La droite imaginaire
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Au travers de quelques exemples choisis dans l’histoire récente de la France, l’auteur revisite l’imaginaire de la droite française, « fait de héros et de saints, de livre de chevet et de lieux de mémoire, de films cultes et de partitions musicales ». Ce faisant, il tente de comprendre cette « droite qui ne s’aime plus mais, s’est-elle jamais aimée depuis 200 ans ? »
L’exploration commence par les « paradoxes de la Restauration », avec pour guide Chateaubriand. Ce légitimiste attentif aux désirs de liberté ne se satisfera pas du « libéralisme conservateur de la Monarchie de Juillet », appuyée sur une France rurale et aristocratique. Puis, la bourgeoisie soutiendra Napoléon III qui, tentant de concilier les grands principes de 1789 avec l’ordre social, sera « conservateur à l’extérieur et libéral à l’intérieur, ou inversement ». Après la défaite et le sanglant épisode de La Commune, la France « revancharde » devient républicaine. La débâcle des monarchistes, divisés entre légitimistes, respectueux du droit divin, et orléanistes tenants de la raison, emportera la droite parlementaire. Celle-ci ne reviendra aux affaires qu’en 1919, avec la « Chambre Bleu Horizon », dont la majorité partagée entre catholiques et voltairiens, est balayée en 1924. Le Cartel des Gauches bénéficia alors de l’exaspération fiscale, résultant du coût excessif de l’occupation de la Ruhr. L’auteur s’arrête alors sur les intellectuels de droite qui « devaient pratiquer l’art de la fuite comme remède au mal être qui les rongeaient » : Alain Gerbault, Jean Mermoz, Antoine de Saint-Exupéry. Ainsi s’achève ce survol rapide et elliptique de la droite, de la Restauration à la seconde guerre mondiale, omettant l’étape Vichy.
La seconde partie, s’ouvre sur la personnalité complexe du général de Gaulle « artiste, rebelle et croyant » (Régis Debray). Ce républicain patriote, nationaliste, qui vient du catholicisme social, remet au centre de la vie politique la légitimité et la souveraineté. Après son départ, la droite parlementaire ne pourra gérer la décolonisation, dont Pierre Schoendoerfer fait revivre, au cinéma et dans ses livres, quelques pages glorieuses. La personnalité et la politique du général de Gaulle, de retour au pouvoir, en 1958, pour régler l’affaire de l’Algérie, divisent la droite littéraire. Les « Hussards » (Antoine Blondin, Roger Nimier, Jacques Laurent, Michel Déon), héritiers de George Bernanos et de Paul Morand, refusant la décadence française assimilée à la décolonisation, soutiendrons Mitterrand en 1981. Il en ira différemment de Jean Dutourd, jeune ancien combattant proche d’Aragon, passé à droite par le biais du gaullisme. En 1974, la droite française, rassemblée autour de Valery Giscard d’Estaing, l’emporte sous ses couleurs. Ce jeune président, disciple de Tocqueville, perçu comme héritier de l’orléanisme, va, notamment, casser les codes monarchiques de la présidence, légaliser l’avortement et autoriser le rassemblement familial, autant de camouflets pour la majorité des gaullistes.
Achevant son voyage dans l’imaginaire de la droite, l’auteur veut voir dans le programme de François Fillon, opposé à Maastricht, en 1992, aux côtés de Philippe Séguin, un projet de réconciliation des droites par la réunion des aspirations économiques libérales et des valeurs conservatrices. Les maladresses du candidat, les sabotages d’une partie de son camp et une farouche opposition médiatique ont permis la victoire d’une « offre de renouvellement qui n’en était pas une, si ce n’est l’âge du vainqueur ».
Dans sa conclusion, Jérôme Besnard met en évidence nombre de points annonciateurs de la crise politique incarnée, fin 2018, par les gilets jaunes.
Points forts
- Un style fluide, qui agrémente la lecture.
- Une abondante documentation, dont témoignent 20 pages de notes, qui étayent la démarche de l’auteur.
- Une conclusion quasi visionnaire, déjà d’actualité.
Quelques réserves
Dans la première moitié de l’ouvrage, l’auteur se limite à des rappels d’une histoire familière au lecteur tant soit peu au fait de l’histoire politique de la France.
Encore un mot...
Je recommande la lecture de cet ouvrage, tout au moins de sa seconde partie, à ceux qui s’interrogent sur la crise politique et institutionnelle que la France ne pourra plus longtemps éviter. Toutefois, je déplore l’absence de toute réflexion de fond sur la problématique européeenne.
Une phrase
Ou plutôt 7:
Page 16 - Depuis trente ans la droite a tout raté ou presque : la première cohabitation, la dissolution de 1997, la présidentielle de 2012… Elle est tombée dans le piège de Maastricht, de la repentance et de l’ouverture.
Page 30 - … la difficulté à réconcilier la tradition, sans laquelle il n’y a pas de France et la liberté sans laquelle l’homme moderne n’a que peu de dignité.
Page 114 - C’est bien l’universalité que le général de Gaulle souhaitait opposer à l’internationalisation.
Page 152 - Avec l’indépendance de l’Algérie s’achevait l’essentiel de la décolonisation française sur fond d’incompréhension d’une société militaire qui n’avait guère fait relâche entre les combats depuis deux décennies, et qui s’estimait dès lors trahie par les politiques.
Page 159 - La verticalité a pris congé de l’image présidentiel qui se donne à voir dans les grandes largeurs du format télévisuel. La République descend de la cimaise pour se répandre sur les écrans.
Page 179 - Depuis Chateaubriand, la droite française n’a cessé de se déchirer. Elle continue de le faire sous nos yeux. Pourtant, des points de convergences existent entre les diverses familles spirituelles. La vision de la société des catholiques intransigeants et des démocrates-chrétiens, deux familles issues des catholiques sociaux, se rejoignent dans leur critique du libéralisme économique débridé et de l’anomie qui en découle.
Page 183 - …, la droite française doit s’atteler à la révolution de la liberté.
L'auteur
Né en 1979, Jérôme Besnard est diplômé en droit, philosophie et histoire. Journaliste il collabore, notamment, au Figaro, à Valeurs Actuelles et au Monde. Engagé en politique, élu municipal en Seine-Maritime, il s’engage dans la campagne présidentielle de 2017, aux côtés de François Fillon, dont il est conseiller politique et délégué pour la Normandie. On doit à cet homme de droite un essai sur Pierre Boutang, philosophe, poète et journaliste politique du 20ème siècle, chrétien, maurrassien et gaulliste.
Commentaires
Je ne pense que la droite ait tout raté
Il est vrai que les gens votent à gauche . Mais peut-on dire que MACRON est de gauche
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