La crise de l’ abondance
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L’abondance est restée longtemps comme rien d’autre que l’un des grands mythes de l’Humanité. Depuis la nuit des temps, la réalité quotidienne de la condition humaine était plutôt faite de rareté et l’exigence de la survie alimentait largement les préoccupations de tous les instants. L’abondance, c’est l’assurance de ne pas connaître la disette, la malnutrition, mais la logique de « la Corne d’ abondance » voudrait qu’elle soit satisfaite par une juste et maîtrisée quantité de production.
Par son génie, les découvertes , les innovations et les progrès qu’il a su entreprendre, l’ être humain a su s’offrir une entrée dans ce pays de Cocagne : Il a appris « à mieux exploiter les terres, à repousser la faim et le froid, à accéder à l’ instruction et à inventer la société de consommation et de loisirs. »
Comme l’avait imaginé dès 1930 le grand Maître John Meynard Keynes : « le problème économique peut être résolu d’ ici cent ans, … ainsi l’homme pourra pour la première fois depuis sa création faire face à ce problème : Comment occuper cette liberté arrachée aux contraintes économiques, comment occuper les loisirs que la science et les intérêts composés auront conquis pour lui.. de manière agréable sage et bonne ? Mais nous ne pourrons voir venir l’ère de l’oisiveté et de l’ abondance sans craintes .. car nous avons été entraînés pendant trop longtemps à faire effort et non à jouir ... ».
Si la mondialisation- globalisation nous a permis d’oublier largement nos peurs primitives «disparaître, manquer, souffrir », elle en a fait naître de nouvelles en même temps qu’ apparaissaient de nouveaux défis en termes d’égalité, de solidarité, de protection de l’environnement et des ressources de la Planète… des problèmes de riches, en effet, mais pas seulement !!
Car l'abondance n’évite pas les crises et François- Xavier Oliveau en met trois principales en lumière :
- la crise de la Terre : « Nous avons réussi ce paradoxe de rendre abondantes des ressources finies » mais les sols sont endommagés et pollués par la façon dont nous les exploitons et les océans abriteront bientôt (2050) plus de plastiques que de poissons.
- la deuxième crise est celle de l’ argent : la monnaie coule à flots mais le monde est surendetté , et c’est la richesse des mieux nantis qui, à travers la valorisation des actifs progresse le plus ; tandis que les inégalités s’accroissent et qu’une partie de l’ humanité reste dans la précarité relative.
- la troisième crise, celle de l ‘Homme, de sa place dans la société par le travail face au télétravail, à l’intelligence artificielle, aux robots ; la peur de la fin du travail et/ou de la perte de sa « valeur » se substitue à nos peurs primitives : une crise à la fois économique et morale est devant nous.
L’auteur propose des éléments de réponse pour traiter ces trois crises majeures, simultanées, aux enjeux immenses, qui font peser le risque de voir basculer une frange entière de la population dans le déclassement et la révolte (confère les Gilets jaunes). Dans ces analyses très fines économiques, sociologiques et sociétales, parfaitement documentées, marquées de l’empreinte de la pensée de « l’ ingénieur », l’auteur identifie les mécanismes de l’abondance et propose de nouveaux outils à mettre à l’œuvre pour l’apprivoiser : « la principale révolution est mentale, elle consiste à regarder de façon radicalement différente les concepts ancrés dans nos inconscients liés aux temps de la rareté, avec le travail , l’inflation, la déflation, la croissance etc.. » . Le fil d’Ariane de ses propositions s’appuie sur une logique constante : il faut distribuer l’ abondance : Un dividende monétaire (donner de l’argent à tous ) « une idée invraisemblable mais une histoire sérieuse » qui s’inscrit sur une ligne voisine de la théorie de la “monnaie hélicoptère” et par extension de celle du « revenu universel » : il s attache méticuleusement et de façon très convaincante à en lever les principales objections, financières et morales par ce raisonnement nouveau, celui de l’ abondance qui succèderait radicalement à celui de la rareté. C’est une urgence, considère l’ auteur « car le situation politique et sociale dans les pays riches aura tout d’une poudrière, un tel creusement des inégalités ( et la crise de la Covid l’ a accentué) ne peut qu’alimenter tous les délires, toutes les tentations populistes. Les élites qui auront laissé progresser une situation injuste, faute d’avoir compris les règles de l’ abondance, seront rejetées».
Points forts
Dans ce nouvel et stimulant essai, François-Xavier Oliveau apporte de la rationalité , dans une approche rigoureuse « d ingénieur » sur un sujet qui le plus souvent prête le flanc à toutes formes de dogmatismes, politiques, économiques ou moraux. Il rejette à la fois l’idée « d’une impossible croissance infinie » et d’une décroissante mortifère, en esquissant les grandes lignes d’une troisième voie celle d’une gestion plus juste et plus intelligente de l’abondance.
Quelques réserves
Cette nouvelle vision de « la distribution de l’abondance » s’inscrit dans une logique très éclairante dont les effets porteront principalement sur le long terme. Mais, à court terme , les inégalités croissantes de patrimoine et de revenus seront que peu impactées. Quid de l’éthique et de l’universalité souhaitée dans le partage de l’abondance, avec par exemple des salaires de dirigeants qui représentent 2000 fois celui de leurs salariés ( le patron d’Alphabet empoche chaque année 260 millions de dollars !!!)..
Des propositions correctives auraient mérité des développements spécifiques … mais ce sera sans doute une opportunité pour un prochain essai !
Une phrase
« La pression sur les prix liée à la crise de 2020 appelle à la mise en place des dispositifs d’injection monétaires. La première Banque Centrale qui osera le faire sera rapidement copiée par les autres, sous un format ou sous un autre, l’injection monétaire directe s’étendra alors rapidement et deviendra la brique de base des politiques monétaires au XXIe siècle. » p. 180
L'auteur
Diplômé de Centrale, de Sciences-Po et d’Harvard, Conseil en transition Ecologique, François-Xavier Oliveau est auteur lauréat du Grand Prix du Jury du Prix TURGOT pour son ouvrage « Microcapitalisme» paru en 2017 (PUF).
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