Jean-Pierre Melville, le solitaire
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Né en 1917, il y a un peu plus d’un siècle, et mort prématurément à l’âge de 55 ans, le réalisateur Jean-Pierre Melville reste l’un des plus grands noms du cinéma français. Ses films, « Le Silence de la mer », « Le Doulos », « Le Samouraï », « L’Armée des ombres », « Le Cercle rouge », entre autres, l’ont inscrit dans les mémoires et sont autant de références pour la génération actuelle, de Quentin Tarantino aux nouveaux maîtres du cinéma asiatique.
Points forts
1- Jean-Pierre Melville, né Grumbach (il emprunta son pseudonyme à l’auteur de « Moby Dick »), fut un véritable personnage de roman, complexe et même contradictoire, et sa vie, un film à rebondissements. De son enfance de petit juif alsacien à son engagement dans la Résistance, de ses débuts de cinéaste franc-tireur, qui lui vaudront d’être considéré comme le père spirituel de la Nouvelle Vague, à sa reconnaissance internationale, ce virtuose de la mise en scène a toujours su rester un homme libre, indépendant, refusant les contraintes et les compromis.
2- Dix minutes suffisent - parfois moins - pour identifier une œuvre signée Melville. Preuve nécessaire et suffisante qu’il était un auteur, doté d’un univers et d’un style personnels, d’une touche unique. Il aimait tourner des films sur la France de l’Occupation et des polars, ces tragédies modernes où s’affrontent hors-la-loi et forces de l’ordre. Il parlait de la solitude, de la trahison, du destin, de la fatalité. Ses mises en scène stylisées visaient à l’épure, et personne mieux que lui n’a photographié des lieux déserts, le froid et le silence.
3- Melville admirait les stars, mais son cinéma était essentiellement masculin. En une douzaine de films, il a offert peu de jolis rôles à des actrices, à part Simone Signoret, Catherine Deneuve et Emmanuelle Riva dans « Léon Morin prêtre ». En revanche, il a filmé merveilleusement Alain Delon, inoubliable « Samouraï », son chef-d’œuvre, et aussi Belmondo, Ventura, Vanel, Montand, Bourvil… Pourtant ses rapports avec eux sur les tournages n’étaient jamais simples. Melville ne craignait ni brouilles ni embrouilles.
4- Enfant, le petit Jean-Pierre a commencé à tourner dès l’âge de six ans grâce à une caméra Pathé-Baby offerte par ses parents. Devenu adulte, il a gardé le goût de posséder ses propres outils et fut l’un des rares cinéastes à avoir ses studios, rue Jenner, dans le XIIIe arrondissement de Paris. Directeur d’acteur peu commun, il ne donnait jamais d’explications psychologiques à ses interprètes ; les motivations de ses personnages l’intéressaient moins que leurs actes.
5- Écrit dans une langue claire et fluide, le livre de Bertrand Tessier mêle au récit de cette vie sans pareille des anecdotes édifiantes et des analyses fructueuses. Bien documenté, il s’appuie sur plus d’une vingtaine d’entretiens avec des proches du cinéaste, et comme un label de qualité et de rigueur, il est préfacé par le journaliste Philippe Labro, ami fidèle et disciple admiratif de Melville.
Quelques réserves
Jean-Pierre Melville n’aimait pas son visage et préférait le cacher. En permanence, il portait des lunettes fumées Ray-Ban, modèle Aviator, et un chapeau, d’abord de feutre, puis de la marque Stetson qu’il avait découverte aux Etats-Unis lors du tournage de « L’Aîné des Ferchaux ». La photo choisie pour la couverture le présente sans lunettes. Peut-être sous-entend-elle que grâce à ce livre Melville tombe le masque. Ce qui est sûr, c’est que ce cliché n’est pas flatteur et même, pour tout dire, particulièrement vilain...
Encore un mot...
Une très bonne biographie du réalisateur du « Deuxième Souffle », bien menée, alerte, instructive. Ou comment découvrir la face secrète et mystérieuse de celui qui fut l’un des cinéastes français les plus originaux de son époque.
Une phrase
Philippe Labro, à propos du dernier film de Melville, « Un flic » avec Alain Delon et Catherine Deneuve, mal accueilli à sa sortie en 1972 : « Si l’on n’a pas bien compris qu’un échec "melvillien", cela valait et cela vaut les "réussites" de centaines d’autres, c’est qu’on ne sait pas ce qu’est le cinéma. »
L'auteur
Journaliste pour Paris Match et Gala, Bertrand Tessier est l’auteur de plusieurs biographies et essais sur des grands du cinéma: Alfred Hitchcock, Jean-Paul Belmondo, Patrick Dewaere… Réalisateur pour la télévision, il a signé de nombreux documentaires consacrés notamment à Marilyn Monroe, Marisa Berenson, Brigitte Fossey ou Gene Kelly.
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