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Thème
Découpé en sept chapitres, ce livre réunit cent doubles pages où voisinent une photo en noir et blanc ou en couleur, prise par Laurencine Lot dans un théâtre privé ou public, et le commentaire explicatif de Michel Corvin.
Points forts
1) N’en déplaise aux puristes pour qui le théâtre est avant tout un art éphémère et doit le rester impérativement, on ne peut que se féliciter de disposer de plus en plus de traces des spectacles du passé : des articles, des commentaires, des dessins, des photographies et désormais des captations. Il est fondamental de pouvoir transmettre aux nouvelle générations ce que furent certaines pièces cultes. Dans cette optique, ce livre est un trésor.
2) Réaliser des clichés de théâtre est probablement l’un des exercices les plus difficiles pour un photographe. Il faut savoir que les conditions de travail ne sont pas aisées : filages rapides des pièces, déplacements difficiles dans la salle, lumières imposées... Tout cela Laurencine Lot semble l’avoir surmonté grâce à son expérience mais aussi grâce à un rare talent d’écoute, ce qui est paradoxal pour une femme d’image. Elle ne se contente pas de rapporter des photos de ce qui se passe sur scène, elle sait aussi capter des secrets du plateau et les partager. C’est sa touche, sa patte, son talent.
3) En contrepoint, Michel Corvin, grand connaisseur du théâtre, universitaire et écrivain, déchiffre ces photos. Dans ses meilleures pages, il réussit à partir d’un visage, d’un regard, d’une posture, de la position des mains d’un comédien, du rapport de deux corps, à décoder le personnage représenté, la situation dans laquelle il se trouve et aussi le parti pris de la mise en scène et le sujet central de la pièce ! C’est très fort et passionnant. À lire pour exemples, les pages qu’il consacre à Tchekhov face à des photos de Julie Denisse, Juliette Binoche, Roland Bertin, à « Mademoiselle Julie » avec Isabelle Adjani ou à « Hamlet » dans les mises en scène de Dan Jemmett, Antoine Vitez, Patrice Caurier et Moshe Leiser.
4) En observant longtemps chaque photo et en lisant attentivement le commentaire qui s’y rapporte, le lecteur finit par avoir la sensation exaltante d’accéder à l’essence même d’un spectacle pourtant évanoui, comme lorsqu’on retrouve un flacon de parfum presque vide au fond d’un tiroir. Au fil des pages, à force de prendre connaissance des légendes de Michel Corvin, le lecteur apprend aussi à décrypter une image, à aller au-delà des apparences.
Quelques réserves
1) Certaines phrases de Michel Corvin sont hermétiques, comme réservées à un petit lectorat. Son ouvrage ne s’adresse pas à tous les amateurs de théâtre, et c’est dommage.
2) En second lieu, non pas un point faible mais une petite question : pourquoi ceux que l’on appelle les « beaux-livres » ou les « coffee table books », genres auxquels cet album appartient, sont-ils aussi encombrants et finalement aussi peu adaptés à la lecture ? Question de format, de qualité de papier, d’épaisseur de couverture, diront les éditeurs. Certes, mais un ouvrage comme celui-ci, pesant environ 1,5 kg, n’est-ce pas exagéré ?
Encore un mot...
Un très bel album qui conjugue photos révélatrices et commentaires nourris sur des spectacles phares du temps passé. Un témoignage sensible et instructif, mais un peu élitiste.
Une phrase
Michel Corvin, à propos de certaines photos de théâtre : « Si la prise est bonne, on peut aller jusqu’à dire qu’elle contient en condensé une part substantielle du tout de la pièce (sens et mise en scène). »
L'auteur
- Écrivain et universitaire, Michel Corvin est l’auteur d’une soixantaine d’ouvrages sur le théâtre dont le célèbre « Dictionnaire encyclopédique du théâtre », paru chez Bordas.
- Depuis les années 70, Laurencine Lot est une photographe spécialisée en théâtre. Collaboratrice de nombreux journaux, elle a présenté plusieurs expositions et publié sept beaux-livres dont « Monstres sacrés, sacrés comédiens ».
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