La guerre à l'ère de l'intelligence artificielle
Parution le 16 octobre 2024
344 pages
18 €
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Thème
Cet essai poursuit un propos politique, celui d'imposer aux belligérants, quels qu'ils soient, que leur recours à la force armée soit régulé, c'est-à-dire soumis à des normes juridiques supérieures à celles que chacun des belligérants se fixe à lui-même.
Il s'ordonne en quatre parties, chacune comprenant deux chapitres :
La première partie (Penser le contrôle de la force) décrit l'objet, la nature et la variété des normes admises jusqu'à présent et de « l'art » qui pourrait élargir ces normes à l'avenir, notamment lorsque les armements sont mis en œuvre par une machine, plutôt que par des soldats, voire par un algorithme plutôt sur ordre direct d'un commandement militaire.
La seconde partie porte sur Le contrôle humain de la force (armée) ce qui impliquerait, si l'on suit le raisonnement de Mme de Roucy-Rochegonde : d'une part que tout acte létal émane d'un soldat et non d'une machine ; et, d'autre part, que de tels actes engagent la responsabilité de quelqu'un, homme de rang ou généralissime, selon le cas et la magnitude d'un tel engagement.
D'une tout autre nature, le contrôle des autorités politiques sur l'emploi de la force armée est examiné dans la troisième partie du livre (Contrôle politique de la force) où se juxtaposent des considérations hétéroclites : sur l'opinion publique, le jeu des lobbies, les tabous de la science-fiction etc. Toutes considérations dont le « fil commun » paraîtra ténu à quiconque connaît les conditions opérationnelles réelles ; concernant la légitimité et les conditions d'emploi de la force armée par l'autorité politique et par ses relais, administratifs et militaires, l'exposé est trop abstrait pour qu'un quelconque « contrôle de la force » puisse raisonnablement s'en déduire!
- C'est dans la quatrième et dernière partie (Contrôle international de la force armée) qu'apparaît finalement le vrai propos du livre ; on y lit tour à tour des attendus classiques sur la dissuasion et sur le rapport des force entre grandes puissances ; et des références aux velléités, répétées mais rarement appliquées, des conventions inspirées par l'universalisme des Nations-unies (ainsi que par la diplomatie américaine) depuis l'armistice de 1945 !
Points forts
Bien présenté et pratiquement exempt de coquilles, cet essai comporte le dispositif habituel d'un travail universitaire, à l'exception de l'index dont l'édition française tend à se passer, par économie, sans doute !
Quelques réserves
Le titre de ce livre est mal venu car ni l'intelligence artificielle ni même la guerre n'y sont abordés comme tels ! Imprimé en petits caractères sur la couverture, le sous-titre : Quand les machines prennent les armes évoque seulement, mais d'assez loin, ce qui devient explicite à la toute dernière page (p. 332) :« Cet ouvrage nous a permis de développer une analyse approfondie des conséquences néfastes de l'autonomisation des systèmes d'armes sur le contrôle de la force ». C'est donc bien là le propos de Mme de Roucy-Rochegonde dont les enseignements portent d'ailleurs sur l'éthique de la guerre et non sur la guerre proprement dite !
Plus mineur : l'emploi constant d'acronymes et de nombreuses abréviations dont s'abreuvent les experts internationaux, perturbe ceux qui ne partagent pas la vie quotidienne des Nations Unies et des multiples organisations non-gouvernementales qui sont désormais « parties prenantes » des forums internationaux. A minima ces sigles auraient dû être explicités en annexe, usage commun des publications académiques !
Encore un mot...
Mot-valise (qui sera probablement bientôt remplacé par d'autres) l'intelligence artificielle conditionne moins la guerre que le croient ceux qui ne l'ont jamais faite ! Robotisées ou non, les armes tirent parti des techniques qui peuvent aider au succès d'un belligérant ; mais le renseignement et les soldats, ainsi que l'habileté et l'intelligence des États-majors et leurs moyens matériels, intellectuels et logistiques n'ont jamais eu autant de poids qu’aujourd’hui : la guerre d'Ukraine l'illustre avec force. Ce livre qui puise pourtant dans de nombreuses sources américaines bien informées, aurait pu l'évoquer !
Une phrase
- p.28 [une réflexion déroutante pour quiconque s'intéresse à la guerre :]
« Les armes autonomes sont d'une complexité sans précédent pour les sciences sociales (sic) » ! - p. 151 [formule contre-factuelle, “désarmante” si l'on peut dire, pour un tel sujet : ]
« l'autonomie des armes présente l'avantage de ne pas exposer les soldats au danger...idéal de zéro mort dans les armées occidentales » [Mais quid de l'adversaire ?] - p. 239 [à propos des armes autonomes, une naïveté anthropomorphe qui prouve une méconnaissance du réel :]
« (cet emploi) délégué à des systèmes robotiques … pose la question de l'obéissance des robots. » [Non : un robot fonctionne ou tombe en panne ; il n'obéit pas !]
L'auteur
Associée au Centre géopolitique des technologies de l'IFRI et au Centre de Recherches Internationales de Science-Po Paris, Laure de Roucy-Rochegonde enseigne à l'Institut d'études politiques de Paris et à l'université Paris 2 .
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