La disparition de Jim Thompson
Septembre 2021
181 pages
17 euros
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Thème
Jim Thompson, né en 1906, est, dans les années 60 un bel américain, élégant, riche, cultivé, à qui tout a réussi, même son divorce, puisqu’il reste ami avec son ex-épouse qu’il rencontre à New York pour ses affaires. Il est aussi collectionneur d’art asiatique, bienfaiteur de familles de tisserands thaï puisqu’il a bâti sa fortune sur le savoir-faire local en soieries précieuses exportées pour la Haute Couture dans le monde entier. Il vit à Bangkok, lieu sublime, le long d’un klong, dans une maison qu’il a lui-même dessinée. Il y reçoit parfois des amis plus ou moins célèbres, tels Somerset Maugham ou Robert Kennedy. Il part souvent se reposer en Malaisie proche, chez ses amis Edna et Pat dans les Cameron Hills si luxuriantes avec leurs forêts primaires et leurs sources chaudes. C’est là qu’il disparaît le Lundi de Pâques 1967, sans que l’on ne retrouve jamais sa trace.
Points forts
La plume est alerte. Le récit est élégant.
On retrouve, au début de ce récit à peine romancé, toute la doucereuse nostalgie de la vie coloniale en Asie du Sud-Est, le trop plein de beauté, la souriante langueur des autochtones, le goût d’un luxe à jamais perdu. C’est à la fois jubilatoire et un peu agaçant, comme tous les récits du « c’était mieux avant ». C’est amusant aussi, avec des anecdotes et des portraits bienvenus.
Mais page 99, avec la rencontre de Pridi Banomyong, le ton change radicalement. On passe à l’enquête, sur une affaire peu reluisante, jamais élucidée. En effet, sous sa cuirasse si lisse, Jim est un ancien de l’OSS, membre de la CIA, parfois chargé, avec bien d’autres, d’une diplomatie souterraine, souvent inavouable et parfois de « sales boulots ». Il connaît beaucoup de secrets. Chargé de remettre Pridi aux autorités américaines, dans un contexte de Guerre froide et d’occupation secrète au Laos, Jim Thompson refuse de se soumettre parce que Pridi est son ami, un homme très intelligent qu’il estime, et qu’il pense utile pour l’avenir de son pays.
A partir de là tout se déglingue...les affaires commencent à aller mal, la concurrence l’étrangle, il est accusé d’être un fraudeur, un pilleur d’oeuvres d’art, mis sous surveillance, sa santé se dégrade…
La fin du récit -de cette histoire vraie - laisse pantois : quelques jours après sa disparition, sa sœur, habitant le Delaware (USA) fut assassinée et sa maison fouillée de fond en comble. On ne revit jamais Jim Thompson, ni mort ni vivant.
Quelques réserves
Un peu trop de descriptions peut-être ? Et des listes : l’auteur aime les listes d’objets dans les boutiques et les marchés (p.22/23), les descriptions précises des lieux et des maisons, des gens des cercles occidentaux.
Encore un mot...
Bref, c’est une enquête, plus qu’un roman.
Ceux qui ont vécu en Orient dans les années 70-80 ont tous eu vent de cette affaire, mais ne pouvaient en parler qu’à mots couverts.
Une phrase
La Thaïlande avait bien changé depuis que l’Amérique était en guerre au Vietnam. L’argent avait été injecté en masse pour que le pays ne cède pas aux chants fleuris des communistes. ...le petit port de Pattaya était devenu le plus grand bordel militaire – avec vue mer- que le monde ait jamais connu.(p.28)
Jim comprit très vite que seules trois options s’offraient à lui:leur donner Pridi ; refuser et attendre de se faire liquider ; ou bien disparaître comme une brume dans les chaleurs de l’aube…(p. 174)
L'auteur
Vincent Hein a longtemps vécu en terres chinoises ; Il est psychanalyste et écrivain, parfois journaliste, il a déjà publié avec succès L’Arbre à singes qui a obtenu en 2012 le Prix littéraire de l’Asie décerné par l’Association des Ecrivains de langue française (ADELF) La disparition de Jim Thompson, a été retenu dans la deuxième sélection du Prix Fémina 2021, et finaliste du Prix Fémina des lycéens 2021.
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