Histoire du Jansénisme
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Thème
Que nous reste-t-il de ce que l'on nous a enseigné sur le jansénisme en histoire et en littérature ? Peu de choses, avouons-le : Quelques noms, le grand Arnauld, Pascal et sesProvinciales, Racine et les Messieurs de Port-Royal; quelques images, les religieuses en habit blanc frappé d'une croix rouge et des jeunes filles bien éduquées ; une pièce sublime de Montherlant... Or, le jansénisme a marqué profondément le Grand Siècle, connu la persécution et continué de rayonner dans les siècles suivants, jusqu'aux "derniers fidèles". Pourtant, et c'est la thèse développée par l'auteur : "Personne ne se réclame du jansénisme. Ceux que l'on désigne comme "jansénistes" n'ont de cesse de récuser ce terme...". Le défi qu'elle relève est d'en retracer l'histoire alors que, "d'une certaine façon, il n'existe pas puisqu'il n'est jamais revendiqué ".
Monique Cottret nous permet de comprendre comment cette querelle théologique à l'intérieur du catholicisme a pris une dimension politique au point de devenir une affaire d'Etat qui bouleverse les deux derniers siècles de l'Ancien Régime. Tout ayant commencé par l'invention d'une hérésie autour de l'Augustinus, titre de l'œuvre maitresse du flamand Jansénius, évêque d'Ypres (1585-1638).
La deuxième partie tente d'expliquer les décisions de Louis XIV (le jansénisme, source de cabale ou de complot), l'acharnement des Jésuites, la persécution et la résistance des "Solitaires" et des religieuses. Port-Royal-des-Champs, foyer de sédition ? Le monastère sera rasé en 1710 et les morts déterrés du cimetière. Admirables femmes qui donnent priorité à leur conscience sur l'obéissance à l'autorité du monarque... Tout le débat est là. C'est la persécution qui a "fabriqué" le jansénisme, affirme et démontre l'auteur.
Une troisième partie nous plonge dans les remous de la fameuse bulle Unigenitus (1713) :pour les jansénistes et de nombreux intellectuels, elle représente la grande catastrophe héritée du Roi-Soleil, lequel contraint, en 1661, tous les ecclésiastiques de France à signer leFormulaire, déclaration condamnant comme hérétiques, fausses et suspectes les cinq propositions attribuées à Jansénius. Au point que les jansénistes deviendront partisans de la Constitution civile du clergé et avec elle de la Révolution, adhésion que la quatrième partie explique brillamment.
Points forts
- Un panorama complet, des origines (dernières années de Louis XIII) aux ultimes traces (1870 environ) d'un courant aux ramifications complexes. Une histoire politique autant que religieuse. Une histoire de la contestation...
- Plusieurs portraits d'intellectuels influents (Nicole, Saint-Cyran, Bérulle, Soanen, Grégoire, et bien d'autres).
- L'immense rôle joué par la presse clandestine qui se met en place vers 1728 et alimente des "réseaux" efficaces d'opposition au pouvoir. Dont les Nouvelles ecclésiastiques, feuille janséniste et source essentielle de l'auteur.
- Au cas où certains auraient tendance à oublier que le Grand Siècle, ce ne fut pas seulement Versailles, ses fastes et ses jeux, mais aussi des guerres, et, envers les jansénistes catholiques, comme envers les protestants, une intransigeance et un acharnement inouïs.
Quelques réserves
- Si la fin de l'ouvrage offre un index de tous les noms propres, on aurait apprécié que soient listées les principales figures jansénistes en une courte biographie résumée.
- De même, il aurait été pratique de consulter un glossaire, certains mots méritant d'être explicités (par exemple et entre autres : richerisme, érastianisme, molinisme, figurisme, joséphisme...). On perçoit leur étymologie, on peut se reporter à un dictionnaire, mais en avoir la définition par rapport au jansénisme aurait facilité la lecture...
- Certains passages exigent d'être bon connaisseur du Grand Siècle, même si l'on admet que l'auteur ne peut, sinon à rajouter des centaines de pages, développer certaines allusions historiques.
Encore un mot...
Le débat, mutatis mutandis, entre l'obéissance aux lois de la société ou aux croyances des religions n'a rien perdu de son actualité... D'où l'on mesure aussi l'influence, non des partis -le jansénisme n'en fut jamais un- mais des mouvances, des affinités de pensée.
Une phrase
"L'histoire du jansénisme est souvent le récit d'une chute, celle d'un mouvement qui sombrerait de hauteurs spirituelles inaccessibles dans le bourbier du politique : c'est ainsi et en suivant ce critère que le jansénisme du XVIIIe siècle a longtemps été méprisé et son importance largement sous-estimée".
L'auteur
Historienne moderniste, professeur émérite à l'université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, Monique Cottret s'est particulièrement penchée sur les liens entre politique et religion aux XVIIe et XVIIIe siècles. A preuve, les titres de deux de ses livres : "Jansénismes et Lumières, pour un autre XVIIIe (Albin Michel, 1998) et "Culture et politique dans la France des Lumières 1715-1792 (Armand Colin, 2002). De même, pour son ouvrage fameux "Tuer le tyran ? Le tyrannicide dans l'Europe moderne" (Fayard, 2009). Tout au long de sa carrière, elle a apporté sa contribution à plusieurs ouvrages d'histoire collectifs dans lesquels elle signe les chapitres consacrés à ces périodes. Avec son époux, l'historien Bernard Cottret, elle a co-rédigé plusieurs titres dont "Jean-Jacques Rousseau en son temps" (Perrin 2005 et 2011) couronné du Prix Castex de l'Académie des sciences morales et politiques. Ayant soutenu sa thèse sur le jansénisme et consacré une biographie à l'une de ses grandes figures, Robert de Saint-Vincent, nul ne pouvait mieux qu'elle retracer l'histoire de ce courant de contestation catholique.
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