Henri Lacordaire
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Il s'agit d'une biographie extrêmement détaillée où l'auteur se veut "attentif au temps qui passe, aux événements qui se suivent et se bousculent, à la manière dont Lacordaire agit et réagit", au caractère de ce personnage d'exception, à la richesse de son existence (foisonnante mais assez brève: né en 1802, il meurt à 57 ans), à ses désirs spirituels profonds, et aussi aux nombreuses contradictions qui jalonnent sa vie, sans omettre d'expliquer les vicissitudes politiques et religieuses du moment.
Voici un Lacordaire, prédicateur renommé et donc homme public, volontiers procédurier, libre en pensée et en parole, prenant des positions audacieuses, les expliquant dans un style clair et franc. Mais également un Lacordaire plus intime, fidèle en amitié et à sa famille, dynamique en foi et en apostolat, dévoué au salut des âmes, avec le sens aigu d'une "croix à porter"... D'où cette "chronologie fine" fondée essentiellement sur sa correspondance car, si Lacordaire a beaucoup parlé, il a aussi abondamment écrit.
Points forts
- Si le nom de Lacordaire est immédiatement associé à ses fameuses prédications, notamment à Notre-Dame de Paris mais aussi dans plusieurs villes de province, on découvre bien d'autres aspects de celui qui compte parmi l'un des prêtres qui ont le plus marqué le XIXe siècle (avec l'abbé de La Mennais et le curé d'Ars). Et notamment, aspect fondamental, qui fut, au prix de multiples démarches, le "refondateur" de l'Ordre des Dominicains en France.
- Cette plongée dans les débats religieux de la première moitié du XIXe siècle rend parfaitement compte de la complexité de courants et de conflits dont on n'a plus guère idée aujourd'hui.
- Au début de l'ouvrage, le contexte historique est résumé de manière suffisante pour que le lecteur s'y retrouve.
- On prête aussi attention, grâce à de nombreux portraits, à d'autres personnages, par exemple Montalembert, Ozanam, Louis Veuillot ou le père Jandel, ainsi qu'à des gens oubliés ou "secondaires" dont le rôle ne fut pas pourtant pas mineur (Sophie Swetchine entre autres). Et aussi à ses contradicteurs, car il n'avait pas que des amis...
- Au delà de l'étiquette "prédicateur célèbre", le sérieux des sources permet de rétablir la réalité par rapport aux préjugés et aux critiques qui ont circulé à son sujet (avide de succès, homme de gauche, électron libre, patriote et libéral, etc).
- Pas d'affolement : sur les 900 pages, il n'y en a que 650 à lire, les autres étant consacrées aux notes abondantes et à l'appareil critique...
- La conclusion, reprise des principaux éléments de la personnalité de Lacordaire, mérite lecture attentive.
Quelques réserves
- Les citations des lettres sont toujours courtes (un peu trop ?). On admet que l'auteur ait préféré résumer la correspondance plutôt que la citer. On peut trouver dommage qu'il n'y ait pas plus d'extraits des fameux sermons qui faisaient courir les foules (un auditoire considérable, estimé à 5000 personnes en 1835 et en 1836).
- L'abondance des détails mentionnés fait éprouver au lecteur une certaine difficulté à démêler les anecdotes au jour le jour des événements essentiels.
Encore un mot...
Une biographie d'une excellente facture, qui fera date, et qui, sans être destinée au "grand public", intéressera ceux qui veulent approfondir cette période de l'histoire, où politique et religion sont inséparables.
Une phrase
Lacordaire était optimiste. Il avait la conviction que le salut de la France serait assuré le jour "où l'éducation religieuse de la bourgeoisie française serait faite, et que ce grand corps, le premier du monde, se serait réconcilié avec son père, le christianisme".
L'auteur
Anne Philibert, ancienne élève de l'ENA, magistrat et docteur en histoire, a déjà publié au Cerf un "Lacordaire et Lamenais (en 2009 et en 1136 pages!), c'est dire qu'elle connaît parfaitement cette époque, celle de la catholicité du XIXe siècle, période mouvementée de reconstruction de l'Eglise de France après les destructions révolutionnaires.
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