compagnon est écrivain, critique littéraire et académicien français. Spécialiste de Proust, il a été professeur au Collège de France. Il a enseigné également à l' université Columbia à New York. Il a reçu de nombreuses distinctions littéraires : prix Guizot de l'Académie française et prix de la critique, prix Claude Levi- Strauss. Ses essais, Un été avec ProustMontaigne ou Pascal enregistrés et relayés par une  radio publique ont connu de larges audiences. 

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