A condition de prendre un peu de recul.
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Thème
Big Brother s’adresse à Homo Domesticus, animal sauvage à présent dégénéré, qui ne dépend plus que de son éleveur, l’Etat, après avoir perdu jusqu’à l’instinct de survie.
A travers une dizaine de lettres, adressées par divers agents du « Parti de l’intérieur » (cf "1984", d'Orwell) à Monsieur Moyen (vous, moi), Laurent Obertone pose la question : Ils vous empêchent de penser ; qui sont-ils ? Et de s’en donner à cœur joie pour désignerpoliticiens, journalistes, publicitaires, féministes, artistes, enseignants, juges, intellectuels et experts auto-proclamés, tous ceux qui s’emploient, selon lui, à nous transformer en enfants ignorants et envieux, programmés en creux pour être emplis du politiquement correct, grâce aux écrans omniprésents.
Points forts
Pour asseoir son argumentation, Obertone reprend méthodiquement les points forts de "1984" :
- La négation de la réalité et la double pensée : Indignation vertueuse contre esprit critique.
"1984" : « L’hérésie des hérésies était le sens commun ( …). Après tout, comment pouvons-nous savoir que deux et deux font quatre ? Ou que la gravitation exerce une force ? ». Aujourd’hui, le déni du réel est flagrant, de la «théorie du genre» au «sentiment d’insécurité».
- La mutabilité du passé : Smith, le « héros » de "1984" est chargé de modifier les journaux anciens pour les rendre conformes à la politique du jour ; aujourd’hui, on réécrit l’histoire, quitte à en supprimer des pans entiers dans les manuels scolaires pour ne retenir que les épisodes qui servent l’orthodoxie actuelle.
- La novlangue : Dans "1984", la phrase est réduite à sa plus simple expression, de façon à en supprimer toute nuance (inbon, plusbon, doubleplusbon). Aujourd’hui, la langue s’est au contraire compliquée pour masquer la réalité; ainsi, certaines élucubrations absconses qui justifient le non-art contemporain.
- Les deux minutes de haine journalières de "1984" contre Goldstein, l’ennemi indispensable, sont le pendant du recours permanent à l’Extrême-droite avec cette phobie récurrente : ne pas faire le jeu du Front National.
Quelques réserves
- Livre mal construit. Les chapitres sous forme de lettres un peu fourre-tout n’évitent pas les répétitions sur le thème « tous-pourris » ; une table des matières manque cruellement.
- Violence du ton. Les attaques ad nominem ( Aymeric Caron, Edwy Plenel , BHL, Hollande, etc…) sont multiples et souvent drôles, mais leur virulence laisse un peu songeur. A trop vouloir prouver on manque parfois de crédibilité. L’excès finit par être dérisoire.
Encore un mot...
Obertone témoigne d’un parti-pris bien revendiqué : coller à deux romans célèbres de politique- fiction ("Orange mécanique", de Burgess; "1984", d’Orwell) pour démontrer que leurs auteurs visionnaires ont anticipé notre société actuelle : violence, totalitarisme, conditionnement mental, mutation de la langue (nadsat, novlangue) interdisant l’expression de toute pensée organisée. Même si ces deux ouvrages sont véritablement terrifiants, le rapprochement est en partie crédible. Et encore, le livre d’Obertone est sorti fin 2014, avant « l’esprit du 11 janvier » et le « padamalgam »…
Une phrase
p 95, cette phrase qui illustre bien la double-pensée : « La guerre, c’est la paix. Ces armées de tolérants, ces légions de libertaires, ces bataillons de démocrates, ces régiments d’ouverts d’esprit consacrent leur temps libre à interdire par tous les moyens l’expression de pensées divergentes ».
L'auteur
Ecrivain et journaliste, Laurent Obertone s’est rendu célèbre avec un premier essai, « La France Orange mécanique», qui a fait un certain bruit dans le Landerneau des bien-pensants. Il récidive aujourd’hui avec ce nouvel opus, second d’une trilogie dont le dernier tome est annoncé pour 2017.
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