À la droite de Dieu

"Cathos tradis", ça veut dire quoi en fait, ça reflète quoi ?
De
Jérôme Fourquet
Editions du Cerf
Notre recommandation
3/5

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Thème

Le sous-titre, Le réveil identitaire des catholiques, et les mots-clés imprimés sur la couverture couleur sang de la semaine Sainte, annoncent le programme. Derrière l’affiche, le propos est globalement modéré, factuel et progressif pour un lecteur, croyant ou pas, attiré par cette mouvance « identitaire » qui se serait installée à la place de Jésus, à droite du Père, à l’opposé des autres ouailles, survivants de l’aile gauche et intermittents de l’office dominical. 

Entre la Manif pour tous et la « radicalisation », en passant par les dernières évolutions électorales, allons donc arpenter les chemins de ces droitistes de Dieu.

Points forts

Pour les désabonnés de « La Croix » ou de « La Vie », Jérôme Fourquet revient sur les quarante années qui ont vu, à l’ombre consentante de la laïcité d’Etat, la rente de situation historique de la fille aînée de l’Eglise toucher le fond des bénitiers, là où il en reste. De quoi déstabiliser ceux qui préfèrent encore les obligations du jour du Seigneur au tiercé « footing, brunch, shopping » du dimanche en version 2.0. Lente au départ, la perte d’influence est brutale depuis les années 80/90 et voit le « catholicisme de convention » se reconfigurer douloureusement en un « catholicisme de conviction ».

Le centre de gravité du livre réside dans la traduction politique de ce séisme silencieux. Ramassant les armes de ses adversaires toujours inspirés par Gramsci, les catholiques s’enhardissent dans un « Mai rampant » qui surprend les observateurs et ses adversaires, habitués à leur lente prudence et à leurs habitudes discrètes de mollesse évangélique. En bon statisticien, l’auteur fait défiler, sondages et tableaux à l’appui, les symptômes de la déchristianisation : érosion démographique, féminisation, vieillissement, baisse de la pratique religieuse, immigration concurrentielle, défaite dans les combats sociétaux, pour voir, lors des derniers scrutins, ces nouveaux croisés rattraper et même dépasser par la droite le reste de l’électorat.

L’adoption d’une stratégie d’entrisme et d’influence, un vote désormais décomplexé et majoritairement acquis à toutes les nuances de la droite, l’inquiétude vigilante face à l’islamisme et à ses déviances terroristes, l’opposition aux ruptures du modus vivendi de la question scolaire, le soutien aux chrétiens d’Orient parfois abusivement amalgamé à une France menacée de l’intérieur, voilà, pour un peuple de Dieu inoffensif et assidu dans l’isoloir, abandonnant sa honte et sa peur, de quoi interpeler les consciences de tous bords.

Quelques réserves

Quand la politique perd son crédit, ce terrain est-il le plus approprié pour rendre compte de l’évolution des catholiques de la première ligne ? Ce « Politique d’abord ! » aurait pu être éclairé par la mise en perspective d’un « grand remplacement » spirituel qui ne se limite pas à la démographie. L’auteur aurait pu escalader par une autre face ce retour aux origines et au fait minoritaire, l’examen de conscience des sources de ce mal profond, la possibilité d’un vrai dialogue inter religieux.

Il aurait vu, cachée par le soupçon, que la grande majorité des pratiquants s’efforce de concilier au quotidien un paradoxe qui n’est que superficiel : la mobilisation pour perpétuer leurs valeurs versus l’éternelle actualité de l’espérance, la préservation du patrimoine et de la filiation religieuse avec la générosité des esprits et des cœurs, l’extrême sensibilité des fidèles à la liberté de croire et de pratiquer avec la culture pacifique du respect de l’Autre. 

Plutôt que le « raidissement idéologique » et le « repli identitaire » craints par l’auteur, je perçois, personnellement, un retour logique et cohérent à l’exigence de ces catholiques bousculés qui ne trouvent d’accueil charitable pour leurs idées et leurs convictions qu’à droite. Sans être dupes pour autant. Alors, à qui la faute ?

Encore un mot...

La pratique religieuse des nouveaux catholiques d’un vieux pays chrétien a déteint sur l’action politique et, à l’occasion, entraîné le clergé à sa suite. Les brebis de l’extrême ne font pas un troupeau et encore moins une menace. 

Pris dans l’étau de l’affirmation de soi pour survivre, s’ils font confiance à l’éternité, les « cathos » ne se résignent, avec ou sans l’onction du pape François, ni au coma spirituel de l’Ancien monde ni à l’ultime martyre. Et sur une terre sur laquelle le Christ de Dali se penche, il faudra toujours une droite et une gauche, comme un est et un ouest, pour que le soleil continue de se lever, de tourner et de se coucher pour que la Création se poursuive...

Une phrase

Ou plutôt trois:

- "On ne savait pas que c’était dangereux d’être prêtre aujourd’hui en France".

- "Les chrétiens (d’Orient) sont aujourd’hui persécutés parce qu’ils sont minoritaires".

- "La France des invisibles est devenue visible".

L'auteur

Jérôme Fourquet est directeur du département opinion et stratégies d’entreprise d’un institut de sondages et d’études, L’IFOP. 

Il est l’auteurs de plusieurs ouvrages sur les questions qui agitent la société française : la question corse, les migrants, le terrorisme, l’antisémitisme, et déjà, en 2014, le catholicisme : La religion dévoilée et sa nouvelle géographie, en collaboration avec Hervé Le Bras sous l’égide de la fondation Jean Jaurès.

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